Le traitement de la loi etrangere en matiere de statut personnel( Télécharger le fichier original )par Chimene Chrystelle AKEUBANG YEFFOU Universite de Yaounde II SOA - Diplome d'Etudes Approfondies en Droit Prive 2005 |
B. LA PORTÉE DU RÉGIME FACULTATIF DE LA RÈGLE DE CONFLIT31. Deux arguments d'ordre pratique ont été avancés au soutien du principe facultatif.98(*) Le premier concerne le rôle des juges d'instance. Relever la vocation d'une loi étrangère est une chose, l'appliquer en est une autre, d'autant plus qu'il est assez difficile pour le juge d'effectuer des recherches de droit comparé. Le deuxième a trait à l'organisation de la juridiction suprême. Imposer aux juges du fond l'obligation d'appliquer d'office le droit étranger, c'est prendre le risque d'une inflation de pourvois et encourager les manoeuvres dilatoires alors que la Haute juridiction est déjà surchargée. La négation de toute impérativité à la règle de conflit par les juridictions camerounaises pourrait se justifier par l'absence de maîtrise, et parfois même l'ignorance du système de la règle de conflit de lois par la majorité des magistrats. Il faut noter que le droit international privé est une matière qui a été jusqu'à très récemment, absente des programmes de formation des juristes camerounais.99(*) Même si les arguments invoqués au soutien du régime facultatif de la règle de conflit comportent un part de vérité, il est nécessaire de les combattre car ils entament le crédit de l'institution judiciaire toute entière. On pourrait même dire avec Mme FAUVARQUE-COSSON, qu'ils « menacent l'existence même des conflits de lois ».100(*) En effet, dénier tout caractère obligatoire à la règle de conflit de lois revient en quelque sorte à enlever au droit international privé son objectif principal qui est de résoudre avec une certaine objectivité les conflits qui naissent des relations privés internationales. 32. Le second problème posé à la Cour de cassation dans l'affaire Bisbal concerne la loi selon laquelle il convient de statuer dans le cas où le juge n'applique pas la loi étrangère désignée par la règle de conflit. La Haute juridiction en profite pour affirmer la vocation universelle de la lex fori à régir tout rapport de droit privé. Paragraphe II : LA CONSÉQUENCE DU PRINCIPE : LA VOCATION UNIVERSELLE DE LA LEX FORI33. L'arrêt Bisbal affirme la vocation de la loi interne française « à régir tous les rapports de droit privé ». Plusieurs arguments peuvent certes justifier cette vocation universelle de la lex fori, (A) il n'en demeure pas moins vraie qu'elle a fait l'objet d'une importante critique doctrinale. (B)
A. LA JUSTIFICATION DE LA VOCATION UNIVERSELLE DE LEX FORI34. La vocation universelle de la lex fori, telle qu'admise dans l'arrêt Bisbal, peut s'expliquer par l'idée selon laquelle le droit interne est le meilleur possible. La loi espagnole interdisant le divorce a paru bien stricte aux juges français, étant donné surtout le fait que les époux Bisbal habitaient en France depuis plusieurs années. Aussi, ont-ils opté pour l'application de la lex fori, bien que la loi étrangère compétente ait été manifestement connue, et n'ait présenté aucune difficulté de recherche. Selon M. Cyrille DAVID, une telle application s'expliquerait parce que c'est la loi du for qui a la plus grande valeur rationnelle pour le juge, or comme les problèmes de droit privé sont au fond toujours les mêmes, ce dernier doit être toujours apte à les résoudre.101(*) 35. L'on constate que la vocation universelle de la loi camerounaise, issue de la jurisprudence Bisbal semble être conservée par l'Avant Projet de Code camerounais des personnes et de la famille. En effet, ce texte énonce en son article 9(2) que la loi camerounaise s'applique chaque fois que les parties renoncent à se prévaloir de la loi étrangère. On peut penser que cet article confirme la vocation universelle de loi camerounaise chaque fois que la loi étrangère n'est pas invoquée par les parties. On comprend dès lors que si les parties à un litige international ne soulèvent pas la compétence du droit étranger, il n'y aura aucun problème, puisque la loi camerounaise permettra toujours au juge de résoudre le conflit. Cette proposition semble critiquable. En fait, la vocation universelle de la loi camerounaise ne peut avoir qu'une influence négative sur le développement d'un système de droit international privé propre au Cameroun. Il est nécessaire que notre législation s'adapte au développement de notre société. Il est donc inconcevable qu'avec l'accroissement actuel de la circulation des personnes et des biens à travers les frontières étatiques, le droit camerounais continu à s'appliquer à toutes les situations litigieuses présentant un élément d'extranéité. La vocation universelle de la lex fori, admise par la jurisprudence Bisbal a fait l'objet de vives critiques. * 98 v. FAUVARQUE-COSSON (B.), le juge français et le droit étranger, D. 2000. 539. * 99 Il n'y a pas très longtemps que le Droit international privé a été inclus dans le programme des cours magistraux de Maîtrise en Droit dans nos Universités, et même dans le programme de l'Ecole Nationale d'Administration et de Magistrature du Cameroun (ENAM). * 100 Ibid. * 101 DAVID (C.), La loi étrangère devant le juge du fond, Paris, Dalloz, 1965, p. 68. |
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