Le traitement de la loi etrangere en matiere de statut personnel( Télécharger le fichier original )par Chimene Chrystelle AKEUBANG YEFFOU Universite de Yaounde II SOA - Diplome d'Etudes Approfondies en Droit Prive 2005 |
A. L'AUTONOMIE DU CONCEPT DE DÉNATURATION DE LA LOI ÉTRANGÈRE101. Abandonnant le visa de l'article 1134 du Code civil, la Cour de cassation lui a substitué celui de l'article 3 du Code civil : désormais, en dénaturant la loi étrangère, les juges du fond refusent de l'appliquer et contreviennent ainsi à la règle de conflit qui la désigne.253(*) Ainsi, on a pu à juste titre souligner qu' « en désolidarisant la dénaturation de la loi étrangère de celle du contrat, la Haute juridiction a donné son autonomie à la première en sorte qu'elle pourrait désormais évoluer sur une pente propre».254(*) Il est cependant nécessaire de préciser que la modification du fondement du contrôle de dénaturation ne remet pas en cause le principe de l'interprétation souveraine de la loi étrangère par les juges du fond. Elle exprime tout simplement le désir d'affirmer l'autonomie du concept de dénaturation du droit étranger, ce qui est dans la logique de l'évolution de la condition de la loi étrangère.255(*) En effet, au regard de l'évolution de la condition procédurale du droit étranger, observée depuis les années 80, lorsque le droit litigieux est indisponible, le juge est tenu non seulement d'appliquer la règle de conflit de lois, mais aussi de rechercher les « suites » qu'attache à la prétention litigieuse, le droit désigné.256(*) Ceci voudrait également dire que dorénavant, ne pas prendre connaissance du droit étranger revient à violer la règle de rattachement. Dans le même ordre d'idées, ne pas faire une application exacte de ce droit porte pareillement atteinte à la règle de conflit du for. Au risque de violer l'article 3 du Code civil, la loi étrangère devrait donc être mise en oeuvre dans le respect de son intégrité, c'est -à- dire telle qu'elle existe réellement. La jurisprudence Africatours a été à plusieurs reprises confirmée par la Cour de cassation.257(*) B. L'ÉLARGISSEMENT DU DOMAINE DU CONTRÔLE DE DÉNATURATION102. L'on constate que dans l'arrêt Africatours, les « termes rituels »,258(*) « du sens clair et précis du texte » sont absents. La Cour de cassation a simplement affirmé que la Cour d'appel a « dénaturé la loi étrangère » sans évoquer ni exiger les qualités de clarté et de précision de cette dernière.259(*) En fait, en admettant qu'une interprétation différente du sens apparent du texte étranger peut être justifiée par une « autre source de droit positif », la Haute juridiction ajoute le contrôle des motifs au contrôle de dénaturation. Ce faisant, elle entraîne naturellement l'élargissement du domaine de ce dernier contrôle qui requiert désormais que le juge ne se contente plus d'un simple document législatif, mais recherche la teneur réelle de la loi étrangère.260(*) L'on avait déjà pu constater, depuis les arrêts Olivier et Buzyn,261(*) qu'un énoncé législatif pourrait bien se voir attribuer une signification autre que son sens littéral, au cas où l'ordre juridique étranger admet par exemple que la jurisprudence ait pu en infléchir la portée. Inversement, il est tenu compte du fait que l'interprétation judiciaire peut conférer un sens clair à une disposition intrinsèquement obscur. Le fait que l'élément du droit positif étranger argué de dénaturation soit présenté dans un document écrit, ne serait donc plus qu'une exigence « purement contingente »262(*) de la procédure civile du for. Plusieurs arguments ont pu justifier une appréciation positive de cette évolution jurisprudentielle par la doctrine. Tout d'abord, elle conférerait une portée utile bien plus importante au contrôle de la dénaturation. En effet, ce n'est plus la dénaturation d'un document qui serait sanctionnée, mais bien la violation de la règle de conflit en raison de la non application de la loi étrangère telle qu'elle existe en fait et non telle qu'elle est seulement rapportée dans un document. Pour reprendre la terminologie de MOTULSKY,263(*) il s'agirait de la « dénaturation intellectuelle » du sens de la règle de droit étrangère et non de la « dénaturation matérielle » du document. Les juges du fond devraient donc toujours rechercher le sens exact du droit étranger même au prix de la dénaturation du document le rapportant. Le deuxième argument en faveur de l'évolution observée dans l'arrêt Africatours concerne le statut du droit étranger. En effet, cette évolution est toute à fait conforme à l'analyse de la loi étrangère qualifiée de « règle de droit ».264(*) * 253 Cf. ANCEL (B.) et LEQUETTE (Y.), G.A.D.I.P., Op. Cit., p. 321. * 254 MENJUCQ (M.), note sous Cass. civ 1er., 1er juill. 1997, Africatours, D. 1998. 104. * 255 Ibid. * 256 v. arrêt Driss Abou, préc. * 257 v. Cass. 1er civ, 3 juin 2003 et 13 nov. 2003, JDI 2004, p. 520, note MELIN (F.). * 258 Expression d'ANCEL : note sous Cass. crim., 17 mai 1989, Rev. Crit. DIP 1989, p. 511, Spéc., p. 519. * 259 Cf. MENJUCQ (M.), note préc. * 260 Ibid. * 261 Civ. 1er., 2 févr. 1982, Olivier, Rev. Crit. DIP 1982. 706, note MAYER ; Civ. 1er., 19 mars 1991, Buzyn, Rev. Crit. DIP 1992. 88, note MUIR-WATT. * 262 MENJUCQ (M.) : note sous l'arrêt Africatours, préc. * 263 MOTULSKY, L'évolution récente de la condition de la loi étrangère, Mél. SAVATIER, 1965, p. 681, Spéc., n° 40. * 264 Cass. 1er civ., 13 janv. 1993, Coucke, préc. |
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