Le traitement de la loi etrangere en matiere de statut personnel( Télécharger le fichier original )par Chimene Chrystelle AKEUBANG YEFFOU Universite de Yaounde II SOA - Diplome d'Etudes Approfondies en Droit Prive 2005 |
Paragraphe II : LA CONSÉQUENCE DU PRINCIPE : L'ÉVOLUTION DU CONCEPT DE DÉNATURATION DE LA LOI ÉTRANGÈRE100. L'on sait depuis l'arrêt Montefiore et la jurisprudence peu fournie qui suivit,246(*) que si la Cour de cassation refuse de contrôler l'interprétation faite du droit étranger, elle accepte toutefois d'exercer un contrôle pour dénaturation. Pour exprimer clairement qu'elle n'entendait pas se livrer à un contrôle étendu de la dénaturation, mais seulement s'en tenir à la notion de dénaturation définie restrictivement pour les contrats par une jurisprudence ancienne247(*) et constante,248(*) elle visait l'article 1134 du Code civil français.249(*) Cette jurisprudence restrictive semble avoir été modifiée par les nouveaux principes qui commandent l'application d'office des règles de conflit de lois et la preuve de la loi étrangère par le juge. En effet, dans l'arrêt du 1er juillet 1997, 250(*) la Cour de cassation marque une évolution en ce domaine. En l'espèce, la société Africatours avait engagé une action en responsabilité contre M. Diop, dirigeant de la société Africair Services, sur le fondement de l'article 1380 du Code sénégalais des obligations civiles et commerciales énonçant la responsabilité des tiers en raison des « fautes commises dans leurs fonctions ». Affirmant l'identité des termes de cet article et de l'article 244 de la loi française du 24 juillet 1966, la Cour d'appel de Paris déboute la société en précisant que l'action en responsabilité ne peut être engagée que « dans le seul cas prévu par l'article 244 où il existe une faute détachable des fonctions selon l'interprétation de ce texte retenue par la jurisprudence française». Ayant formé un pourvoi, la société Africatours invoquait dans un moyen la violation de l'article 1134 du Code civil, en raison de la dénaturation du contenu clair et précis de la loi étrangère ainsi que la violation de l'article 455 du NCPC français pour défaut de réponse à ses conclusions qui indiquaient que la lettre et la portée de l'article 1380 du Code sénégalais des obligations se différenciaient de celles de l'article 244 de la loi de 1966. Sous le visa de l'article 3 du Code civil,251(*) la première chambre civile censure l'arrêt de la Cour d'appel au motif qu'en interprétant la loi sénégalaise selon l'interprétation donnée à la loi française en droit interne, elle avait dénaturé cette loi étrangère non identique à la loi française, en méconnaissant son sens littéral et « sans faire état d'aucune autre source de droit positif sénégalais »252(*) autorisant une telle interprétation. Le visa et la motivation de cet arrêt révèlent la reconnaissance d'une autonomie du concept de dénaturation du droit étranger par rapport à la notion conçue pour le contrat, (A) ainsi que la volonté de la juridiction suprême d'élargir le domaine de son contrôle de la dénaturation. (B) * 246 Cass. so., 10 mai 1972, Cts. Bastia, Rev. Crit. DIP 1974, p. 321, note MARRAUD; Cass. 1er civ., 2 févr. 1982, Olivier, Rev. Crit. DIP 1982, p. 706, note MAYER (P.); Cass. 1er civ., 19 mars 1991, Rev. Crit. DIP 1992, p. 88, note MUIR-WATT. * 247 Cass. civ.,15 avr. 1872, DP. 1872, 1, p. 176 ; S. 1872, 1, p.232. * 248 v. Par exple, Cass. 1er civ., 24 mai 1989, Bull. Civ. I, n° 207. * 249 En ce sens, LEQUETTE et ANCEL, G.A.D.I.P., 1998, arrêt n° 36, p. 272. Art 1134 du Code civil français : « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». * 250 Cass. 1er civ., Soc. Africatours c/ Diop, Rev. Crit. DIP 1998, p. 292, note MUIR-WATT (H.) * 251 Art. 3 du Code civil français : « Les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire. Les immeubles, même ceux possédés par les étrangers, sont régis par la loi française. Les lois concernant l'état et la capacité des personnes régissent les Français, même résidant en pays étranger ». * 252Cass. 1er civ., Soc. Africatours c/ Diop, Préc. |
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