Le traitement de la loi etrangere en matiere de statut personnel( Télécharger le fichier original )par Chimene Chrystelle AKEUBANG YEFFOU Universite de Yaounde II SOA - Diplome d'Etudes Approfondies en Droit Prive 2005 |
B. L'ABANDON DU CRITÈRE FONDÉ SUR LA NATURE DU DROIT LITIGIEUX : L'UNIFICATION DU RÉGIME DE LA PREUVE DU DROIT ÉTRANGER96. A travers deux arrêts rendu le 28 juin 2005,236(*) par ses chambres civile et commerciale, la Cour de cassation précise qu'« il incombe au juge français qui reconnaît applicable un droit étranger, d'en rechercher, soit d'office soit à la demande d'une partie qui l'invoque, la teneur, avec le concours des parties et personnellement s'il y a lieu, et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étranger ». Dans l'affaire soumise à la chambre commerciale, les parties avaient la libre disposition de leurs droits. Il s'agissait en effet d'un transport de marchandises sous connaissement prévoyant l'application des règles de l'«Australian Carriage of Goods by sea Act 1991 ». Par contre dans le litige soumis à la première chambre civile, les droits en cause étaient indisponibles. Il était question en l'espèce de la contestation d'une stipulation d'un acte notarié dressé en Allemagne. Dans les deux arrêts, l'obligation de rechercher la teneur du droit étranger est imposée au juge dès qu'il « reconnaît » la compétence de la loi étrangère, c'est-à-dire « dès qu'il admet que celle-ci est désignée par la règle de conflit ».237(*) On peut donc constater qu'à travers une rédaction à l'identique, les décisions rendues par les deux chambres de la Cour de cassation laissent entrevoir la fin du désaccord qui existait entre elles, dans le contentieux relatif aux droits disponibles. En effet, avant ces arrêts, la première chambre civile estimait que le juge du fond devait établir d'office la teneur de la loi étrangère en matière de droits disponibles.238(*) Il suffisait à l'une des parties d'invoquer cette loi, même sans en rapporter le contenu.239(*) De l'autre coté, la chambre commerciale n'imposait au juge de rechercher-en matière de droits disponibles- le contenu du droit étranger, que si l'une des parties établissait la preuve que la loi étrangère aboutissait à un résultat différent de celui auquel aurait conduit l'application de la loi française.240(*) Avec son arrêt du 28 juin 2005, la chambre commerciale s'est donc ralliée à la conception de la première chambre civile, effaçant la divergence qui existait jusqu'à lors entre leurs jurisprudences.241(*) Le régime de la preuve de la loi étrangère semble ainsi désormais unifié. Que les droits litigieux soient disponibles ou non, le juge est en devoir d'établir la teneur du droit étranger applicable. Cette solution semble découler de l'affirmation que la loi étrangère est une règle de droit.242(*) 97. Les arrêts du 28 juin 2005, prévoient tout de même une collaboration entre le juge et les parties dans la recherche de la teneur du droit étranger. Cette collaboration est non seulement utile, mais aussi nécessaire, surtout lorsque le tribunal saisi ne dispose pas de formation spécialisée dans la résolution des litiges internationaux ou que la détermination de la loi applicable pose des problèmes particuliers.243(*) Une telle coopération supposerait « une dynamique conduisant le juge, le demandeur et le défendeur à agir de manière conjuguée, dans la perspective de l'obtention d'un résultat qui ne pourrait pas être atteint par une autre voie ».244(*) La notion de collaboration est également consacrée dans plusieurs systèmes juridiques de droit international privé. A titre d'exemple, la loi turque du 20 mai 1982 pose en son article 2 que « le juge peut, dans la détermination du contenu du droit étranger, demander l'aide des parties ».245(*) 98. Relativement au droit positif camerounais, ou peut souhaiter qu'avant l'adoption de l'Avant Projet de Code des personnes et de la famille, le législateur puisse y intégrer une disposition consacrant avec clarté l'intervention « d'office » du juge camerounais dans la recherche de la teneur de la loi étrangère désignée par la règle de conflit de lois. Une pareille initiative sera plus bénéfique au statut de la loi étrangère que l'actuel article 8 de l'Avant Projet de Code qui se contente de préciser que « le contenu de la loi étrangère est établi devant les juridictions camerounaises par expertise et le juge peut, au besoin, faire état de sa connaissance de la dite loi ». 99. La consécration de l'extension de l'office du juge dans la recherche du contenu du droit étranger, a eu une influence certaine sur le contrôle de dénaturation exercé par la Cour de cassation sur l'interprétation faite de la loi étrangère. * 236 Cass. 1er civ., 28 juin 2005, n° 00-15.734, D. 2005, Jur. p. 2853, note BOUCHE (N.) ; Cass. com., 28 juin 2005, n° 02 -14. 686, D. 2005, IR, p.1883. * 237 COURBE (P.), Droit international privé : Panorama 2005, Dalloz 2006, p. 1496. * 238 Tout comme cette obligation lui était imposée en matière de droits indisponibles. * 239 v. en ce sens : Cass. 1er civ., 18 sept. 2002, D. 2002, IR p. 2716 ; RCDIP 2003, p. 86, Obsv. MUIR-WATT (H.). Cité par COURBE (P.), « Droit international privé : Panorama 2005 », Op. Cit., p. 1495. * 240 v. en ce sens : Cass. com., 13 nov. 2003, RCDIP 2004, p. 95, Obsv. ANCEL (B.) Cité par COURBE (P.), Op. Cit., p. 1495. * 241v. MELIN (F.) : note sous Cass. 1er civ., 3 juin 2003 et 13 nov. 2003, JDI 2004, Spéc., p. 528. * 242 Cass. 1er civ., 13 janv. 1993, Coucke, Rev. Crit. DIP 1994, p. 78, note ANCEL (B.), v. aussi, LEMONTEY (J.) et ANCEL (J. - P.), Un internationaliste à la Cour de cassation, in Mél. PONSARD, LITEC, 2003, Spéc., p. 212. * 243 Cf. MELIN (F.), La connaissance de la loi étrangère par les juges du fond, Op. Cit., p. 217, n° 202. * 244 Ibid. * 245 Le texte de cette loi relative au droit international privé et à la procédure internationale est reproduit par la Rev. Crit. DIP 1983, p.141. |
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