IV-6 ETHNICITE DES DESCENDANTS DE MARIAGE
INTERETHNIQUE ET ACCESSION A L'HERITAGE
Justification historique du système
matrilinéaire
Elle est tirée de l'épopée de la Reine
Pokou qui caractérise le groupe Akan en Côte d'Ivoire. De
quoi s'agit-il ?
L'histoire enseigne que lors de l'exode du peuple
Baoulé du Ghana vers la Côte d'Ivoire, il devait traverser un
fleuve pour échapper aux poursuivants Ashanti. Il n'y avait pas
d'embarcation. Le devin consulté, prédit que le fleuve exigerait
un sacrifice humain. Celui d'un jeune enfant.
Lorsque le roi s'adressa à son épouse afin
qu'elle permit que son plus jeune fils soit livré au fleuve, elle opposa
un refus catégorique.
Compte tenu du danger qui menaçait le groupe, ce fut la
soeur du roi qui offrit son fils qu'elle portait dans les bras. Le roi
après incantation jeta l'enfant dans le fleuve et par miracle, un pont
artificiel formé par une colonne de caïmans traversant le fleuve de
part en part permit aux fugitifs de passer et d'avoir ainsi la vie sauve.
Depuis cette épopée, on décida que
désormais l'enfant hérite de son oncle maternel.
Nous constatons que les deux catégories d'acteurs
sociaux identifiées à la suite des données recueillies sur
le terrain, ont un accès différentiel au système
d'héritage en vigueur dans la société Abouré de
Yaou. Ces données révèlent que les acteurs dont la
mère est autochtone bénéficient d'un éventail de
privilège plus vaste du point de vue de l'accession à
l'héritage de leurs géniteurs, mais aussi au niveau de leurs
oncles croisés. Alors que ceux dont le père est autochtone ne
peuvent qu'accéder à l'héritage de leur géniteur,
que si les biens en question, ne sont pas du patrimoine familial. Le
système de recrutement des membres de la famille est un opérateur
de détermination de rôle, de statuts, de niveau
d'intégration dans la société Abouré de Yaou. Il
ressort donc de l'analyse que le principe d'accession à
l'héritage est un mécanisme de différenciation entre les
acteurs issus de mariage interethnique. Aussi, l'idéologie de la
matrilinéarité structure les rapports d'héritage dans la
société Abouré de Yaou. Le système
matrilinéaire est la sève nourricière de l'accession
à l'héritage. Car pour comprendre le système
d'héritage, il est important de saisir le système de
parenté en vigueur dans la société étudiée.
IV-7 ETHNICITE DES DESCENDANTS DE MARIAGE
ET ACCESSION AU FONCIER
Au niveau de l'accession au foncier, les données
relèvent deux tendances. Mais il est important en effet, de
préciser les représentations rattachées à la terre
en tant que bien. Dans la société abouré de Yaou on
distingue trois types de représentations liées à la terre
dans la société abouré de Yaou. La première
représentation est la suivante :
? « ebetié » terre lotie, qu'on
peut vendre à toute personne.
? La deuxième qualité est
celle-ci « obo » forêt non
déchiffrée, mais cultivable. La dernière
représentation liée à la terre est :
? « n'foué » terre
déjà travaillée.
L'énumération de ces trois
représentations révèle du point de vue symbolique un
système de hiérarchisation de la terre. Chaque
représentation renvoie à un ou des objectifs qui sont soit
communautaires, soient individuels. En ce qui concerne la terre
« ébetié » l'objectif communautaire qui en
ressort est le développement au sens de l'urbanisation. Cette
représentation de la terre amène les acteurs à ne pas
ériger des barrières entre les autochtones et les
allogènes dans le processus d'accès à la terre
« ébétié ». Toutes les
catégories ethniques en interaction sur le champ d'étude peuvent
accéder aux terrains lotis. Et ce, à cause de l'idéologie
du développement rattachée à cette représentation
de la terre. En effet, dans le processus de développement de la sous
préfecture de Bonoua, Yaou veut concurrencer avec le village de Bonoua
et de Mossou. Le village de Yaou veut prendre la revanche sur le passé,
car selon les acteurs par le récit de l'arrivée des
abouré sur le territoire au jour d'hui appeler Cote d'Ivoire disent
ceci « Lors de notre arrivée suite à la guerre qui
a déclenché dans le royaume du Ghana. Nous sommes arrivées
en groupe sur notre ancien site. Nous sommes arrivés ici les premiers
parmi tous les abouré. C'est pourquoi lorsqu'il y'a un
problème dans les autres villages abouré, c'est ici qu'on venait
le régler. Mais aujourd'hui c'est l'inverse ». Nous constatons,
que l'intégration des allochtones et allogènes sur la question du
foncier, au sens du lotissement, est motivée par l'idéologie du
développement.
L'analyse nous a permis de comprendre, que le foncier sous son
angle terre lotie n'est pas instrumentalisé par les acteurs comme un
mécanisme de différenciation dans le processus des rapports
interethnique. En d'autres termes, le foncier sous l'angle terrain loti ne
constitue pas un élément de définition de l'appartenance
ethnique.
L'objectif rattaché à la deuxième
représentation de la terre dans la société abouré
de Yaou est : la mise en avant de l'idéologie de l'autochtonie.
Cette idéologie de l'autochtonie se matérialise par l'exclusion
sur ce champ précis des autres catégories ethniques autres
qu'autochtone. Le sens rattaché à cette seconde
représentation de la terre pour les autochtones se perçoit dans
ce discours social « la forêt, c'est notre patrimoine, c'est
ce qui prouve que nous sommes arrivés les premiers sur les
lieux ». Propos d'un notable à la cour royale. L'analyse de ce
discours montre que la forêt est un moyen de reproduction et de
pérennisation de leur appartenance ethnique. De plus, elle constitue un
cadre d'affirmation de l'autochtonie. Ce discours révèle
également que la forêt non défrichée est un
héritage que les ancêtres leur ont légué. Dans la
culture abouré, les seuls acteurs qualifiés pour hériter
d'un quelconque bien communautaire sont les neveux utérins. Le lien de
parenté est un élément déterminant dans l'accession
au « obo ». En somme les acteurs sociaux instrumentalisent
la terre sous son angle « obo » comme un mécanisme
de différenciation entre eux et les autres groupes ethniques
présent à Yaou . Le prolongement de cette analyse permet de
constater que parmi les deux catégories d'acteurs issues du mariage
interethnique, ceux dont le père est autochtone sont aussi
disqualifiés dans l'accession au « obo ». Ce
mécanisme de différenciation structure à un double niveau
les rapports à la terre sous son angle forêt non
défrichée « obo ». Il permet d'écarter
non seulement une partie des descendants issus des mariages interethniques,
mais aussi les membres appartenant à un groupe ethnique distinct des
abouré de Yaou.
Il ressort de la dernière représentation un
objectif de convocation de l'idéologie de l'autochtonie ; le droit
de propriété est donc exclusif aux autochtones. Toutefois, sa
spécificité se matérialise par le fait qu'un allochtone ou
un allogène ou un acteur issu d'un mariage interethnique dont le
père est abouré peut bénéficier d'une
propriété temporaire. Il en découle un second objectif
économique. La mise en location de la terre dite n'foué est un
moyen pour les autochtones de capter des ressources financières. Nous
constatons que cette représentation à la terre
« nfoué » est utilisée par les acteurs comme
un mécanisme de différenciation entre eux et les
catégories ethniques présentent sur notre champ d'étude.
Après la mise en évidence des
représentations liées à la terre du groupe ethnique
abouré de Yaou, que nous révèlent les deux tendances
relatives à l'accession au foncier :
Les acteurs dont la mère est abouré de Yaou
peuvent hériter de tout bien privé et familial .Quant aux
acteurs dont le père est abouré de Yaou , ils ne peuvent
hériter qui des biens appartenant à leur père .
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