INTRODUCTION GENERALE
Les crises économiques et financières que
traversent les pays en voie de développement depuis plus de deux
décennies ont été à la base de profondes mutations
observées dans la plupart de ces pays principalement ceux de l'Afrique
au sud du Sahara. Ces mutations sont caractérisées par l'option
pour l'économie libérale au détriment d'une
économie centralisée avec pour conséquence le retrait
progressif de l'Etat des secteurs d'activités productives et de
promotion de l'initiative privée.
Au Togo, le regain d'intérêt pour le secteur
privé provient principalement des mauvais résultats
enregistrés par les entreprises publiques au cours des années 80
et de l'adoption du libéralisme économique à l'issue de la
conférence des forces vives de la Nation en 1991. Ainsi il a
été entrepris des réformes tendant à offrir un
cadre juridique et institutionnel favorable à l'éclosion des
petites et moyennes entreprises (PME) et des petites et moyennes industries
(PMI) considérées unanimement par les acteurs de la vie politique
et économique comme le fondement de tout développement
économique durable.
Les PME/PMI auxquelles ce rôle fondamental de
développement a été dévolu doivent être
performantes et dynamiques pour pouvoir se maintenir dans le processus de
mondialisation qui emballe toutes les économies du monde. En effet la
création de grands espaces économiques est d'actualité
dans le monde avec notamment la création et l'élargissement de
l'Union Européenne (UE), la dynamisation de l'Union Economique et
Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), et l'adoption par les Etats africains
du Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique (NEPAD). Au
sein de l'UEMOA, on assiste progressivement à la disparition des
barrières douanières (avec l'adoption du Tarif Extérieur
Commun- TEC) et à la naissance d'une véritable zone de libre
échange entre les pays membres. Ce nouveau cadre contraint les
entreprises de la sous-région ouest-africaine quelque soit leurs
dimensions à ouvrir leurs marchés à des concurrents
potentiels mais aussi à s'armer pour saisir les opportunités qui
s'offrent à elles afin de survivre. Elles doivent redéfinir leurs
objectifs et adapter leurs orientations stratégiques à la
nouvelle réalité qui s'impose à elles.
Dans un tel contexte, pour survivre et prospérer, la
PME Togolaise doit chercher des voies et moyens appropriés pour
s'adapter à cet environnement devenu instable. L'un des facteurs
déterminants de la compétitivité et de la
pérennité de la PME, reste incontestablement la définition
et la mise en oeuvre d'une politique de gestion des ressources humaines.
Le présent travail va particulièrement
s'appesantir sur la contribution de la gestion des ressources humaines (GRH)
à la performance des PME, en vue d'identifier les pratiques RH qui
contribuent au mieux à la performance des PME Togolaises.
La gestion des ressources humaines (GRH) a connu un essor
considérable au cours des dernières années et est devenue
aujourd'hui un sujet d'études auxquelles s'intéressent de plus en
plus de chercheurs, tant dans le domaine de la grande entreprise que dans celui
des petites et moyennes entreprises (PME). Les changements majeurs auxquels on
a assisté à la fin du 20ème siècle et
l'incertitude croissante qui caractérise l'économie ont eu pour
effet de modifier sensiblement les conditions de réussite des
entreprises, obligeant plusieurs d'entre elles à réviser leur
mode de gestion, de même que leur structure organisationnelle et leur
façon d'organiser le travail (Becker et Gerhart, 1996). C'est ce qui a
évidemment poussé les entreprises quelque soit leur taille
à reconsidérer, sinon considérer, la place du personnel
dans leur organisation.
Pour améliorer leur performance et leur position
concurrentielle (Delaney et Huselid,1996), les entreprises n'ont pas d'autres
choix que de réviser leurs façons de faire les activités
traditionnelles de gestion des ressources humaines telles que la planification
de la main-d'oeuvre, la gestion de la carrière et surtout
d'innover, en développant des pratiques de
GRH conduisant à des performances plus élevées.
Ainsi, l'investissement dans les pratiques RH s'impose de plus
en plus comme l'une des solutions pouvant permettre aux entreprises d'augmenter
leur productivité et accroître leur capacité
concurrentielle ; il s'agirait même de l'un des moyens
stratégiques dont disposent aujourd'hui les dirigeants pour
améliorer la rentabilité de leur entreprise (Barney et Wright,
1998). Même dans le contexte de PME, ou la fonction GRH s'avère
généralement moins développée que dans la grande
entreprise, le simple fait d'améliorer certaines pratiques RH pourrait
suffire, selon certains auteurs, à conférer un avantage
vis-à-vis des concurrents (Fabi et Garand, 2004).
La question qui se pose est donc de savoir comment les
pratiques RH agissent-elles sur la performance des PME Togolaises ?
Telle est la préoccupation fondamentale qui a conduit
au choix du thème : PRATIQUES RH ET PERFORMANCE DES PME
TOGOLAISES.
La réponse à cette préoccupation suscite
des questions spécifiques à savoir :
- Quelles sont les pratiques ressources humaines
utilisées dans les PME au Togo ?
- Quel lien peut-on établir entre ces pratiques RH et
la performance des PME au Togo ?
Après avoir déterminé la
problématique, il convient de préciser la définition de la
PME, en particulier dans le contexte Togolais afin d'établir les
limites de notre champ d'investigation.
La nécessité de définir la PME
apparaît à différents niveaux. Cette analyse fera une
synthèse des définitions des concepts élaborés par
les différents auteurs. En effet, il existe un grand nombre de
définitions distinctes (scientifique, juridique, légale, fiscale,
administrative etc.) ; elles varient selon les pays et même les
besoins et objectifs spécifiques des chercheurs et organismes qui les
utilisent.
Cependant des définitions généralement
retenues peuvent être classées en trois catégories :
les définitions de types quantitatifs, les définitions de types
qualitatifs et les définitions de types mixtes.
Dans les pays développés en
général, la définition d'ordre quantitatif de la PME
tient compte des paramètres accessibles, contrôlables et
mesurables que sont : le nombre d'employés, le chiffre d'affaires
quel quelque soit le pays. Aux Etats -Unis, la définition des PME tient
compte de la taille de l'entreprise, mesurée en terme d'effectif :
« une entreprise qui emploie cinq cent (500) salariés est une
PME. Alors qu'en Belgique et en Suisse, les seuils sont fixés à
deux cents (200) et cent (100) employés. En France, la PME a
été pendant longtemps définie comme une entreprise de
moins de cinq cents (500) salariés » (Oliver Torres, 1999).
Selon Michel Marchesnay dans son article « petite entreprise et
entrepreneur », tous ces critères sont discutables et l'on
cherche de plus en plus à en distinguer les moyennes, les petites et les
toutes petites entreprises suivant leur fonction et leur système de
gestion. Il poursuit pour dire que les moyennes entreprises (ME) emploient,
selon les nomenclatures, entre 50 et 200, voire 500 salariés ; la
structure est généralement fonctionnelle, et si même la
prise de décision est fortement centralisée, le capital est
néanmoins réparti entre plusieurs actionnaires notamment les PME
familiales. La petite entreprise (PE) quand à elle emploie entre 10 et
20 salariés selon les auteurs et un sondage d'opinions ; le
rôle du propriétaire dirigeant est essentiel, mais il s'entoure
de quelques collaborateurs (notamment dans le domaine technique et
commercial) ; le chef de la petite entreprise a connaissance de la plupart
des décisions à prendre, notamment de l'embauche ; la
structure est faiblement formalisée et les activités sont peu
diversifiées. Pour la très petite entreprise (TPE), selon
(Ferrier, 2002), le nombre de salariés varie entre 0 et 10 voire 20
salariés. Pour le journal officiel des communautés
européennes du 20 avril 1996 : « la PME est
considérée comme une entreprise indépendante
financièrement, employant moins de 250 salariés avec un chiffre
d'affaires plafonné à quarante millions d'euros ».
Cependant, ces définitions restent insuffisantes car elles ne tiennent
pas compte du secteur d'activité et des filiales de grandes entreprises.
Par ailleurs certaines caractéristiques peu importantes de la PME ne
sont pas prises en compte dans les définitions de types quantitatifs.
Ainsi, certaines définitions de la PME notent que celle-ci :
possède une part de marché ; est gérée par
son propriétaire d'une manière personnalisée ;
possède une autonomie financière ; n'est pas dominante dans
son secteur d'activité.
Au Japon, selon Yveline LECLERC, spécialiste de
l'économie industrielle japonaise, la conception de la PME repose
moins sur la primauté de l'individu que sur l'appartenance à une
famille ou à un groupe industriel. Les PME sont
appréhendées selon leur place dans la division du travail. Cette
approche semble peu pratique compte tenu de l'absence d'outil de mesure
objectif.
Au regard de toutes ces définitions de la PME dans
les pays développés, quelles définitions des concepts de
PME en donnent les autres chercheurs du sud ? Le concept de PME dans les
pays en voie de développement, en particulier dans les pays africains
est quelque peu différent du concept de la PME dans les pays
industrialisés d'une part à cause de la gestion de ses structures
et de son fonctionnement et d'autre part, à cause de l'environnement des
pays en voie de développement. Tout comme dans les pays
développés, des critères quantitatifs, qualitatifs et des
critères mixtes sont utilisés pour définir les PME.
Ainsi, sur le plan quantitatif les critères
utilisés sont le nombre d'employés et le chiffre d'affaires (CA).
L'utilisation de ces critères quantitatifs rencontre des
difficultés dues à l'usage intensif de la main d'oeuvre familiale
par les PME. En Afrique, la moyenne entreprise est celle qui emploie moins de
100 personnes. L'utilisation du chiffre d'affaires comme critères de
définition de la PME est réservée à une
minorité des entreprises, car la plupart des PME fonctionnent de
façon informelle.
Sur le plan qualitatif, certains critères ne
diffèrent pas de ceux des pays développés ; il s'agit
notamment de la petite part de marché et de l'autonomie
financière de la PME dans son secteur. A cela s'ajoutent d'autres
critères relatifs à la gestion familiale ou communautaire et
d'autre part, à l'influence de la culture.
La définition de la PME basée sur les
critères ci-dessus cités ne distingue pas les entreprises du
secteur officiel ou structuré de celle du secteur informel ou non
structuré. Ainsi, selon l'un des rapports du Bureau International du
Travail (BIT), au Kenya dans les années 1990, le secteur informel est
caractérisé par les traits suivants :
propriété familiale des entreprises, échelle restreinte
des opérations, techniques à forte intensité de main
d'oeuvre, qualification acquise en dehors du système par apprentissage,
marché échappant à tout règlement et ouverture
à la concurrence.
Comme ailleurs, au Togo plusieurs tentatives de
définition ont été enregistrées en s'inspirant de
celles données par les pays développés et de certains
organismes des Nations Unies tels que le Bureau International du Travail (BIT).
La quasi-totalité de ces définitions se réfèrent
à des critères quantitatifs tels que :
- la taille (investissement capital social, capacité de
production, effectif du personnel) ;
- les performances (production, chiffre d'affaires
etc.) ;
Sur le plan qualitatif, au Togo la PME peut être
définie par rapport à son mode de gestion, son statut informel et
l'appartenance du dirigeant à un groupe ou à un réseau.
Ici, le mode de gestion est caractérisé par une gestion
communautaire ou familiale. Les dirigeants de la PME au Togo sont souvent les
chefs de famille ayant des responsabilités familiales plus larges, ce
qui les oblige quelque fois à recruter leurs employés dans le
cercle élargi de la famille dans l'entreprise ignorant parfois leur
formation et leur donne un salaire dérisoire. Ce secteur constitue la
principale source d'emploi et de revenu pour les non diplômés, les
diplômés sans emploi et certains fonctionnaires d'Etat.
Par ailleurs, selon le Code des Investissements Togolais (Loi
n° 89-22), la PME togolaise est caractérisée par de
nombreuses solidarités familiales, ethniques, géographiques ou
religieuses. L'appartenance à des groupes ou réseaux est
motivée par le désir de réduire les coûts
inhérents aux respects des contrats. Aussi ce groupe constitue une
garantie grâce aux solidarités qu'il génère et
l'attribution de certains marchés.
Notre objectif ici n'est pas de reprendre l'ensemble de la
littérature, assez abondante, qui existe sur le thème
d'identification des PME, mais plus simplement de retenir une définition
synthétique qui permettra de délimiter le champ de notre
étude. Ainsi, par souci de simplicité et de clarté,nous
entendons par PME au Togo, toute entreprise juridiquement indépendante,
qui n'est pas une filiale de la multinationale et qui satisfait aux
critères quantitatifs ci-après :
- un effectif compris entre10 et 100 salariés.
- Un capital social compris entre 1 et 50 millions Fcfa ou des
investissements d'un montant compris entre 5 et 500 millions Fcfa.
D'une manière très classique, les
critères retenus concernent, d'une part, le nombre de salariés
et, d'autre part l'indépendance de l'entreprise en terme de capital.
Sont exclues de notre champ de recherche les très petites entreprises
(TPE), ayant moins de 10 salariés, les entreprises de plus de 100
salariés, ainsi que les filiales, succursales ou divisions d'entreprises
plus importantes.
Une fois le champ d'investigation clairement défini,
les objectifs de la recherche peuvent être exposés de
manière plus affinée. Ainsi, le premier objectif de la recherche
consiste à repérer les pratiques RH, en d'autres termes faire un
bilan des pratiques RH que les PME togolaises utilisent concrètement.
Le second objectif de la recherche consiste à
établir la relation entre ces pratiques RH et la performance des PME
togolaises afin de dégager les pratiques qui contribuent à
l'amélioration des performances des PME.
La réalisation de cette étude présente un
intérêt à plusieurs niveaux : Elle vient s'ajouter aux
rares travaux sur la gestion des ressources humaines en Afrique et en
particulier au Togo.
Sur le plan managérial, elle permettra aux dirigeants
propriétaires des PME togolaises, une parfaite connaissance des
pratiques RH qui contribuent le mieux à l'amélioration de la
performance de leurs entreprises.
Pour mener à bien ce travail, nous avons adopté
un plan en deux parties. Dans la première partie, nous proposons
d'analyser les différentes pratiques RH dans les PME (chapitre1). Cette
analyse nous conduit à étudier dans le second chapitre la
relation entre les pratiques RH et la performance. (chapitre2).
Cette étape nous permettra d'aboutir à un choix
d'un cadre conceptuel que nous essayerons de tester.
La deuxième partie sera essentiellement
consacrée à une analyse empirique. Nous exposerons dans le
premier chapitre, les démarches méthodologiques retenues ainsi
que les différentes techniques de collecte et d'analyse des
données. Le second chapitre sera consacré à la
présentation des résultats auxquels nous sommes parvenus. Nous
conclurons sur les apports, les limites et les voies de recherches futures.
PREMIERE PARTIE
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