La responsabilité de l'expéditeur dans l'acte uniforme ohada relatif aux contrats de transport de marchandises par route( Télécharger le fichier original )par Titi Mireille KOUEKEU NANA Université de Yaoundé II soa - DEA en droit privé 2008 |
SECTION II : L'opportunité de la précision des conditions de désignation de la juridiction compétente.L' AUCTMR est remarquablement ancré dans l'ère de la modernité. On constate que le législateur OHADA fait son entrée dans la mouvance internationaliste en donnant une part active à la volonté des parties. Aux termes des dispositions des articles 26 et 27 alinéa 1 de cet acte, les parties ont la possibilité de régler leur litige par voie d'arbitrage ou, à défaut de choix, soumettre leur différend aux juridictions étatiques supplétives. Quant à l'arbitrage OHADA, il convient de préciser que son domaine est restreint et ne concerne que les différends d'ordre contractuel. Cependant, l'on regrette que l'AUCTMR n'ait pas précisé les conditions de désignation de la juridiction arbitrale (paragraphe 1). De même, l'AUCTMR n'a consacré aucun article à la désignation conventionnelle d'une juridiction étatique qui serait compétente pour connaître des litiges nés d'un contrat de transport routier. Il serait alors opportun d'insérer dans l'acte uniforme les règles gouvernant le choix d'une juridiction étatique (paragraphe 2). Paragraphe 1 : Les conditions de désignation de la juridiction arbitrale.L'arbitrage est une technique spécifique de régulation des relations juridiques120(*). En droit OHADA, la compétence d'une juridiction est conditionnée par la volonté des parties. L'arbitrage suppose, au départ, l'existence d'une convention qui matérialise la volonté des parties de recourir à cette forme de justice privée. Or l'AUCTMR, à la différence des autres instruments internationaux relatifs au droit des transports, n'a pas expressément consacré la validité de la convention d'arbitrage (A) qui serait incluse dans un contrat de transport. C'est à travers cette convention qu'il est possible de déterminer la procédure d'arbitrage choisie (B). A- La validité de la convention d'arbitrage.Le processus arbitral commence par une convention d'arbitrage. La convention d'arbitrage est une convention par laquelle des parties s'obligent à faire trancher, par un ou plusieurs arbitres, des litiges susceptibles de les opposer ou qui les opposent déjà121(*). Face à l'imprécision de l'AUCTMR, l'étendue de la liberté reconnue aux parties à un contrat de transport doit s'apprécier par rapport au droit OHADA sur l'arbitrage122(*). L'article 26 de l'AUCTMR laisse libre cours aux parties de choisir, par tous les moyens admis, le recours à la juridiction arbitrale. Or, en droit OHADA, il est acquis qu'un tel recours ne peut être valable qu' « en application d'une clause compromissoire ou d'un compromis d'arbitrage »123(*). La clause compromissoire est conclue entre les parties, avant la naissance du litige, et désigne la voie d'arbitrage pour trancher les litiges susceptibles de les opposer. Le compromis, par contre, est conclu entre les parties lorsque le litige est déjà né, et désigne la voie d'arbitrage pour trancher le litige qui les oppose déjà. Dès lors, pour être valable, la convention d'arbitrage, et particulièrement la clause compromissoire, doit figurer dans le contrat de transport. Elle doit être écrite, mais l'AUCTMR, n'apporte aucune précision sur ce point. Alors, l'expéditeur et le transporteur qui désirent faire trancher par voie d'arbitrage les litiges susceptibles de les opposer, doivent conclure une clause compromissoire, qu'ils prendront le soin de porter sur la lettre de voiture. Toutefois, la nullité du contrat de transport n'affecte pas la validité de la clause compromissoire qui, de part son autonomie, est appréciée d'après la commune volonté des parties124(*). Sans doute, au plan d'une bonne technique contractuelle et afin d'éviter toute discussion sur la preuve et la portée de la convention, il sera très utile pour les parties de rédiger un écrit. Même si l'écrit ne constitue pas une exigence légale, un auteur125(*) pense qu'il faut donner le conseil aux parties d'apporter le plus grand soin à la rédaction de leur convention d'arbitrage. Pour s'en convaincre, selon les informations connues en octobre 2003, le centre d'arbitrage de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) aurait reçu six affaires, et deux décisions de rejet, constatant l'absence de convention d'arbitrage le désignant auraient été rendues126(*). En outre, l'absence de clause compromissoire implique que l'arbitrage ne peut avoir lieu si, en cas de demande par le transporteur par exemple, l'expéditeur décline la compétence de la juridiction arbitrale saisie ou ne répond pas dans un certain délai. Malgré le silence de l'AUCTMR, les parties à un contrat de transport routier ne peuvent, à travers le choix d'un quelconque tribunal arbitral, se soustraire aux dispositions de l'AUCTMR. Ses dispositions ont un caractère impératif127(*) et les parties ne peuvent y déroger. Cet état des choses permet de penser que la convention d'arbitrage incluse dans le contrat de transport, est admise comme moyen de désignation de la voie arbitrale, dans le cadre d'un litige né d'un transport routier soumis à l'AUCTMR. On comprend par là que l'existence de cette convention permet de déterminer la procédure d'arbitrage applicable. B- La détermination de la procédure d'arbitrage applicable. Selon l'Acte Uniforme relatif au droit de l'Arbitrage (AUA), aucune forme particulière d'arbitrage n'est imposée. Mais la rédaction de la convention d'arbitrage peut traduire la procédure applicable à travers le choix retenu par les parties. Les arbitrages ad hoc et institutionnel correspondent à des pratiques d'organisation de l'arbitrage susceptibles de coexister dans l'espace OHADA. L'arbitrage institutionnel est administré par une institution spécialisée d'arbitrage selon son règlement. Tel est le cas de l'arbitrage organisé au sein de la CCJA. Elle ne bénéficie d'aucun monopole en matière arbitrale, ce qui laisse la possibilité aux parties de recourir à un arbitrage ad hoc. L'arbitrage ad hoc c'est celui qui se déroule en dehors de toute institution d'arbitrage. Les parties au litige choisissent directement leurs arbitres auxquels il revient de tout organiser. Ce qu'il convient de remarquer à ce niveau c'est que le choix de l'une ou de l'autre de ces formes d'arbitrage, donne lieu à des procédures distinctes. Ainsi, lors de la rédaction de la clause compromissoire par l'expéditeur et le transporteur, une simple référence à l'institution arbitrale suffit pour établir que les parties ont choisi l'arbitrage institutionnel. Pour cela, elles ont l'impérieuse obligation de s'informer sur le règlement d'arbitrage gouvernant l'administration de l'arbitrage. Les règlements d'arbitrage prévoient, en effet, que le choix de l'institution arbitrale a pour conséquence de soumettre les parties à son règlement128(*). La rédaction d'une convention d'arbitrage ad hoc est plus complexe. Les parties doivent prévoir, dans leur accord, différents éléments qui s'avèrent indispensable ou utiles lorsque la convention devra être mise en oeuvre. En particulier, la convention devra préciser les modalités de désignation des arbitres, faute de quoi on risque d'assister à un blocage dans la constitution du tribunal arbitral129(*). Il n'est pas non plus inutile que la convention détermine directement ou par référence les règles essentielles à la procédure à suivre par les arbitres, le droit applicable au fond du litige. Les inconvénients résultant d'une rédaction défectueuse de la convention d'arbitrage peuvent être limités par certaines dispositions législatives relatives à l'arbitrage. De même, les insuffisances dans les prévisions, du point de vue de la procédure arbitrale, peuvent être comblées par le pouvoir créateur reconnu aux arbitres dans ce domaine, par les législations modernes sur l'arbitrage. Ainsi, l'article 14 alinéa 2 de l'AUA prévoit qu'à défaut de convention des parties, « le tribunal arbitral peut procéder à l'arbitrage comme il le juge approprié »130(*). En somme, la CCJA devrait préciser la portée de l'article 26 de l'AUCTMR, afin que le choix effectué par les parties soit efficace et qu'il garantisse la solution qu'elles recherchent. Le demandeur à l'action contre l'expéditeur a naturellement la possibilité de porter celle-ci devant une juridiction étatique. Pour cela, il doit respecter les règles gouvernant le choix d'une juridiction étatique. * 120 MEYER (P), ouvrage précité, p 18. * 121 MEYER (P), ouvrage précité, p. 77. * 122 Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage, adopté par le conseil des ministres de l'OHADA le 11 mars 1999 à Ouagadougou et du règlement d'arbitrage de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) adopté dans les mêmes conditions à Ouagadougou le 11 mars 1999. * 123 V. art.21 alinéa 1, du traité OHADA. * 124 V. art.4 Acte Uniforme relatif au droit de l'Arbitrage (AUA). * 125 MEYER (P), ouvrage précité, p. 108. * 126 FOUCHARD (P), « Le système d'arbitrage de l'OHADA : le démarrage », petites affiches (le quotidien juridique) 393e année, 13 octobre 2004, n°205, p.54. * 127 V.art.1 et 28 al. 1 de l'AUCTMR. * 128 V. art.10 al. 1 du règlement d'arbitrage de la CCJA. * 129 MEYER (P), ouvrage précité, p.31. * 130 MEYER (P), ouvrage précité, p.32. |
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