Les arbitrages au titre de l'article 21 :3 C) du Mémorandum d'Accord (OMC)( Télécharger le fichier original )par Nicolas DAOUST Université Paris 1 Panthéon Sorbonne - Master 2 Recherche Droit international économique 2006 |
2. Les incohérences entre arbitragesAu rang des incohérences entres arbitrages, on peut relever celles d'ordre procédural. La qualité de pays Membre en développement n'est pas toujours retenue comme une circonstance de nature à affecter la détermination du délai de mise en oeuvre. Jusque là, il n'y a rien d'étonnant dans la mesure où les Etats doivent démontrer que ce statut est à la base de l'impossibilité d'appliquer dans les moindres délais les recommandations et décisions de l'ORD. Si les éléments de preuve ne sont pas probants, il est logique que l'arbitre écarte cet argument. Ce qui est plus difficilement compréhensible est l'absence dans certaines décisions de justifications claires quant au rejet de cette circonstance. Dans l'affaire « Etats-Unis Réexamens à l'extinction concernant les produits tubulaires pour champs pétrolifères» 229(*), l'arbitre a affirmé sans plus de précision que : « [...] l'Argentine me demande d'utiliser comme "contexte" le fait qu'elle est un pays en développement Membre. Eu égard au processus de mise en oeuvre en jeu en l'espèce, je considère qu'au-delà de la prescription fondamentale selon laquelle le processus de mise en oeuvre devrait être achevé dans le délai le plus court possible dans le cadre du système juridique et administratif des États-Unis, le "délai raisonnable" pour la mise en oeuvre n'est pas affecté par le fait que l'Argentine, en tant que Membre plaignant, est un pays en développement. » 230(*) Cette attitude d'A.V Ganesan ne correspond pas à celle adoptée dans d'autres décisions arbitrales précitées231(*) où la prise en compte -ou le rejet- du statut de pays en développement s'est opéré à l'issue d'une argumentation plus élaborée. L'absence de cohérence procédurale entre les arbitrages au titre de l'article 21.3 (c) apparaît également dans l'appréciation du mandat de l'arbitre. Cela ne constitue pas nécessairement un point négatif dans la mesure où une certaine évolution permet de mieux faire coïncider la mission de l'arbitre avec les exigences qu'implique la détermination du délai raisonnable. Cependant, il est plus difficile de dégager une véritable « jurisprudence » de l'arbitrage 21.3 (c) étant donné que l'étendue de la mission de l'arbitre est susceptible de fluctuer, même infinitésimalement, entre deux décisions. Opérer des rapprochements entre des arbitrages n'ayant pas eu la même structure procédurale peut s'avérer plus délicat que pour des sentences « classiques » ayant suivi exactement le même schéma d'élaboration. A titre d'exemple, dans sa décision dans l'affaire « Etats-Unis Jeux », l'arbitre, Claus-Dieter Ehlermann, a « revu à la hausse » ses pouvoirs en se désolidarisant quelque peu des arbitrages précédents qui élèvent au rang de principe le fait que le délai raisonnable doit être « le plus court possible ». Même si cette attitude peut partir de la louable intention de ne pas « lier les mains de l'arbitre et de l'empêcher de définir et peser correctement les circonstances qui déterminent le caractère raisonnable du délai dans chaque affaire prise individuellement »232(*). L' « arbitrage » entre la volonté de déterminer le délai le plus adapté- en bénéficiant de toute la marge d'appréciation nécessaire- et la nécessité de maintenir une certaine cohérence avec la démarche adoptée dans les précédentes décisions n'est pas chose aisée. L'évolution de la charge de la preuve montre également la difficile stabilisation dans le temps des questions procédurales. Bien que la conception actuelle de l'attribution du fardeau de la preuve semble plus pertinente que celle adoptée antérieurement, il est regrettable qu'on constate une absence de cohésion sur un point procédural aussi important. Ce trait est, en outre, susceptible d'altérer la prévisibilité du système. * 229. « Etats-Unis -- Réexamens à l'extinction des mesures antidumping visant les produits tubulaires destinés à des pays pétroliers en provenance d'Argentine», WT/DS268/12, 7 juin 2005 * 230 Voir supra, paragraphe 52 * 231 Voir décisions arbitrales dans les affaires « Indonésie -- Certaines mesures affectant l'industrie automobile », WT/DS54/15 ; WT/DS55/14 ; WT/DS59/13; WT/DS64/12, 7 décembre 1998 et « Chili -- Système de fourchettes de prix et mesures de sauvegarde appliqués à certains produits agricoles », WT/DS207/13 ,17 mars 2003. * 232 Paragraphe 44 de la décision arbitrale dans l'affaire « Etats-Unis -- Mesures visant la fourniture transfrontières de services de jeux et paris », WT/DS285/13, 19 août 2005. |
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