1.2 La communication
médiatisée par ordinateur (CMO)
L'apparition de nouveaux supports et systèmes de
communication (notamment avec le développement d'Internet) interroge les
chercheurs issus de disciplines comme l'informatique, les sciences de
l'information et de la communication, les sciences de l'éducation, les
sciences du langage, la didactique des langues. Nous nous
référerons, dans cette sous-partie, à des recherches
théoriques et qualitatives, selon leur finalité, en sciences de
l'éducation et sciences du langage qui mettent à l'oeuvre des
outils d'analyse empruntés à des disciplines et courants qui
viennent d'être évoqués dans la première sous-partie
théorique de notre étude, de préférence
focalisées sur les particularités de la communication asynchrone
médiatisée par ordinateur.
1.2.1 Interaction plurisémiotique en ligne
Tous les chercheurs semblent être d'accord,
l'interaction est une notion controversée. Pouvons-nous parler
d'interaction alors que nous étudions un corpus d'échanges
asynchrones en ligne ? Kerbrat-Orecchioni, dans son dernier ouvrage Le
discours en interaction (2005), exclut l'échange en
différé qu'elle considère dialogal mais `non
interactif'. Pour Kerbrat-Orecchioni (ibidem : 17) la notion
d'interaction
« implique que le destinataire soit en mesure
d'influencer et d'infléchir le comportement du locuteur de
manière imprévisible alors même qu'il est engagé
dans la construction de son discours ; en d'autres termes, pour qu'il y
ait interaction il faut que l'on observe certains phénomènes de
rétroaction immédiate ».
D'autres chercheurs considèrent différemment
cette notion. De Nuchèze (1998 : 7-8) décrit
l'archétype d'interaction comme un « type
primitif d'action langagière et modèle d'action langagière
contextuellement marqué. Forme stable mais non-figée,
collectif et individuel, intériorisé par tout interactant au
cours de sa socialisation, l'archétype d'interaction
faciliterait l'interprétation et la production des
discours ». Pour De Nuchèze (ibidem : 8), la notion
d'interaction « ne renvoie pas seulement à l'échange
dialogal en face-à-face ». Sa définition de
l'interaction (« d'obédience bakhtienne »)
sera la nôtre : « toute co-production
pluri-sémiotique inscrite dans un parcours énonciatif
contextuellement marqué », cette notion inclut
« celles d'activité conjointe, de discours et de
variation (en synchronie et en diachronie) ».
De Nuchèze marie la pragmatique et l'interactionnisme
symbolique avec la tradition de l'analyse du discours d'inspiration
française (interaction en tant que processus et en tant que produit).
Elle tient compte des éléments non-verbaux :
« contributions régulatrices, structuratrices et
mimogestuelles » dans une approche interactionniste des discours.
Selon ses mots, il s'agit de
« procédés dits régulateurs
chez l'auditeur et phatiques chez le locuteur.
(...) L'ensemble de régulateurs et des phatiques -
synchronisateurs de l'interaction - illustre aisément la notion
de gradualité (...) : contact oculaire, hochement(s) de tête,
mimiques régulatrices (sourire) vocalisations (...) »
(ibidem : 31)
parce que, comme De Nuchèze remarque, preuves à
l'appui, - et nous aurons aussi l'occasion de le constater -
« [à] l'écrit, ces éléments ne sont pas
perdus » (ibidem : 32 ).
Une partie de cet ouvrage, Sous le discours l'interaction,
nous intéresse tout particulièrement : les
résultats de l'analyse, avec les outils de l'approche
pragmatico-énonciative, des aspects « [n]orme, microculture et
variation » d'un corpus d'interactions synchrones en ligne
(IRC sur minitel) où sont mis en relief « dans le
cadre d'une communication qui passe par l'écrit (...) la
naturalité de l'oral et une partie, au moins, des dimensions prosodique
et non-verbale des échanges en face à face » (dont les
smileys) et les effets de l'interaction (ibidem :
89-90). Comme résultat de cette analyse, il ressort « de
fortes similitudes avec la structuration d'un oral conversationnel et les
manifestations de l'oralité : ouverture et clôture
ritualisées de l'échange, (...) marqueurs de structuration
de la conversation (bon, ben), les phatiques de face à face
(...) et les marques les plus fréquentes de l'oralité» .
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