4.3 Actes de
langage et interaction
Au niveau micro-structural, les différents types
d'unités sémiotiques et pragmatiques offrent d'infinies
variations dans leur réalisation et leur combinaison :
l'étude paradigmatique des énoncés nous a permis de
croiser le sens (sémantique et pragmatique) très dépendant
du contexte. Ces unités, les énoncés-actes de langage,
nous avons choisi de les présenter dans la mouvance de l'interaction, de
façon à offrir une vision dynamique de leur structuration
`interne' : la pragmatique dans l'interaction.
En effet, nous nous sommes beaucoup servie des actes de
langage, en ayant eu recours aux notions d'acte `constatif', `requête',
`compliment' ou `remerciement' au moment de l'analyse des interventions et de
l'interprétation du sens des énoncés construisant
l'interaction ... L'acte de langage (ainsi que l'acte sémiotique qui
affiche une trace para-verbale ou non-verbale sur l'écran) en situation
nous a aidé à comprendre les mouvements de l'interaction, fruit
d'ajustements réciproques. Ces unités, les actes de langage, nous
semblent être les piliers de la construction de la relation puisqu'il est
parfaitement clair que les destinataires les interprètent et
réagissent - s'appuyant sur les conventions communes, connues et
acceptées de tous.
4.4 Contrat
didactique, rapport de places, figuration
Les tuteurs font des compliments, des remerciements,
présentent des excuses, des justifications... Et habituellement ils
finissent leurs interventions par des actes de requête. Quelle conclusion
pouvons-nous tirer de ces données ? Les requêtes,
situées à la fin des interventions, les repositionnent (les
rehaussent ?) dans leur rôle de tuteur ?
D'un côté, l'accomplissement des actes
d'avertissement, l'hétéro-évaluation négative ou
les actes de requête situeraient les tuteurs en position haute ;
d'un autre côté, l'auto- évaluation négative,
les excuses et les justifications, les placeraienten position basse. De plus,
les actes que nous avons énoncés en premier, étant
donné leur statut d'étudiants, les situeraient en position
difficile, car ce sont aussi des étudiants et leurs actes peuvent
être perçus comme des critiques et être menaçants
pour la face de l'apprenant, d'autant plus que le forum est un
espace d'exposition discursive ouvert à tous ; ceux que nous avons
énoncés en second lieu, ce sont plutôt des actes
menaçants pour leur propre face. Ce va-et-vient serait ici à
l'origine des rituels de figuration : les tuteurs vont s'efforcer de
modaliser leur discours, par l'usage des actes de langage (et actes
non-linguistiques) atténuant leurs propos.
Chez les apprenants, il faut tenir compte de leur
pénurie en ressources linguistiques (nous ne pouvons pas analyser les
moments où ils ont choisi d'employer des stratégies
d'évitement au lieu de se manifester) si nous voulons analyser leurs
stratégies de figuration. L'analyse discursive, sémantique et
pragmatique permet de rendre compte des traces de figuration, verbales
et non-verbales. C'est le cas, par exemple, quand ils annoncent leurs
faiblesses linguistiques ou le manque d'accomplissement d'une tâche; et
de même quand ils annoncent aux tuteurs des dysfonctionnements qui leur
sont en principe imputables.
Tout cela construit une sorte de répertoire de
réparations qui leur est propre et qui caractérise notre corpus.
Nous nous demandions au début de cette étude
quelle part prend dans cette communication pédagogique la dominante du
travail à accomplir et la dominante des relations interpersonnelles dans
le déroulement de cette interaction. Nous estimons maintenant que cette
modalité d'interaction est construite entre tous les interactants :
en surface, ils produisent un inter-discours très structuré, sous
lequel se construit l'interaction. Cela nous semble être la
spécificité de cette communication qui se fait avec, et à
travers, un média, sorte de communication que l'on pourrait qualifier de
communication `média tissée' (nous reviendrons sur cette
métaphore).
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