Analyse techno-sémio-pragmatique( Télécharger le fichier original )par Maria Luisa TELENTI-ASENSIO Université Stendhal Grenoble 3 - Master 2 Recherche, Sciences du Langage, spécialité didactique de langues 2007 |
3.3 La construction d'une relation, mouvements d'ajustementCette partie sera consacrée plus particulièrement à la mise en lumière des traces verbales et non-verbales des actions entreprises par les uns et les autres pour l'établissement de la relation didactique et leurs ajustements réciproques. Dans ce genre d'exercice de communication à distance, il faut absolument prendre en compte les limites techniques ainsi que des aléas de tous ordres qui peuvent entraver les communications et modifier les relations entre les interactants. Quel est en réalité le contenu des messages ? Quel type de relation instaurent les participants à cette formation en ligne ? Nous allons étudier d'abord des contributions à dominante relationnelle, pour passer ensuite à l'examen de la dominante référentielle pouvant provoquer des situations menaçantes pour l'équilibre de la relation. 3.3.1 Un type de relation se met en placeNous allons nous intéresser ici aux aspects relationnels, interindividuels, médiatisés par ordinateur. A tel effet, nous examinerons avant tout des messages de présentation des étudiants. En premier lieu, nous nous occuperons de la façon dont les présentations des apprenants ont lieu et ensuite celles des étudiants-tuteurs. Les premières contributions des apprenants de français reflètent une conduite langagière assez conventionnelle. Les premiers messages des apprenants montrent un registre familier et les conventions propres aux rencontres informelles en face à face (cette manière de se présenter peut aussi correspondre à celle adoptée en situation d'échange communicatif en salle de cours entre apprenants). Les quatre contributions suivantes peuvent servir d'exemple:
MESSAGE 8, 9, 10, 11. Nous constatons que les apprenants appellent leurs tuteurs par leur prénom comme le montrent deux des exemples précédents (Salut M, Salut A.) . Nous remarquons de même le recours à des signes non-verbaux, comme la répétition de points d'exclamation et le smiley du dernière message qui contribueraient à renforcer cette impression de `proximité' ou de `parité' dans les rapports qu'ils mettent en place avec leurs tuteurs. Nous allons, maintenant, nous pencher sur les premiers messages de trois tuteurs, ci-dessous, afin d'étudier leur façon de réagir aux messages des apprenants. T/Dforum Re: bonjour par a p - Thursday 5 October 2006, 16:43 Bonjour M, Je suis A ta tutrice et je suis très heureuse de faire ta connaissance. J'espère que nous allons bien travailler ensemble. A bientôt A T/Aforum Re: salut par m b - Wednesday 4 October 2006, 13:19 Salut I, Ça fait plaisir d'avoir un message de ta part, ne t'inquiète pas nous allons progresser ensemble T/Cforum Re: bonjour par a p - Tuesday 17 October 2006, 18:26 Bonjour S, je suis ravie de faire ta connaissance. J'attends avec impatience notre collaboration à bientôt ta tutrice A. MESSAGE 12, 13, 14. Nous observons qu'ils ont utilisé l'option Répondre (Re : est affiché dans l'intitulé des messages) et de ce fait ces messages s'affichent à l'écran à la suite du message initiateur, avec un léger décalage vers la droite servant de repère au destinataire visé. Les tuteurs ont néanmoins recours à un terme d'adresse (M., I., S.) dans l'ouverture (marque affective ou pratique de routine). L'utilisation du prénom et le tutoiement sont des marqueurs d'échange symétrique. Par contre, une référence comme ta tutrice (deux occurrences) ou l'acte de langage d'encouragement ne t'inquiète pas fonctionnent comme des marqueurs d'une relation pédagogique et, à la fois, de position haute dans une échelle. Ce qui confirmeraient les allusions explicites au travail : travailler, progresser, collaborer (dans lequel il y a `labor'). Les étudiants-tuteurs sont, en effet, en position plus `élevée' que les étudiants-apprenants du français du fait d'être plus âgés et plus compétents en langue, culture et méthodologie du français que les apprenants, plus jeunes et démunis dans l'expression en français. Néanmoins, derrière l'emploi des possessifs à la première personne du pluriel (nous, notre - équivalent à `toi et moi' ou à `nous tous') dans les actes de souhait d'une progression dans la connaissance, on peut percevoir, chez les tuteurs, une manifestation du statut d'étudiant prêt à apprendre. L'analyse de ces trois messages initiaux des tuteurs reflète bien le va-et-vient entre un type de relation symétrique (qu'ils établissent avec des étudiants) et asymétrique : du fait qu'ils jouent le rôle de tuteurs ayant des responsabilités plus contraignantes. Nous allons rencontrer souvent des segments ambigus - ou polysémiques -, comme c'est le cas de celui-ci: nous allons progresser ensemble ; ce segment peut vouloir dire `je vais te faire progresser' (le nous n'est alors qu'une manière de créer un lien social) ; si l'on comprend `tu vas pouvoir progresser comme apprenant et moi comme tuteur', ce segment serait plutôt marqueur de la parité ; s'il est compris comme un acte d'encouragement, il pourrait aussi contribuer à renforcer la position haute du tuteur. |
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