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FAI: vers un devenir médium


par Gregory de Prittwitz
CELSA - la Sorbonne
Traductions: Original: fr Source:

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3. Une pression croissante à l'obtention de contenus de valeur

Les acteurs du marché des FAI ont diminué progressivement, au gré des acquisitions. Ceux qui ont survécu présentaient de toute évidence les garanties capitalistiques les plus sûres. Les investissements qui ont cours en 2008 concernant le développement de la fibre sur le territoire national sont colossaux et répondent à une anticipation des besoins en matière de réseaux. Le retour sur investissement de ces coûts pour une entreprise comme NeufCegetel serait estimé à 30 ans. Les investissements se comptent en milliard d'euros. Afin d'assurer son assise capitalistique, le FAI est dans l'obligation d'augmenter son revenu moyen par abonné, tout en réduisant le taux de résiliation et de voir croître son nombre d'abonnés. La somme de ces contraintes a pour résultats différents types de stratégies. Celle qui semble prévaloir à ce jour est portée par le leader du marché, Orange, qui mise sur le contenu comme le spécifie son président directeur général Didier Lombard « nous sommes dans la situation unique où les réseaux ont besoin de contenus de qualité pour satisfaire leurs clients ».

Dans un contexte concurrentiel féroce, l'acquisition de contenus premiums est déterminante puisqu'elle est un élément de différenciation majeur. Puisque la télévision est le vecteur d'abonnement principal pour 42%110(*) des abonnés Orange, l'obtention de contenus de valeur est effectivement primordiale. L'élasticité des FAI est grande avant la contractualisation, mais faible après car les options ne peuvent être prises qu'avec l'opérateur. C'est une des raisons de l'attrait croissant des FAI pour le contenu de valeur, puisque s'il peut être un élément déterminant dans l'acte d'abonnement ou dans la fidélité du client, il est aussi un moyen de créer des abonnements en circuit fermé, sûr, régulier, et monopolisé.

On peut estimer que le marché de l'ADSL arrivera à maturité en France aux alentours de 2012, à la vue des estimations de couverture de la population. Il en résultera un marché dont le taux de nouveaux abonnés à la technologie ADSL ne progressera que mollement. Les acteurs centreront leurs stratégies marketing sur l'acquisition d'abonnés déjà existants chez les concurrents, avec pour objectif d'augmenter les résiliations à leurs profits. La télévision est donc déjà un moteur pour l'accroissement des parts de marché de chacun des acteurs du marché des éditeurs. Jusqu'ici simples distributeurs des offres existantes, y compris celle de Canalsat, les fournisseurs d'accès se veulent désormais agrégateurs et distributeurs à part entière, comme en témoignent les récentes acquisitions de droits exclusifs d'Orange : catch-up111(*) TV de France Télévisions, lots de la Ligue 1 de football, films et séries de HBO, Warner Bros International Television, Fidélité Films et Gaumont. On assiste à une affirmation identitaire des FAI à travers l'éditorialisation des contenus qui dénote d'une stratégie globale de remontée dans la chaîne de valeur.

La signature d'obtentions de droits de diffusion des contenus dits premiums est régulièrement accompagnée d'une clause d'exclusivité. Ces clauses sont achetées à des tarifs élevés, puisqu'elles sont les éléments déterminants d'abonnement des clients. Les distributeurs jouent sur l'exclusivité au cas par cas, en arbitrant entre le coût de l'exclusivité et la concurrence liée à la non-exclusivité. Free a dû ainsi cesser en octobre 2006 la diffusion de L'Equipe TV en raison de la clause d'exclusivité liant la chaîne à Canalsat : le bouquet satellite conservait ainsi le monopole de l'information sportive face aux FAI. Orange a depuis réagi en lançant en septembre 2007 sa propre chaîne d'information sportive Orange Sports TV.

Les exclusivités sont essentielles dans un contexte socio-économique qui dévalorise les produits dits de stock, puisque les usages de consommation intense des médias, de détournement massif des règles d'achat des contenus pas les utilisateurs à travers le P2P112(*), ainsi que la multiplication des fenêtres de diffusion augmentent de concert la substituabilité de ces programmes. Les contenus premium sont ceux dont la substituabilité est faible, pour lesquels les clients potentiels ressentent un besoin patent.

Si proposer du contenu de valeur aujourd'hui à ses abonnés est si central, c'est aussi parce que les métiers se sont mélangés. La convergence cristallise une perméabilité entre les secteurs, et la période pendant laquelle les FAI se concurrençaient sur une offre TV dite basique a laissé place à une véritable course au contenu de valeur. Les utilisateurs de ce type d'offres sont de plus en plus exigeants et n'hésitent pas à résilier si l'offre du concurrent est plus en phase avec leurs appétences éditoriales. La transposition des usages du web sur l'IPTV rend les utilisateurs plus exigeants, plus critiques. La notion de valeur présente la particularité de s'attacher à l'offre intrinsèque, moins à la marque qui l'entoure. On en revient ainsi au rôle central de la valeur, et par extension du contenu dans l'offre des opérateurs Internet, et ce dans une logique économique de satisfaction des attentes des clients.

Si le contenu est aussi central, c'est aussi que s'articulent autour de lui des stratégies d'extension de champs de compétences ou de sauvegarde des positionnements éditoriaux. Cela accouche de logiques de convergence de groupe et de supports mais aussi de création de chaîne par un FAI, paroxysme du « devenir medium ». Il est intéressant de noter que la logique de création de chaîne via des contenus standards est normalement du ressort des éditeurs historiques. On peut s'interroger sur la stratégie d'Orange dans ce cas. Editer des séries et des films comme le font les chaînes ne relève plus de la stratégie d'adhérence montrée en amont. Aucune place n'est préposée au faire-réceptif au sein du dispositif médiatique. Seule la maîtrise du contexte spatio-temporel qui lui est laissée émane d'une forme d'adhérence.

* 110 Sources : extraits d'une source interne sur les motivations de souscription

* 111 Catch-up : télévision de rattrapage

* 112 P2P : Système d'échange de fichier sur internet entre utilisateurs du monde entier. Une des causes de piratage.

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