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2. Où comment les FAI ont diversifié l'adhérence client face à des medias amorphesComme il a été décrit en amont, l'entreprise «pratiquant la stratégie de valeur avec succès a le don d'empathie» (ibid). Cette mise en situation permet aux entreprises d'identifier les besoins du client. Elle se met à la place du client pour identifier ses besoins et mesurer leur importance relative. Selon de Bodinat, «les entreprises à stratégie de valeur savent mieux que les autres surmonter une difficulté commune à toutes les entreprises : le changement permanent des marchés. Les marchés bougent, sous la pression de transformations sociologiques, d'évolution technologiques, de mutation économiques.»(Ibid) L'A.C.C.è.S confirme la façon dont les télécoms ont su corréler innovation technologique et sentiment de bénéfice chez le client : « Les abonnements aux offres multi-services des fournisseurs d'accès à Internet bénéficient toujours d'un taux de croissance élevé. Ceci profite mécaniquement à la distribution de la télévision par ce vecteur. L'attractivité des offres de télévision sur ADSL est garantie à la fois par des forfaits multiservices qui incluent la télévision, et par la course à l'innovation des FAI qui les pousse à introduire toujours plus de services audiovisuels : magnétoscope numérique, media center97(*), VoD, haute définition, vidéos autoproduites... »98(*). A travers leurs innovations, les FAI savent autant répondre aux attentes des utilisateurs pluri-media que de les créer. Les FAI ont développé des outils qui semblent être une transposition directe des usages du web sur l'IPTV. Freeplayer est une solution logicielle qui transforme la Freebox en plate-forme multimédia, permettant de diffuser sur un téléviseur ou une chaîne Hi-fi les contenus multimédias se trouvant sur l'ordinateur. Free a en sus développé la convergence technologique au point d'intégrer de la voix (indirecte) sur l'IPTV. En effet, l'utilisateur peut accéder à ses messages téléphoniques laissés sur la boîte vocale directement sur l'interface de télévision, tout comme le propose Orange par exemple sur son site Internet, où l'identification en tant que client permet l'écoute de ses messages. Le fait même de pouvoir choisir de s'abonner à une chaîne ou de s'en désabonner directement depuis l'interface de télévision s'approche des usages du web, avec le confort qui l'accompagne. Rappelons-nous que les abonnements à CanalPlus se faisaient jusqu'il y'a peu en majorité en magasin. Revenons à l'opérateur Free dont la préemption sur un certain nombre d'avancées technologiques se conforme aux usages du web, confirmant la tendance à la forme d'interaction indirecte entre les deux medias. L'opérateur propose TV Perso, espace d'expression d'échange de vidéos dans lequel l'utilisateur peut consulter et noter l'ensemble des vidéos personnelles de la communauté d'abonnés, légèrement éditorialisées puisque regroupées en thématiques et classées par popularité, ce qui fait écho à Youtube. L'abonné lambda dispose ici du format écranique de la télévision avec tout ce que cela implique en terme de valorisation pour s'exposer en tant qu'actant médiatique dans un univers proche d'Internet. Son rôle n'est plus défini et restreint par des professionnels mais par des utilisateurs lambda. Il est à noter que cet espace met également à disposition du stockage pour les vidéos et d'une boîte de réception sur laquelle l'utilisateur reçoit les nouvelles vidéos des autres freenautes. L'outil Télésite permet de surfer sur Internet depuis le téléviseur sur des sites spécifiquement adaptés à la Freebox et de diffuser le site web personnel de l'abonné en y intégrant également les vidéos de TV Perso. Rares sont les services sur la télévision qui ont autant poussé la transposition des codes et des usages du web, tant dans la place de l'actant que dans les outils. Dans une logique moins transpositive et plus proche de l'univers de la télévision, le service de «Contrôle du direct» illustre combien la somme des services proposée par ce FAI s'inscrit dans une logique de stratégie de valeur. Il s'agit également dans ce cas d'une adhérence à la fragmentation des audiences, en permettant à l'utilisateur de décider en partie de la temporalité de ses visionnages, s'affranchissant des diktats du linéaire. L'ensemble de ces démarches répondent aux attentes d'une minorité importante de la population d'abonnés, parmi les plus pro-actifs dans le rapport communicationnel. Cette capacité à hétérogénéiser les émissions et les réceptions de flux ne s'est pas encore diffusée dans l'ensemble de la société. Les FAI se démarquent particulièrement des éditeurs historiques dans leur capacité à remonter la chaîne identitaire de l'individu médiatique, de la masse au très singulier. La profusion de chaînes mises à disposition comme les locales ou les étrangères s'inscrivent dans cette dans le sens où il existe une prise en compte des segments les plus fins de la population dans leur volonté de faire exister leurs centres d'intérêts. Dans la prise en compte de la profondeur des appétences médiatiques d'un individu, l'écart entre FAI et éditeur historique est décelable. Cependant, les éditeurs historiques, même s'ils ont fait preuve d'une certaine lenteur ont su enclencher des processus de décentration pour répondre aux attentes de certains utilisateurs. Quand TF1 inaugure un site internet sur le modèle de Youtube permet la mise à disposition de contenus créés par des individus médiatiques non professionnels, il s'agit d'une prise en compte du besoin d'expression de l'utilisateur. Idem pour Crea+99(*) de CanalPlus. La dématérialisation des espaces dédiés aux contenus a permis aux opérateurs de mettre à disposition un ensemble de services audiovisuels. Ceux-là favorisent l'adhérence de chacun des actants dont les sensibilités à l'existence dans le dispositif médiatique semblent prégnantes.
Les écarts dans l'adhérence à l'évolution des usages entre les éditeurs historiques et les nouveaux entrants posent quelques questions. Nous nous sommes interrogés sur les raisons sociologiques, historiques, et sémiologiques de ces divergences. Il est indispensable de compléter cet état de fait en se penchant sur les sujets déterminants pour l'avenir du marché des media. Le troisième chapitre pose les questions relatives au contenu, à la concurrence, et à la pérennisation du FAI dans le secteur des medias. Que les FAI disposent aujourd'hui d'une partie des contenants, et ce, en circuit fermé, marque une rupture historique dans la distribution des flux en France. Les présages qui en découlent nourrissent les pages média des journaux. La guerre entre un éditeur historique, CanalPlus et un opérateur télécom privatisé pose des questions quant à l'accession de distributeurs de flux au marché des media. De plus, il est ici central de montrer comment la transposition des usages liés au web vers une adhérence utilisateur fait partie d'une stratégie d'extension de métier. Les FAI feront donc l'objet d'une démonstration quant à leurs velléités éditoriales, apparentée à un déplacement progressif du coeur de métier. Ce troisième chapitre ouvrira des perspectives et se permettra de faire quelques recommandations pour la pérennité de ces nouveaux entrants sur le marché des média. Enfin, nous nous interrogerons ensuite sur les conséquences de cette introduction des FAI dans le secteur de la télévision. Nous verrons dans quelle mesure cela est susceptible de modifier les dispositifs médiatiques et les effets sur la société. * 97 Media Center : Outil et logiciel fournissant certains des services suivants : lecture de fichiers multimédias (image, son, vidéo), diffusion de ces fichiers * 98 Guide des chaînes numériques. Mars 2008 * 99 CREA+ : Site Internet du Groupe CanalPlus hébergeant, recensant et classant des contenus video amateurs. |