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I. Un contexte socio-économique favorable à une évolution des usages et attentes des utilisateursLe déroulement de ce chapitre s'attachera à éclairer comment la démocratisation du nouveau medium qu'est Internet a participé à la restructuration des rapports communicationnels. Tout d'abord, nous nous attarderons sur la sociologie des usages. Plus précisément, la façon dont l'outil Internet s'est répandu dans la quotidienneté des échanges et comment ses usages ont révélé une nouvelle forme d'échange. La deuxième partie permettra de se pencher sur la consommation des medias en France, où comment l'évolution des usages nés du web a influé sur le rapport entre les media historiques et les utilisateurs. Ensuite, la troisième partie aura pour propos la formation des communautés sur le web et comment elles illustrent une forme de décentration face à l'unilatéralité de l'énoncé discursif chez les medias historiques. La fin du chapitre se voudra plus tournée vers la nouvelle donne économique qu'induit le web et la façon dont elle répond aux attentes de chacun, à travers la logique de la longue traîne. Ce chapitre permettra donc de prendre la mesure des évolutions des usages dans les rapports communicationnels initiées par l'arrivée massive du support Internet dans les foyers. Cela nous permettra de saisir comment cela impacte les modèles économiques et modifie l'ensemble de la chaîne de valeur des médias. A. Sociologie des usages et assimilation d'un nouveau medium1. Rappel sémiologique sur le multimédia et InternetL'accès aux services disponibles sur la toile par des fournisseurs d'accès Internet a permis d'élargir sensiblement les possibilités d'interaction entre utilisateurs. Le rapport communicationnel propre aux média historiques implique un contexte d'émission-réception quasi unilatéral. A contrario, le support Internet a pour corollaire les termes multimédia et interactivité. Passive ou active, l'interactivité fait du multimédia un objet et une pratique distincts des autres objets médiatiques et de leur usage. Le Dictionnaire des Arts Mediatiques3(*) la définit comme suit : « Propriété des médias, des programmes et des systèmes liés de façon plus ou moins constitutive à un ordinateur de pouvoir entretenir un dialogue plus ou moins poussé avec l'utilisateur. » Elle repose sur l'illustration suivante : « Les hypermédias (...) sont des entités (...) fondamentalement interactives, qui nécessitent constamment, pour procéder, les réponses des utilisateurs aux choix qu'ils leur offrent par les interfaces logicielles et matérielles qui leur sont propres. Ces réponses relèvent du processus de navigation des utilisateurs dans ces programmes et ces systèmes. » Le terme « multimédia » a pris forme dans le langage commun à travers l'usage de l'ordinateur. Le Dictionnaire des Arts Médiatiques l'assimile comme étant un « environnement de communication et installation artistique dans lesquels plus d'une technologie est employée et où l'interactivité n'est pas essentielle ». L'outil informatique a permis l'utilisation de l'écrit, de l'image et du son. La forme la plus aboutie du multimédia interactif à ce jour est Internet, qui par ses attributs d'interaction interpersonnel, d'image, de son, et tout autre type de relation communicationnel permet à l'actant l'utilisation de plusieurs media. À ce titre, radiodiffusion et télévision ne rassemblent pas les mêmes attributs interactifs et multimédia que le support Internet. Selon Eleni Mitropoulou4(*), « les textes médiatiques des typologies radiophonique et télévisuelle relèvent d'un faire-émissif autonome contrairement aux textes multimédia en ligne de typologie Internet qui relèvent d'un faire-émissif conditionnel ». L'auteur explique que « l'autonomie du faire-émissif dans la typologie radiophonique et télévisuelle relève d'une relation avec le faire-réceptif qui doit son autonomie à la relation de présupposition réciproque qui lie flux et déploiement lors du faire-réceptif, qu'il soit passif (être là) ou actif (écouter/regarder). Le faire-émissif de la typologie Internet doit sa conditionnalité au principe que ses effets énonciatifs sont soumis à la condition technologique d'un faire-réceptif actif (cliquer) qui fait croire à une relation de présupposition réciproque, d'une part entre flux et déploiement, d'autre part entre flux, déploiement et savoir-faire. Selon cet angle, le multimédia est assimilé à l'espace discursif écranique. C'est en effet là que se passe sa mise en énonciation par la pratique interactive du faire-réceptif ». Le terme multimédia est ici assimilé à un « médium intégré interactif » en ligne, qui résulte de la convergence de trois univers technologiques : les télécommunications, l'informatique et l'audiovisuel et « dont les spécificités morphologique et syntaxique reposent sur l'interactivité comme propriété des médias, des programmes et des systèmes liés de façon plus ou moins constitutive à un ordinateur de pouvoir entretenir un dialogue plus ou moins poussé avec l'utilisateur » comme le définit le Dictionnaire des arts médiatiques. Eleni Mitropoulou met en relief le rôle indispensable de l'utilisateur dans le déploiement narratif : « l'interactivité en Internet est transformation du mode d'existence d'un texte par faire-réceptif en ligne. Le faire-réceptif en ligne est désigné comme actif en Internet. L'interactivité est donc, également, ce qui permet au multimédia d'acquérir la configuration des médias en ligne : le flux au sens radio-télévisuel. » L'interactivité offre la possibilité au multimédia de combler l'écart entre faire-émissif conditionnel et faire-émissif autonome. « L'interactivité dote le faire-réceptif du pouvoir d'opérateur axiologique dans l'évaluation de l'échange, en prenant le statut d'assistant participant »5(*). Le déroulement énonciatif, en somme le coeur du medium ne bat pas de la même façon selon le flux. En effet, en Internet, le changement de mode d'existence sémiotique d'actualisation du stock en déploiement par le flux n'est possible que s'il y a « agir » de la part du récepteur. Mais, « une fois qu'il y a actualisation par le faire-réceptif, et donc disjonction qui déclenche le déploiement, le récepteur est en conjonction avec un état émissif qui subit des transformations autonomes, comme l'actualisation ou les irruptions publicitaires » selon l'auteur. L'obligation de prévoir la prise en charge du faire-réceptif installe ce dernier comme indispensable pour la réalisation des programmes narratifs liés au déploiement et « le renforce dans son pouvoir d'opérateur axiologique ». « Cette place incontournable du faire-réceptif dans le flux fait du récepteur, par projection, le protagoniste du déploiement ». Ce constat du déploiement par le faire-réceptif illustre la portée de l'évolution des technologies au cours des quinze dernières années mais aussi la façon dont l'utilisateur a été repositionné au centre de l'énoncé à travers l'utilisation d'un support multimédia. La lecture des analyses de Mitropoulou sur les déploiements de flux illustre combien les rapports communicationnels divergent selon le medium. Ceci est un bon indicateur de la place laissée à l'utilisateur dans l'énoncé, ce que nous démontrerons de diverses façons par la suite. * 3 Le Groupe de recherche en arts médiatiques (GRAM) : Dictionnaire des Arts Médiatiques (1989) - Université de Montréal * 4 MITROPOULOU Eleni (2007) Thèse : Média, multimédia et interactivité : jeux de rôles et enjeux sémiotiques - Laboratoire de Sémio-Linguistique Didactique Informatique (LASELDI) - Université de Franche-Comté * 5 MITROPOULOU Eleni (2007) Thèse : Média, multimédia et interactivité : jeux de rôles et enjeux sémiotiques - Laboratoire de Sémio-Linguistique Didactique Informatique (LASELDI) - Université de Franche-Comté |