(2-2) : La prise en considération des
intérêts de plusieurs parties prenantes : dans
l'intérêt de qui les entreprises européennes sont-elles
gérées ?
La plupart des auteurs et chercheurs de la question de la
gouvernance d'entreprise ont mis l'accent sur la caractéristique
principale des modèles européens de la gouvernance, celle de la
prise en considération de l'intérêt de l'ensemble des
parties prenantes (non seulement l'intérêt des actionnaires).
Mais, la diversité que présentent les pays
européens, tant en ce qui concerne les structures de
propriété (l'identité de détenteur de bloc) et
qu'en ce qui concerne le modèle de conseil (mono ou bi-partite), nous
laisse de poser la question suivante : dans l'intérêt de
qui les entreprises européennes sont-elles
gérées ?
En général, dans les pays à structure
mono-partite, les entreprises sont souvent gérées principalement
dans l'intérêt des actionnaires, surtout les détenteurs de
bloc de contrôle, tandis que les systèmes de gouvernance à
structure bi-partite se caractérisent par une approche holiste de
l'entreprise consistant à prendre en considération les
intérêts de l'ensemble des stakeholders.
A- La France : Le rapport Viénot
(1995), (1999) recommande la recherche d'un équilibre dans la
composition du conseil d'administration. La situation française montre
une progression de l'actionnariat salarial. A l'opposé des pays
à cogestion (l'Allemagne), la présence d'administrateurs
salariés n'est pas inscrite par la loi française pour les
sociétés qui n'ont pas été nationalisées, et
l'attention se porte plutôt sur l'actionnariat salarié peu
important mais en pleine croissance (Boutillier et al, 2002).
En 1998, pratiquement toutes les entreprises du CAC 40
disposaient d'un actionnariat salarié, à hauteur de 2 % en
moyenne. En effet, cet actionnariat est souvent organisé dans des
structures du type « fonds communs de placement en entreprise
(FCPE).
B- L'Allemagne : Le modèle
allemand est considéré comme le modèle type de la
gouvernance européenne, où les intérêts des
stakeholders sont privilégiés de manière à
la fois adéquate et équitable. L'intérêt des
actionnaires est perçu dans le contexte allemand comme un
élément de l'intérêt global de l'entreprise.
Cette conception holiste des intérêts de
l'entreprise allemande va généralement de pair avec le principe
de cogestion.
En conséquence, dans les entreprises allemandes les
syndicats et les représentants d'actionnaires constituent les groupes
les plus importants dans le conseil de surveillance.
C- L'Italie : dans les entreprises
cotées italiennes, la primauté est clairement accordée aux
intérêts des actionnaires, ceux des autres stakeholder
n'étant pas pris en considération par les dirigeants des
entreprises. Même si le comité d'audit a énormément
évolué du fait de la réforme Draghi (1998), il n'admet
toujours pas la présence de représentants des salariés et
se compose de représentants des actionnaires majoritaires et
minoritaires.
Mais, cela ne signifie pas que les droits des minoritaires
sont respectés dans les sociétés italiennes. Par exemple,
jusqu'en octobre 2000, seules cinq sociétés cotés avaient
réduit le seuil du capital pour la convocation de l'assemblée de
la part des actionnaires, et seulement sept ont introduit le vote par
correspondance (Boutillier et al, 2002).
Ainsi, on peut dire que, en total, c'est
l'intérêt des actionnaires majoritaires est prioritaire dans les
entreprises italiennes cotées.
En conclusion, on peut citer les deux points
suivants :
- Ce qui continue de différencier fortement les
modèles de la gouvernance au niveau européen est la prise en
compte des intérêts des seules actionnaires, de surcroît des
seules majoritaires en France et en Italie, et à l'inverse de l'ensemble
des stakeholders en Allemagne et aux Pays-Bas.
- En effet, quelque soit le modèle de gouvernance dans
les pays européens étudiés, les doits des minoritaires
s'avèrent extrêmement limités en pratique.
Le dernier point sera le centre d'un rôle potentiel des
investisseurs institutionnels anglo-saxons dans la gouvernance des
sociétés cotées européennes, et c'est ce que nous
allons essayer de montrer dans la deuxième partie.
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