Le rôle des investisseurs institutionnels dans la gouvernance des sociétés cotées( Télécharger le fichier original )par Koussay AMMAR Université Bordeaux IX - DEA en Science de Gestion 2003 |
Section 2 : Une comparaison entre les modèles européens différents de la gouvernance d'entreprisesLa convergence qu'on a vu entre les pays européens, à travers les sections précédentes, en ce qui concerne les structure de financement et les structures de contrôle, ne signifie pas l'existence d'un seule modèle de gouvernance dans tous les pas européens. Partant de ce constat, on se propose d'effectuer dans cette section, une comparaison des structures de gouvernance d'entreprise de quatre pays européens en prenant comme point de départ les différences quant à la structure et au nombre de conseils au sein des entreprises (2-1). Ensuite on va essayer de répondre à la question suivante : dans l'intérêt de qui les entreprises cotées européennes sont-elles gérées ? (2-2). (2-1) : Une dualité de structure du conseil d'administration :Selon Boutillier et al (2002), dans les pays européens, les gouvernances d'entreprise se caractérisent par l'existence de deux types du conseil d'administration : la structure mono-partite (ou unitaire) et la structure bi-partite (ou duale) La structure unitaire se caractérise par l'existence d'un conseil unique, le conseil d'administration, qui se compose d'administrateurs exécutifs et non exécutifs élus par l'assemblée générale des actionnaires. En revanche, la structure duale comprend à la fois un directoire (composé d'administrateurs exécutifs seulement) et un conseil de surveillance. C'est alors le conseil de surveillance qui le pouvoir de nommer et de renvoyer les membres du directoire (Boutillier et al, 2002). L'une des question importantes des structures mono-partites est celle de la séparation des fonctions de directeur général et de présidant du conseil d'administration. Le cumul de ces deux postes conduit à la figure du PDG. Dans la structure unitaire, ce sont les administrateurs externes qui sont supposés exercer un certain contrôle sur les décisions des administrateurs exécutifs (internes). La question est alors de connaître l'importance des administrateurs externes au sein du conseil, et quel est leur degré d'indépendance et s'ils exercent leur rôle de monitoring. En revanche, l'existence du conseil de surveillance est supposée garantir le contrôle du directoire au sein des structures duales. Or, une comparaison entre trois pays européens (France, Italie, Allemagne) semble nécessaire pour éclairer cette dualité (cette comparaison se fait extraire de [Allen et Gale, 1999, P.79-125] ; [Becht et Mayer, 2002] ; [Bianchi et Enrique, 2001; [Boutillier et al ,2002] ; [Franks et Mayer, 2000] et [Nowak, 2001] : ] A- La France : en générale, les entreprises françaises sont marquées par le structure mono-partite. Mais, il apparaît, en effet, qu'un nombre croissant de grandes entreprises choisissent de se doter d'un conseil de structure bi-partite. La situation française trouve son origine dans l'idée suivante : contrairement aux pays européens, lorsque une société française choisit sa structure de gouvernance. Cette dernière est susceptible d'être facilement révisable (Boutillier et al, 2002). C'est ainsi que 25 % des sociétés du CAC 40 avaient une structure duale en 2000, contre 12,5% en 1995. Pour la question concernant le cumul des fonction de directeur général et de président du conseil, le phénomène de PDG est considéré comme un des attribues des entreprises françaises cotées. Bien que le rapport Viénot (1995), (1999) ait insisté sur la nécessité de directeurs indépendants, la France présente néanmoins une situation mauvaise en ce qui concerne ce point. En effet, sur les 15 membres que compte en moyenne le conseil d'administration d'une société du CAC 40, seuls environ 20 % sont qualifiés d'indépendants. En 2000, 30 personnalités (qualifiés de 30 parrains du capitalisme français) totalisent 170 mandats au sein des sociétés cotées et que, pour les seules entreprises du CAC 40, 12 administrateurs ont au moins 5 mandats chacun (Boutillier et al, 2002, p.529). Le fonctionnement du marché de prise de contrôle (le contre-pouvoir) est assuré par les investisseurs institutionnels et notamment les anglo-saxons (Ponssard, 2001). B- L'Allemagne : les entreprises allemandes doivent adopter la structure bi-partite, même si elles ne sont pas soumises aux règles de la cogestion12(*). « Dès lors que le système de la cogestion s'applique, la spécificité du modèle allemand réside dans le fait que les membres du conseil de surveillance sont nommés par l'assemblée générale des actionnaires et par les salariés. Les représentants des actionnaires peuvent aussi être nommés par des « actionnaires désignés », ou par les détenteurs de catégorie spéciale d'actions. Cette règle peut être utilisée pour assurer la représentation des actionnaires minoritaires mais pas plus d'un tiers des membres du conseil de surveillance peuvent être nommés de la sorte. Selon cette situation, les membres du conseil de surveillance ne peuvent pas être considérés indépendants des actionnaires majoritaires et des salariés » (Boutillier et al, 2002, p.527) Théoriquement, la structure bi-partite de la gouvernance d'entreprise est supposée permettre d'atteindre un degré d'indépendance supérieur à celui de la structure mono-partite. Mais dans le contexte allemand, l'indépendance du conseil peut cependant être entravée par la présence d'anciens membres du directoire et par le fait que les réunions du conseil de surveillance et du directoire se déroulent fréquemment simultanément et de manière commune. D'après Ponssard (2001), la situation de contre-pouvoir au sein des sociétés cotées allemandes se manifeste, entre autre, par le fait que l'Allemagne n'ait pas hésité, en juillet 2001, à bloquer au Parlement européen une directive visant à faciliter les OPA hostiles. Le marché allemand du contrôle est longtemps démuré peu actif et les fusions, lorsqu'elles existent, sont en général amicales. Une étude récente de Nowak (2001) signale une augmentation récente des OPA hostiles dans le marché financier allemand. C- L'Italie : les entreprises cotées italiennes disposent d'une structure mono-partite qui peut se réduire à un directeur unique. Mais à cela s'ajoute l'existence d'une commission d'audit interne qui, contrairement à ce qui se pratique dans les structures mono-partites, est extérieure au conseil d'administration. Le rôle de cette commission est très proche de celui des administrateurs externes, puisqu'il consiste à contrôler les administrateurs exécutifs. Depuis la réforme Draghi (1998) la commission d'audit doit être composée au minimum de trois membres, dont au moins un représentant de la minorité des actionnaires (au moins deux si le conseil est composé de plus de trois membres). Cette réforme a également accrue le pouvoir et les compétences de la commission d'audit (Boutillier et al, 2002). On peut citer que la plupart des sociétés cotées italiennes réduisent les membres de la commission d'audit à trois afin d'éviter la présence plus d'un représentant des actionnaires minoritaires. De plus, la plupart des administrateurs exécutifs représentent en effet les détenteurs de blocs d'actions. En ce qui concerne la question du cumul des postes de directeur générale et présidant du conseil, il est observé qu'en Italie ces deux postes sont occupées par des personnes différentes. Cependant, le management en Italie peut être difficilement considéré indépendant car la division des rôles entre ces deux fonctions n'est absolument pas clairement établie (Abravanel, 1997)13(*). Et les actionnaires majoritaires nomment à la fois le conseil d'administration et la commission d'audit dans la moitié des cas. Selon (Melis, 1998), pour la question concernant l'importance des administrateurs externes et leur rôle, la plupart des conseils des sociétés italiennes sont de plus de 6 personnes, dont seulement un maximum de trois sont des administrateurs exécutifs. Monlteni (1997)14(*) note que les administrateurs externes ont des difficultés à vérifier les informations fournies par les directeurs internes, de plus les administrateurs externes ne sont en pratique jamais impliqués dans les choix des internes. Finalement, le contre- pouvoir exercé sous la forme d'OPA est peu développé, voire quasiment inexistant dans le marché financier italien. En guise de conclusion, on va citer que, contrairement à ce que l'on pourrait croire à première vue, c'est donc la structure duale qui devient majoritaire dans les pays européens. Il paraît en effet qu'un nombre croissant d'entreprises françaises choisissent de se doter d'un conseil de surveillance et que la structure de gouvernance italienne, a priori mono-partite, est manifestement une hybridation des modèle britannique et germano-néerlandais (Melis, 1998). * 12 La cogestion est un système qui oblige les entreprises à nommer des représentants des salariés au conseil de surveillance * 13 Cité par Boutillier et al (2002), p. 527 * 14 Cité par Boutillier et al, (2002), p.529 |
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