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De la contribution de la jurisprudence du TPIR à l'incrimination du crime de génocide

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par Jean de Dieu SIKULIBO
Université nationale du Rwanda - Licence 2007
  

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

I. Présentation générale du sujet

Il est mondialement connu que d'avril à juillet 1994 dans un petit pays enclavé d'Afrique centrale, dans la région des grands lacs, un gouvernement aidé par son armée et des miliciens formés à cette fin, a sauvagement massacré une partie de la population. Ces événements furent reconnus comme constitutifs d'un génocide. Ce génocide des Tutsis du Rwanda fut concomitant de crimes contre l'humanité commis à l'endroit des Hutus opposés au régime sanguinaire de l'époque. Ces événements ont été reconnus comme constituant l'un des cas de génocide le moins ambigu du XXème siècle1(*).

Réprimer le crime de génocide, «crime du droit des gens», était une obligation inscrite dès le 9 décembre 1948 dans la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide2(*). Tandis que les États et l'ONU n'avaient pas su ou n'avaient pas voulu remplir leur impérieuse obligation de prévention du crime3(*), il s'avérait indispensable de ne pas laisser le génocide rwandais impuni. Sur base de différents rapports faisant état de la commission d'actes de génocide ainsi que d'autres violations systématiques du droit international humanitaire au Rwanda en 1994 et à la demande expresse du gouvernement rwandais, le Conseil de Sécurité des Nations Unies créa le TPIR4(*).

Le TPIR est compétent pour poursuivre les personnes présumées responsables d'actes de génocide, et d'autres violations graves du droit international perpétrés en 1994 au Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de tels actes sur le territoire des pays voisins pendant cette période5(*). Malgré des débuts difficiles et un bilan encore mince, la jurisprudence du TPIR apporte indéniablement une contribution importante au droit pénal international concernant l'incrimination du crime de génocide et mérite de faire l'objet d'une recherche.

II. Problématique

Le crime de génocide est une construction du XXème siècle même si l'acte nous semble avoir toujours existé. S'agissant du Rwanda en particulier, c'est la première qualification à laquelle font référence les différents rapports sur les événements d'avril 1994. L'originalité du TPIR sera d'une part de déterminer le fondement juridique de ce crime dans le contexte rwandais et d'autre part d'en offrir la première interprétation dans le cadre d'un procès pénal international.

La source la moins discutable6(*) de l'incrimination du génocide est la Convention de 1948 qui consacre pour la première fois le génocide comme crime spécifique dans un texte juridique à valeur obligatoire 7(*). Le Rwanda a adhéré à cette Convention le 16 avril 1975, ce qui rend applicable les dispositions conventionnelles à la situation survenue dans le pays en 1994 sans violer le principe de légalité. La jurisprudence du TPIR a approfondi la question de la source en affirmant la valeur coutumière du caractère criminel du génocide8(*). Ainsi le caractère criminel du génocide concerne impérativement tous les pays même si ces derniers n'ont pas adhéré à ladite Convention.

Le TPIR est aussi le premier tribunal pénal international à avoir prononcé en 1998 le premier jugement relatif au crime de génocide9(*). En ce sens, il a une valeur historique indiscutable, s'agissant de la première condamnation internationale pour génocide depuis l'entrée en vigueur de la Convention pour la prévention et la répression du génocide en 1948.

En effet, la Convention sur le génocide adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1948, n'a eu aucune application véritable durant ses 50 premières années, bien que certaines juridictions nationales y aient fait référence au cours des procès tels que celui d'Adolf Eichmann devant les tribunaux israéliens après sa capture en Argentine10(*).

Enfin, au regard des difficultés que pouvait causer un flou juridique dans le droit international eu égard à l'absence de réelle jurisprudence sur le génocide,11(*) le TPIR a fait d'importants apports qui feront certainement jurisprudence devant d'autres tribunaux pénaux internationaux, d'où l'opportunité d'une recherche approfondie.

* 1 Cfr. les rapports du Rapporteur spécial pour le Rwanda de la Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies notamment : S/1994/879, S/1994/906 et S/1994/1157 en annexes de la résolution S/RES/955(1994) du 8 novembre 1994 du Conseil de Sécurité des Nations Unies sur la création du Tribunal pénal international pour le Rwanda. Voir aussi, H. ASCENSIO, Les tribunaux ad hoc pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, in H. ASCENSIO, E. DECAUX et A. PELLET, Droit international pénal, Paris, Éd. A. Pédone, p. 715.

* 2 La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948 entrée en vigueur le 12 janvier 1951(ci-après «la Convention de 1948 ou Convention sur le génocide »).

* 3 Voir sur cette question de l'obligation de prévention, les articles d'E. DAVID, Aspects juridiques de la responsabilité des différents acteurs dans les événements du Rwanda (avril- juillet 1994), pp. 403-440 et de M. F. LABOUZ, La réalisation de l'obligation de prévenir le crime de génocide : réflexions à la lumière du cas du Rwanda, in K. BOUSTANY et D. DORMOY (dir.), Génocide(s), Bruxelles, Bruylant, 1999, pp. 386-402

* 4 Voy. La résolution S/RES/955(1994) du 8 Novembre 1994 du Conseil de Sécurité des Nations Unies.

* 5 Cfr. Article1 du Statut du TPIR adopté par le Conseil de Sécurité des Nations Unies le 8 novembre 1994.

* 6 L×article 2 paragraphes 2 et 3 du Statut du TPIR reprend mot par mot, les articles II et III de la Convention sur le génocide.

* 7 Référence aux documents antérieurs de l'AGNU qui ont pu qualifier le génocide de crime, notamment la Résolution 96(9) du 11 décembre qualifiant le génocide de « crime de droit des gens ».

* 8 Voir Procureur c J. Paul Akayesu, Affaire no ICTR-96-4-T, (Chambre de première instance I) 2 septembre 1998, par. 495 ; Procureur c. Clément Kayishema et Obed Ruzindana, Affaire no ICTR-95-1-T, (Chambre de première instance) 21 mai 1999, par. 88, Procureur c. George Rutaganda, Affaire no. ICTR-96-3, (Chambre de première instance), 6 décembre 1999, par. 46 et Procureur c. Alfred Musema, Affaire no ICTR-96-13-A, (Chambre de première instance), 27 janvier 2000, par. 15

* 9L'affaire Akayesu est en effet le premier jugement international interprétant la définition internationalement reconnue du crime de génocide, qui se trouve aux articles II et III de la Convention de 1948 ainsi qu'à l'article 2 du Statut du TPIR. Il est à noter que certains tribunaux internes ont interprété des éléments de la définition. Voir par exemple: Attorney General of the Government of Israel v. Adolf Eichmann, Israel (Court of District, Jerusalem), 12 December 1961, par. 19.

* 10 N. WEILL et A. WIEVIORKA, La construction de la mémoire de la shoah Ó du génocide au procès Eichmann, Éditions complexe, disponible sur : httpÓ//www.anti-rev.org/textes/weill94a/index.html, consulté le 30 juin 2007 et W.A. SCHABAS, Génocide, in H. ASCENSIO, E. DECAUX, et A. PELLET, op. cit., note 1, p. 329

* 11 Voy. Z. WEN-QI, Poursuite du crime de génocide par le Tribunal pénal international pour le Rwanda : le crime de génocide dans le cadre de l'affaire Akayesu, in K. BOUSTANY et D. DORMOY, op. cit., note 3, p. 132 ; A. M. ESSOUNGOU, Justice à Arusha, Paris, l'Harmattan, 2006, p. 7 et W. A. SCHABAS, Génocide, in H. ASCENSIO, E. DECAUX, et A. PELLET, op. cit., note 1, p. 319.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille