Réflexion sur l'inobservation de la loi pénale congolaise durant le processus électoral( Télécharger le fichier original )par Danny Mbaya Kazadi Université Protestante au congo - Licence 2007 |
Section 4 : Situation des droits de l'homme pendant le processus électoralPendant la période pré-électorale, l'on a constaté une augmentation significative du nombre des violations des droits de l'homme à caractère politique liées à la campagne électorale. La police, l'Agence Nationale des renseignements et les autres membres des forces de sécurité ont été impliqués dans la répression des libertés individuelles des personnes de certaines affiliations politiques. Parfois, le motif de ces violences se fondaient sur l'ethnicité supposée ou réelle de la victime. Nous notons au titre de ces violations les arrestations arbitraires, les détentions illégales ou les actes de violence physique tels que le fait de porter des coups ou l'usage excessif de la force par la police pendant les manifestations. Photo 4. Manifestation du 10 mars 2006 Photo 5. Idem Photo 4. Manifestation du 10 mars 2006 Photo 5. Idem Des atteintes à la liberté de la presse ont également été rapportées. Des journalistes et des animateurs radio ont parfois été baillonnés dans l'exercice de leur profession. Toutes les autres critiques publiques à l'endroit du régime en place ont été réduites au silence par des juridictions agissant en dehors de leur domaine de compétence, sans que la justice, une fois encore, n'intervienne pour jouer son rôle d'Eglise au milieu du village. Le 18 février 2006, la Constitution de la troisième république est entrée en vigueur en marquant la fin de la période de transition initiée par l'Accord Global et Inclusif. La Constitution prévoit et consacre divers droits et libertés fondamentaux d'importance. Malheureusement, nombre des partis politiques congolais n'ont pas réservé dans leur programme une place aux droits de l'homme. Aucune référence n'est faite à la protection et à la promotion des droits de l'homme dans les programmes des candidats aux élections. Il en va de même pour la presse et la société civile congolaise qui n'ont pas suffisamment mis l'accent sur l'importance du respect des droits de l'homme de la part des futurs gouvernants et, également sur la nécessité de déférer en justice les responsables présumés des crimes. L'UDPS, l'une des plus anciennes formations politiques de l'opposition en RDC, a refusé d'intégrer le processus électoral et a lancé toute une série de manifestations pour protester contre le gouvernement de transition et le soutien qui lui serait accordé par la communauté internationale. Ici, le droit pour l'opposition (constitutionnellement garanti) de manifester publiquement n'a pas toujours été respecté par la police et par les autres autorités. A Kinshasa, l'usage excessif de la force appliquée plusieurs fois aux membres de ce parti a été constaté par l'opinion sans que le ministère public, garant de l'ordre social, ne se meuve. Les bavures policières ont été constituées généralement ici par des coups et blessures, des arrestations et détentions illégales... A Mbuji-Mayi, par exemple, un responsable de l'UDPS et son fils âgé de 16 ans ont été arrêtés arbitrairement et maltraités par des agents de police du Groupe Mobile d'Intervention (GMI), le 13 mai 2006. Un autre paisible citoyen a été arrêté le 22 mai et emmené dans les cachots du GMI après qu'il est avoué qu'il était membre dudit parti. Plusieurs incidents politiques enregistrés lors des six premiers mois de l'année 2006 minaient pour ainsi dire le processus électoral. Le 24 mai, 11 dirigeants politiques y compris des candidats aux élections présidentielles et parlementaires ont vu leur résidences dans la capitale entourées par des agents de la police spéciale en armes et agents de l'ANR entre 13 heure et 15 heure de l'après midi, dans le but de les empêcher de participer à une manifestation organisée par l'opposition politique et la société civile. Le 19 mai, 32 étrangers ont été arrêtés par les forces spéciales de la police et accusés de projeter une tentative de coup d'état. Ce groupe, composé principalement des sud africains et travaillant pour une entreprise de sécurité privé qui fournit protection à plusieurs candidats présidentiables, a été retenu illégalement dans le centre de détention de Kin-Mazière du 27 au 29 mai 2006, avant d'être expulsé de la RDC sans qu'une charge n'ait été retenue contre eux. Un candidat à la présidentielle, Pasteur de son état, a été menacé et 12 de ses sympathisants ont été arbitrairement arrêtés à Kinshasa le 5 avril 2006 et illégalement détenus pendant 3 jours. Des partis politiques actifs dans des zones où ils ne représentaient q'une minorité politique ont dû faire face à des difficultés notables pendant cette période électorale. Par exemple, un membre du RCD local à Baraka, dans le Sud Kivu, a été arbitrairement arrêté par l'ANR le 18 janvier pour avoir hissé le drapeau de son parti. D'autres membres du RCD dénoncent avoir souffert des formes similaires de harcèlement dans la région de Fizi, au sud de Uvira. Trois membres du MLC ont été arbitrairement arrêtés par l'ANR le 14 avril et le FONUS affirme que des officiers de l'ANR les ont empêchés d'établir une présence dans le village de Miketo au Katanga dans le mois de mai 2006. Les médias privés, la télévision, la radio et la presse écrite à Kinshasa, ont été mis sous pression en cette période au cours de laquelle le débat politique et la campagne préélectorale sont de mise chez les différents candidats. Le 31 mai de la même année, la Haute cour militaire de Kinshasa a condamné un prédicateur religieux fort célèbre, pour trois chefs d'accusation assez sérieux dont la détention illégale d'armes de guerre. Le 10 mars 2006, une manifestation de l'opposition fut violemment réprimée. Or, la loi électorale et la nouvelle constitution garantissent le droit de manifester7(*). Ces deux textes prévoient notamment que les organisateurs d'une manifestation en informent préalablement les autorités locales avant la tenue de celle-ci. L'ancienne législation instaurant le régime de l'autorisation préalable, est par conséquent abrogée. Notons ici une tendance inquiétante en ce qui concerne la répression des manifestations publiques par les forces de sécurité de l'Etat. Des manifestations, particulièrement à Kinshasa et à MBUJI Mayi pendant le moins de juin 2006, ont été souvent dispersées, parfois même violemment, avant qu'elles ne puissent se dérouler. Photo 3. Répression de la manifestation du 10 mars 2006 La police aurait apparemment reçu l'ordre d'empêcher le déroulement de certaines manifestations dès leur commencement, prétexte tiré de l'absence d'autorisation et sur les menaces éventuelle à l'ordre public. Cette pratique, appliquée par des autorités locales sélectivement, est en contradiction avec les dispositions constitutionnelles. Au demeurant, ces dispositions ont été réaffirmées dans une circulaire du Ministère de l'intérieur8(*), qui énonce clairement que l'exigence de l'autorisation préalable n'a plus cours. A Matadi, 12 civils et un soldat auraient été tués et 20 autres (15 civils et 5 soldats) auraient été blessés par des tirs des militaires des FARDC. L'incident s'est produit lorsque les adeptes du mouvement politico-religieux, Bundu Dia Kongo (BDK), hostile au Gouvernement de Transition, ont tenté d'organiser une manifestation le 30 juin. La violence aurait été déclenchée par la tuerie d'un soldat par un adepte du BDK, qui aurait arraché le pistolet de celui-ci et tiré sur lui. En revanche, les soldats ont manifestement et de façon disproportionnée et indiscriminée ouvert le feu sur les manifestants, détruit l'église du BDK et pillé plusieurs magasins.
De ce qui précède, nous constatons que la loi pénale ordinaire ainsi que certains textes pénaux spéciaux n'ont pas été respectés afin de garantir les droits et libertés aux citoyens pendant la période électorale . Cela se dégage clairement des faits vécus, surtout que l'organe de la loi n'a pas agi conformément à ses attributions. Aussi, convient-il de préciser que chaque fois que la police et les services de sécurité opéraient des arrestations et des détentions, ils n'en informaient pas le ministère public de qui pourtant ils dépendent. La preuve en est qu'il n'existe pratiquement pas de dossiers pénaux relatifs au processus électoral contre ces services de l'Etat. Par ailleurs, les victimes de ces acte n'usaient pas non plus de leur droit de saisir les instances judiciaires, en se plaignant par exemple au parquet pour q'une éventuelle action soit ouverte à cet effet. Nous pensons que cette attitude amorphes des citoyens congolais violentés par la police et les services de sécurité, alors qu'ils étaient dans leur droit d'exprimer librement leurs opinions s'explique par le fait que ceux-ci n'ont pas la culture de se plaindre devant les organes de justice et qu'ils craignent une certaine vengeance après aient traîné en justice les services sus indiqués ou leurs membres. Le manque de moyens financiers pour supporter les frais de justice ainsi que l'ignorance de la loi peuvent aussi expliquer ce manque de plainte devant les organes de justice. Ce qu'il faut dire ce que le principe de la légalité devrait être observé par tous les services ainsi que par les hommes qui sont intervenus au cours de la période sous examen. Si cela avait été le cas, il y aurait certainement eu moins d'abus qui en fait constituent des violations flagrantes des dispositions pénales par rapport à ce que nous avons décrit ci-haut. * 7 Voir articles 29, 26 et 81 de la loi électorale * 8 Décret n° 002/2006, 29 juin 2006 |
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