Réflexion sur l'inobservation de la loi pénale congolaise durant le processus électoral( Télécharger le fichier original )par Danny Mbaya Kazadi Université Protestante au congo - Licence 2007 |
2.2.2. Les moyensCes trois types de régimes vont développer des moyens de gouvernement conformément à une perception et à une interprétation différente des données de la société. 2.2.2.1. Les moyens des démocraties économiques La conception marxiste de la Démocratie, fondée, qu'elle est, sur une société aspirant à l'homogénéité, supprimera le pluralisme politique au profit du parti unique des travailleurs. Dans cette conception de la démocratie, l'opposition disparaît au profit de l'autocritique. Et si élection il y a, elle ne porte que sur le choix parmi des personnes, indépendamment d'une quelconque option politique ou économique -autre que celle prévue initialement- ; ou bien, lorsqu'il y a un seul candidat, lui apporter l'adhésion des électeurs. Cette forme de démocratie est en voie de disparition. Ce qui reste aujourd'hui de la Démocratie socialiste, c'est le souvenir d'un fonctionnement non seulement autoritaire, mais totalitaire du pouvoir. Le contrôle des activités de la société civile et la répression policière ont été la principale caractéristique des régimes socialistes. Leur orthodoxie idéologique était à l'affût du moindre schisme politique. Le système socialiste a promu au rang d'institution la discrimination entre les classes, et ce, en engendrant une classe omnipotente de bureaucrates18(*). Si bien, qu'en définitive, le «gouvernement» au lieu d'être celui «du peuple», il fut celui de la «bourgeoisie bureaucratique». Au lieu d'être au service du peuple, il a été au service d'une puissante Nomenklatura. D'où le cuisant échec de la conception socialiste de la Démocratie et ce, tant au niveau de la représentativité politique qu'au niveau des résultats économiques atteints et dont les prétendues futures performances étaient, faut-il le rappeler, le fer de lance de l'argumentation socialiste. 2.2.2.2. Les moyens de la démocratie politique Puisque dans cette forme de démocratie tous les choix sont permis, le multipartisme, incarnant cette liberté du choix, devient le fondement même du régime. La Démocratie politique implique une liberté complète et permanente d'expression et de contestation. Ces libertés sont le reflet logique de la pluralité des opinions, dont chacune est susceptible de remporter, à son tour, l'adhésion des électeurs ou, au contraire, de perdre leur confiance. La possibilité d'une telle alternance est la caractéristique majeure de la démocratie pluraliste. Pour qu'il y ait alternance, la lutte politique, majorité/opposition, doit être l'une des pierres angulaires qui va fonder l'édifice institutionnel ; ce qui signifie, non seulement la reconnaissance de l'opposition, mais également l'élaboration de tous les aménagements susceptibles de permettre à l'opposition de remplir sa fonction sans la moindre contrainte, telle la reconnaissance, généralement garantie par la Constitution, et l'exercice effectif des libertés publiques. En outre, le débat majorité/opposition doit supposer la libre utilisation par cette dernière de tous les moyens d'expression et de communication de sorte que «toutes les tendances et tous les intérêts [soient] admis à s'exprimer et que l'espoir soit offert à tous d'accéder au gouvernement et d'en utiliser les prérogatives selon leur vue»19(*). Cela étant dit, les aménagements que nous venons de citer (élection, liberté d'expression, moyens de communication, oppositions etc.) et qui concrétisent la démocratie politique, matérialisent par là même des contre-pouvoirs inhérents à ce type de régime. Ces contre-pouvoirs sont généralement incarnés, tel que l'écrit Pierre PACTET, par » tous les centres organisés de décision, de contrôle, d'intérêt, ou d'influence qui, par leur simple existence ou par leur action, quel que soit l'objectif poursuivi, ont pour effet de limiter la puissance de l'appareil de l'État, ils présentent une utilité incontestable, celle d'éviter l'omnipotence du pouvoir politique»20(*) . Ceci va dans le droit fil d'un renfort de la théorie de la séparation des pouvoirs, d'après laquelle, «pour que le pouvoir ne puisse pas abuser du pouvoir, il faut que par la disposition des choses le pouvoir arrête le pouvoir»21(*). Notons enfin, que la démocratie politique recèle de différents modes d'application : régime présidentiel ou monarchique, démocratie directe ou semi directe, régime parlementaire ou présidentiel, régime parlementaire présidentialiste, etc. 2.2.2.3. Les moyens des «démocraties» théocratiques Depuis peu, les deux moyens utilisés par ces théocraties : multipartisme et suffrage universel (lorsqu'il n'est pas restreint) s'apparentent aux moyens utilisés par les démocraties politiques. Mais cette apparence est trompeuse. Si le multipartisme existe, son champ d'application est tellement restreint que la liberté du choix devient extrêmement limitée, pour ne pas dire inexistante. Le moyen électif perd ainsi toute sa raison d'être. En outre, étant donné le fondement religieux de l'État et le contenu de la vérité religieuse sur laquelle s'appuie le système politique, la liberté effective d'expression est souvent inexistante, comme le reste des libertés publiques en général. La personne des «gouvernants guides» étant inviolable et sacrée, non seulement l'opposition (telle que pratiquée dans les régimes libéraux) devient, sinon une hérésie, un acte de haute trahison, mais fait surtout des partis politiques des institutions qui n'ont plus rien de commun avec les partis des démocraties politiques, mis à part le nom. En effet, la nature de «l'obligation politique» sur laquelle sont fondés les rapports de commandement/obéissance est différente de celle pratiquée dans les démocraties politiques. Rappelons que dans les démocraties politiques ce sont les partis qui tiennent les premiers rôles dans la formation du contenu de cette obligation politique contractualiste, alors que dans les démocraties théocratiques, le contenu de l'obligation politique découle d'une vérité divine. Les partis ne contribuent d'aucune façon à la formation de cette obligation politique qui leur préexiste. Cette distinction est si fondamentale, que lorsque l'on parle des partis des démocraties politiques et de ceux des démocraties théocratiques, la différence est telle, que nous parlons de deux institutions fondamentalement différentes, fonctionnellement et organiquement. Cela étant, cette description du régime de la «démocratie théocratique» aspire à rendre compte de la réalité de la plupart des régimes observés ; en l'occurrence les théocraties des monarchies du Golfe ou la théocratie iranienne. Mais, il va de soi qu'il existe un large éventail de tels régimes. Entre le régime israélien22(*), le régime marocain et le régime iranien, les différences sont telles, que le premier pays aurait pu déroger à notre description tant son mode de gouvernement le rapprocherait des démocraties politiques n'eut été le statut raciste d'un million d'israéliens d'origine palestinienne, le second semble faire du chemin vers ladite démocratie politique et, le troisième, après avoir totalement ignoré les libertés publiques à l'aube de l'instauration de la République islamique, semble de plus en plus vouloir leur accorder un début de consistance sous la pression des réformateurs. D'après ce que nous venons de décrire, il est possible de proposer une définition universelle de la démocratie qui prenne en considération toutes ses variables idéologiques : C'est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour une même vérité idéologique, qu'elle soit d'essence politique, économique ou théologique. Hélas, cette définition universelle, en dehors de l'intérêt qu'elle a d'englober toutes les formes de la démocratie, est d'une utilité limitée. Pour proposer une définition utile, quitte à ce qu'elle perde de sa portée universelle, il faudrait revenir au fait que le gouvernement du peuple, par le peuple n'a jamais été une fin en soi. Cette formule n'a fait que décrire un moyen pour la réalisation de la démocratie. Car, un tel gouvernement n'a de sens et des raisons d'être que pour servir les intérêts du peuple, à commencer par la garantie de ses droits fondamentaux : le droit à la vie, le droit à l'intégrité physique, le droit à la sécurité juridique, le droit d'exprimer ses pensées et de les communiquer sans entraves, le droit d'aller et de venir, le droit de choisir ceux qui auront en charge la gestion de ses intérêts, le droit de choisir librement sa voie spirituelle, etc. Dès lors, toute définition judicieuse de la démocratie ne peut l'être qu'en prenant en compte la fin de celle-ci. Et à cet égard l'une des définitions les plus pertinentes qui nous a été donné d'examiner est celle d'Alain Touraine pour lequel la démocratie est le régime politique qui implique «le libre choix d'un gouvernement représentatif des intérêts de la majorité et respectueux du droit fondamental de toutes les personnes humaines à vivre en accord avec les croyances et leurs intérêts fondamentaux»23(*). Au sommet de ces intérêts fondamentaux, il y a les droits fondamentaux ci-dessus mentionnés, et lesquels aujourd'hui sont en voie d'une reconnaissance universelle aussi bien par les textes constitutionnels que par les nombreuses conventions internationales (dont le bilan des ratifications ne cesse de croître d'année en année). Dès lors, la démocratie ne se vérifie plus uniquement par le fait d'avoir des gouvernants librement élus, mais à la capacité des régimes à respecter le droit. Tout le droit avec le respect stricte de sa hiérarchie. D'où il suit, la démocratie aujourd'hui peut se résumer en deux mots : L'État de droit. Or, si nous avons évoqué la tendance à l'universalisation de la portée de la démocratie, c'est parce que celle-ci est de plus en plus soutenue par la reconnaissance -parfois forcée-, par l'écrasante majorité des nations, du principe de l'existence d'organes chargés de contrôler à la fois le respect du droit et le respect de sa structure hiérarchique, y compris par le législateur. En somme, la reconnaissance d'organes chargés du contrôle de la constitutionnalité des lois, d'une part, et la reconnaissance de la capacité du citoyen de pouvoir soumettre n'importe quel acte de l'exécutif au contrôle d'une juridiction indépendante, d'autre part. Bien sûr, nous ne sommes encore qu'au stade de la reconnaissance de ces mécanismes et il reste certes, un long chemin à parcourir pour que cette reconnaissance trouve son fidèle écho dans la pratique. Enfin, et en tout état de cause, des acquis importants ont été réalisés ces dernières années. Car, en l'état actuel du droit -et sans prendre de risque- nous pouvons affirmer que n'importe quel magistrat sérieux a suffisamment de ressources juridiques pour faire déférer devant un tribunal tous ceux qui ont appris à agir en phénix qui brûle tous les jours la confiance des citoyens en violant des règles de droit sans jamais se brûler les ailes. Mais c'est vrai, et nonobstant le pouvoir de contrainte qui manque à un tel magistrat, quel prétoire est-il suffisamment vaste pour accueillir autant de monde. Nul ne doute que l'institution de la Cour pénale internationale représente une étape essentielle contre l'impunité des atteintes les plus graves à certaines valeurs démocratiques, celles-là même destinées à protéger la dignité humaine contre les violations les plus abjectes. Nul ne doute non plus que la disposition de certains magistrats de divers pays à poursuivre des actes de torture et de barbarie perpétrés hors de leurs territoires nationaux, constitue un début de matérialisation de l'universalité de ce qui ne peut être qu'universel par nature : la dignité humaine. * 18 Raymond ARON : Démocratie et totalitarisme. Paris, Folio, 1993, p. 324 * 19 Georges BURDEAU : «La démocratie». In Ency. Universalis, p. 1081. * 20 Pierre PACTET : Institutions politiques et droit constitutionnel. Paris, Masson, 1985, p. 18 * 21 Charles de SECONDAT de MONTESQUIEU : L'esprit des Lois. Paris, Garnier, 1961, p. 58, deux Tomes. (Première édition 1748). Cf. tome I, livre XI, chapitre VI (de la Constitution d'Angleterre) * 22 Uri DAVIS, Introduction to Israël - An Apartheid State, London and New Jersey, Zed Books, 1987, http://www.codoh.com/zionweb/ziondark/zionrac01.html. * 23 Alain TOURAINE : «Qu'est-ce que la démocratie aujourd'hui ?» In R.I.S.S., n°128, mai 1991, p. 284 |
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