La liberté du sujet éthique chez Kant et Fichte( Télécharger le fichier original )par Christophe Premat Université Paris I - DEA d'Histoire de la Philosophie 2000 |
b) Sens de cette communauté d'êtres colégislateurs.La communauté éthique se structure autour de l'Idée d'un Être souverain et moral parfait mais les membres participent à sa législation, car ils en sont les corps indissolubles. Comme l'écrit Heidegger, « la liberté pratique est à soi-même législation, volonté pure, autonomie. »116(*) C'est cette législation qui exprime fondamentalement l'essence de la liberté, car la liberté pratique est en fin de compte cette essence. Les membres de la communauté éthique sont des membres auto-responsables qui sont en rapport les uns les autres au sein d'une praxis éthique. Ils ne sont pas liés de façon contingente mais de manière universelle et nécessaire. C'est une communauté d'êtres intelligibles qui ont dépassé leur finitude pour s'infinitiser dans l'éthicité : je « me représente dans un monde qui possède une infinitude véritable »117(*). Le concept de sujet est alors transformé, Kant parlant également de « mon invisible moi »118(*). La communauté éthique ne peut être qu'une communauté de personnes, réalisant ainsi l'essence de la liberté. Le sujet s'infinitise, il ne se situe plus entre une série sensible et une série intelligible, c'est-à-dire qu'il ne se caractérise plus dans une finitude résignée à cause d'une impossible coïncidence entre ces deux séries. Il retrouve le point de vue univoque de la loi morale, qui s'applique autant à Dieu qu'à lui-même, puisque pour Dieu, la loi morale est une loi de sainteté, alors qu'elle est une loi du devoir pour l'homme. Les membres de cette communauté se constituent uniquement comme des fins en soi. On peut affirmer, dans une certaine mesure, que le véritable sujet éthique est cette communauté, tant les liens des membres entre eux sont indissolubles. Chaque membre est comme l'expression et le reflet propre de cette communauté spirituelle. La liberté a alors un fondement ontologique authentique dans l'existence de cette communauté, qui dépasse en son sens sa schématisation sensible. L'idée d'une communauté éthique ne peut s'accomplir que d'une manière religieuse dans le monde, à travers le rapport d'une Église visible et d'une Église invisible, mais cela ne signifie pas que le lien éthique ait une nature uniquement religieuse. La religion est nécessaire pour schématiser ce lien éthique et pour placer l'homme dans la direction de sa véritable humanité, c'est-à-dire sur le second chemin de la liberté, car l'homme ne peut pas se passer de la religion pour l'accomplissement de son éthicité. * 116 Ibid., p.272. * 117 KANT, Critique de la raison pratique, Trad. Luc FERRY et Heinz WISMANN, éditions Gallimard, Paris, 1985, p.212. * 118 Ibid., p.212. |
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