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La liberté du sujet éthique chez Kant et Fichte

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par Christophe Premat
Université Paris I - DEA d'Histoire de la Philosophie 2000
  

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2) L'éthicité dépasse la religion, elle solidarise les êtres raisonnables autonomes : l'espace éthique est de nature religieuse mais ne se réduit pas à elle.

a) Dignité du sujet éthique qui ne doit sa perfection qu'à lui-même.

L'accès à la communauté éthique implique une contrainte morale, celle qui me détermine à agir par respect pour la loi morale et par soumission au devoir. La dignité du sujet dépend de cet effort à persévérer dans la moralité. La dignité (die Würdigkeit) n'a rien à voir avec l'illusion du mérite, où l'homme vit dans une autosatisfaction ; elle est plutôt proche d'une humilité respectueuse, où l'homme prend conscience de son rang. "Nous sommes sans doute des membres législateurs d'un royaume moral, qui est possible par la liberté et qui nous est représenté par la raison pratique comme un objet de respect, mais en même temps nous en sommes les sujets et non le souverain, et méconnaître notre position inférieure comme créatures, rejeter présomptueusement l'autorité de la loi sainte, c'est déjà faire défection à la loi en esprit, quand même on la remplirait à la lettre."109(*) Notre dignité consiste à reconnaître notre position dans une hiérarchie et à respecter ce qui nous est supérieur, ce respect fondant notre humanité même. Avoir conscience de cette position inférieure, c'est aussi prendre en considération les devoirs qui nous lient à ce qui nous est supérieur. Nous prendre pour les souverains de ce monde serait la pire erreur que nous pourrions faire, elle ruinerait la possibilité même d'une vie morale commune, elle serait une intrusion de l'amour de soi, qui n'a plus aucun respect, parce qu'il ne reconnaît rien de supérieur à lui. L'illusion du mérite est justement inspirée par cet amour de soi, qu'une bonne éducation doit savoir réprimer. « C'est le devoir, et non le mérite, qui doit avoir sur l'esprit non seulement l'influence la plus déterminée, mais encore, s'il est représenté dans toute la lumière de son inviolabilité, l'influence la plus pénétrante. »110(*) Cette dignité est rendue possible par la culture du devoir et de l'effort, ce que Kant appelle une « méthodologie » pratique, qui diffère de toute méthode spéculative. « On entend plutôt par cette méthodologie la façon dont on peut donner aux lois de la raison pure pratique un accès dans l'esprit humain, de l'influence sur ses maximes, c'est-à-dire la façon de rendre la raison objectivement pratique également subjectivement pratique. »111(*) Il s'agit de fonder une attitude et de cultiver les intentions morales du sujet, pour qu'il ait une force d'impulsion vers le Bien et qu'il regarde vers cette communauté éthique qui est toujours à venir.

L'éducation, par la contrainte, arrachait le sujet à ses penchants sensibles pour l'orienter vers cette éthicité, mais nous avons vu que cet effort d'arrachement, l'élève ne le devait qu'à lui-même ; on peut le guider, et c'est le rôle fondamental du professeur, mais jamais lui imposer un caractère de l'extérieur. « L'attention de l'élève reste fixée sur la conscience de sa liberté, et, quoique ce renoncement excite au début un sentiment de douleur, il lui annonce pourtant, en le soustrayant à la contrainte même des vrais besoins, une délivrance à l'égard des diverses formes de mécontentement où le plongent tous ces besoins, et rend l'esprit capable d'éprouver un sentiment de satisfaction vers d'autres sources. »112(*) L'élève se convertit au degré le plus haut de sa liberté, il tourne son regard vers elle, et « les autres sources » constituent un appel (au sens de Beruf, vocation) à devenir membre de cette communauté, qui n'est en aucun cas un cercle fermé. Cette conversion est de nature religieuse, au sens où elle engage notre liberté vers quelque chose d'infini, mais dépasse le religieux lui-même, pour fonder un espace purement éthique. La religion devient une schématisation de cette éthicité, qui accomplit le degré le plus haut de la liberté et qui montre un dépassement de la moralité par elle-même, dans la mesure où cette dernière transcende le point de vue religieux. Kant cherche à fonder une science pratique pure, qui concerne un choix de vie qui met l'homme sur le chemin de cette communauté. « En un mot, la science (recherchée de manière critique et engagée avec méthode) est la porte étroite qui conduit à la doctrine de la sagesse, si l'on entend par là non seulement ce qu'on doit faire, mais aussi ce qui doit servir de règle aux maîtres pour bien tracer et faire connaître le chemin de la sagesse. »113(*) Cette doctrine de la sagesse est l'autre nom pour une science éthique pure, qui examine les principes pour bien mener sa vie, conformément à la morale. Cette « porte » est « étroite », c'est-à-dire qu'elle est difficile d'accès, le chemin est donc périlleux, l'homme est ce pèlerin éthique qui doit toujours veiller à rester sur ce chemin.

Heidegger fut très sensible à ce concept de « chemin » puisqu'il le reprend, pour commenter Kant, en évoquant les deux chemins de la liberté, celui de la liberté transcendantale et celui de la liberté pratique. C'est ce second chemin qui est d'ailleurs essentiel, car « il ne vise plus la liberté comme un mode possible de causalité dans le monde, mais comme privilège spécifique de l'homme en tant qu'être raisonnable. »114(*) C'est ce pèlerinage qui constitue l'homme comme être essentiellement libre. Ce deuxième chemin oriente l'homme uniquement vers une praxis éthique, il est pour ainsi dire proprement humain : « le premier chemin traite de la liberté possible d'un étant sous-la-main en général, le deuxième de la liberté effective d'un étant sous-la-main déterminé, de l'homme comme personne. »115(*) Dans ce deuxième chemin, nous ne sommes plus dans l'ordre des conditions de possibilité de cette liberté, à « possible » s'oppose « effective » et à « général » s'oppose « déterminé ». L'homme se détermine comme humain dans la praxis éthique, sa liberté est « effective », c'est-à-dire qu'elle se concrétise dans la recherche de l'éthicité. L'homme passe du genre humain, du « général » à ce qui lui est directement spécifique, et c'est pourquoi ce deuxième chemin est une « porte étroite », parce que nous avons une détermination beaucoup plus précise que sur le premier chemin. C'est la responsabilité de l'homme comme personne, qui fonde sa dignité.

* 109 KANT, Critique de la raison pratique, Trad. Franç. François PICAVET, éditions PUF, Paris, 1960, p.87.

* 110KANT, Critique de la raison pratique, Trad. Franç. Luc FERRY et Heinz WISMANN, éditions Gallimard, Paris, 1985, p.206.

* 111 Ibid., p.199.

* 112 Ibid., p.210.

* 113 Ibid., p.214.

* 114 Martin HEIDEGGER, De l'essence de la liberté humaine, Trad. Emmanuel MARTINEAU, éditions Gallimard, Paris, 1987, p.243.

* 115 Ibid., p.246.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe