B/... Pesant de tout leur poids sur
l'éligibilité des économies au bénéfice de
l'allègement.
La CNUCED et, entre autres, Eric Berr et François
Combarnous [2006] proposent de définir des indicateurs
complémentaires pour davantage de cohérence quant à
l'éligibilité des PPTE. Car il est vrai que nombre
d'études montrent que certains pays pauvres très endettés
ne sont injustement pas reconnus comme tels.
1 La construction d'un indicateur
complémentaire...
Le rapport de 2004 sur le développement
économique en Afrique souligne le fait que la définition d'un
indicateur d'endettement, quel qu'il soit, doit garder à l'esprit le but
qu'il poursuit. Ainsi, « lorsque l'on analyse le degré
d'endettement extérieur tolérable, la dette
considérée devrait normalement englober tous les
éléments de la dett e extérieure, publics et
privés. Lorsque l'on analyse la viabilité budgétaire de la
dette, celle-ci devrait généralement englober toute la dette
publique, étrangère et intérieure
»13. Or, l'IPPTE ne considère ni la dette
privée extérieure, ni la dette publique domestique. La dette
externe privée constitue certes une part minoritaire de l'endettement
extérieure totale. Mais le service de la dette publique interne
pèse parfois autant, voire davantage, sur les finances publiques d'un
Etat que le service de sa dette extérieure.
De fait, ce n'est pas parce que la dette extérieure
paraît viable que la dette totale l'est. En outre, les PPTE africains
n'ayant pas accès, pour la plupart, aux marchés financiers
internationaux et étant dès lors tributaires de l'APD, le
marché intérieur devient une source importante de financement. Et
lorsque le marché domestique devient insuffisant, c'est l'appel aux
prêts publics multilatéraux ou bilatéraux qui
prévaut. Ignorer le statut de l'endettement intérieur revient
donc à surestimer la viabilité de l'endettement total, ainsi que
le potentiel de ces pays à financer leur développement
après le point d'achèvement. Car les PPTE auront toujours recours
aux prêts si l'APD est insuffisante, ce qui est le cas. Les opposants
à l'intégration de la dette domestique dans la défini-
12 Id.
13Id.,p. 48.
tion d'un endettement soutenable avancent quelques arguments,
toutefois réfutables. Ils considèrent par exemple que les
données manquent et peuvent être manipulées, ou qu'il
existe des problèmes de définition de la notion de dette
intérieure publique. La Banque mondiale estime, quant à elle, que
ce problème est supposé se résoudre grâce à
la FRPC dans le cadre de l'ajustement structurel pré-point de
décision, voire grâce à l'application du DSRP dans la phase
intérimaire. Les montants alloués au titre de la FRPC sont
pourtant insuffisants dans de nombreux cas, où le stock et le service de
cette dette sont trop élevés. Mais «la principale raison
avancée est l'absence de seuils empiriques permettant d'évaluer
le niveau approprié de la dett e intérieure ». Il faudrait
donc juger au cas par cas. Pourtant, le FMI a non seulement suivi
l'évolution ces économies pendant la mise en oeuvre des PAS, mais
il les suit encore aujourd'hui dans la mise en oeuvre des DSRP. Il dispose de
fait, et depuis longtemps, de données assez fiables pour définir
un tel seuil.
Deuxièmement, s'il est globalement impossible de
déterminer un seul critère d'endettement soutenable, il existe un
certain consensus sur quelques points. L'on sait par exemple que le ration VAN
de la dette (ou son service)/exportations est un bon indicateur du degré
d'endettement extérieur, ou que le ratio VAN de la dette (ou son
service)/ recettes publiques est utile pour juger d'un endettement
budgétaire supportable. Mais si le but est de définir un
indicateur global d'endettement tolérable, alors le ratio VAN de la
dette (ou son service)/richesse du pays (PIB, PNB, RIB ou RNB14) est
très utile. Birdsall et Williamson [2002] ont effectivement
estimé que cet indicateur a en plus l'avantage d'être moins
instable que le critère d'ouverture, et plus disponible que le
critère budgétaire. Pourtant, il reste trop négligé
par l'initiative15. Il serait donc utile de mieux considérer
le critère global dans l'admissibilité des pays au
bénéfice de l'allègement, connaissant les limites du
critère d'ouverture dans le cas des PPTE africains (cf. chapitre 1) et
celles du critère budgétaire (avec la non prise en compte de la
dette domestique).
En outre, Berr et Combarnous [2006] ont proposé un
indicateur de soutenabilité de la dette, qui prend donc en compte les
intérêts du débiteur. «La démarche se justifie
pleinement si l'on garde à l'esprit les causes (...) qui ont mené
à l'éclatement de la crise en 1982 »16 (cf.
14 Produit intérieur brut, Produit national brut,
Revenu intérieur brut ou Revenu national brut. La différence
entre les termes « intérieur» et « national » tient
au fait que le revenu ou le produit national incluent les revenus nets
provenant de l'étranger.
15 Tiré de CNUCED, 2004, op. cit., p. 48.
16 Berr E. et Combarnous F., 2006, op. cit., p. 4.
![](defi-desendettement-soutenable-afrique-subsaharienne-au-dela-ppte69.png)
![](defi-desendettement-soutenable-afrique-subsaharienne-au-dela-ppte70.png)
chapitre 1). Pour les auteurs, un «bon» indicateur
d'endettement doit posséder cinq grands attributs.
Il doit d'abord être le plus obj ectif possible, sans
refléter l'opinion de celui qui le définit. Il doit ensuite
mesurer des «résultats », et non des
«potentialités ». Il doit en troisième lieu être
divisible, c'est-à-dire permettre la «distribution des
résultats obtenus ». D'autre part, il est nécessaire qu'il
soit « simple à construire et facile à comprendre
»17.
Enfin, il doit pouvoir donner lieu à des comparaisons
internationales. Sachant cela, un indicateur pertinent aura quatre grandes
fonctions. Il servira alors à mesurer un niveau de «performance
» pour offrir une information permettant d'alimenter cette performance (la
maintenir ou l'améliorer). Il aura ensuite pour fonction de
déceler les failles afin, encore une fois, d'améliorer le niveau
de «performance» du phénomène étudié.
Enfin, il permettra de mesurer les progrès et d'en établir la
suite, « aussi bien dans l'espace que dans le temps ».
Les indicateurs tenant à l'éligibilité
d'un pays à l'allègement au titre de l'IPPTE tendent à
refléter en priorité la capacité du débiteur
à faire face à ses obligations envers les créanciers (qui
les ont définis). Ils peuvent demeurer, mais seulement si des
manomètres sont construits en face.
Ceux-ci peuvent être de deux ordres. Les premiers,
servant à mesurer le poids du flux du service de la dette sur les
populations des pays débiteurs, peuvent être calculés sur
la base du montant annuel du service de la dette par habitant (le SDHA,
rapportant le service de la dette en dollars courants à la population).
Les seconds, dont l'objectif serait de savoir dans quelle mesure le
remboursement du service nuit à d'autres dépenses favorables au
développement, pourront être mesurés par trois ratios. Le
premier rapporterait alors le service annuel de la dette au montant annuel
d'investissement (SDIK), le second, aux dépenses publiques de
santé (SDPSA), et le troisième, aux dépenses publiques
d'éducation (SDPED). Les auteurs ont préféré le
service, en tant que flux, au stock car «ni les stocks constitués
par l'accumulation de la dette, ni d'ailleurs les flux d'endettement n'ont en
définitive d'influence clairement établie respectivement sur le
développement ou sur la charge subie au jour le jour par un pays. Seul
le service de la dette constitue une charge financière effective,
captant une partie des fonds disponibles et se substituant à d'autres
utilisations potentielles »18.
17 Id., p. 6.
18 Id., p. 7.
Dès lors, un véritable critère de
soutenabilité de la dette peut émerger. Il chiffrera le
problème de la capacité des pays à assurer leurs
engagements de débiteurs (ratio service de la dette/exportations,
noté SDEX) certes, mais aussi le «poids social» de la dette
sur les populations (SDHA) et la substituabilité du remboursement de la
dette au développement, économique comme humain (noté SDDT
et réunissant le SDIK et le SDPDH, formé du SDPSA et du
SDPED).
Les résultats donnés par ces indicateurs, mais
aussi par d'autres études, montrent que les PPTE admis à
l'initiative ne sont d'une part pas les plus endettés et d'autre part
pas assez nombreux.
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