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Le défi du désendettement soutenable en Afrique Subsaharienne: Au-delà de l'Initiative PPTE.

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par Claire Barraud
Université Pierre Mendès France, Grenoble II - M2 recherche Politiques économiques et sociales 2006
  

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2 La solvabilité et la soutenabilité de la dette : deux approches conceptuelles différentes...

En 1989, le plan Brady, en énonçant que la dette des PED ne devait plus être honorée à sa valeur faciale (nominale), reconnaît qu'il ne s'agit pas d'une crise de liquidité mais bien de solvabilité. En demandant aux créanciers de faire un efforts (s'ils voulaient voir leurs chances d'être remboursés s'accroîtrent), il reconnaît également implicitement que ces derniers sont impliqués dans la mauvaise gestion de l'endettement. Alors aujourd'hui, compte tenu des erreurs importantes déjà commises, il est largement possible de considérer que l'IPPTE se fourvoie en ne faisant que rendre la dette solvable et non soutenable.

Car les deux concepts ne relèvent pas de la même logique. Pour E. Berr et F. Combarnous [2006] en effet, « la solvabilité représente le fait, pour un débiteur, d'avoir les moyens de payer ses créanciers» et «fonde la vision des pays riches, des IFI et des économistes orthodoxes ». La soutenabilité, elle, «implique de prendre en compte [l'impact de la dette] sur le bien-être des populations (...) donc d'avoir une approche plus équilibrée considérant également les intérêts des débiteurs »8. L'initiative PPTE, censée favoriser la réalisation des OMD, s'inscrit pourtant dans l'approche de la solvabilité. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles, elle n'est elle-même pas soutenable. Car elle semble seulement vouloir «créer les conditions d'un remboursement maximal »9. L'approche par la solvabilité est appréhendée par les IFI à travers la courbe de Laffer de la dette. Et selon Laffer, tout comme selon Krugman, les créanciers peuvent avoir tout intérêt à accorder des allègements de dette s'ils veulent en voir une partie au moins honorée. Car, succinctement, la courbe de Laffer explique que le débiteur ne

8 Berr E. et Combarnous F., 2006, in « Une autre lecture de la soutenabilité de la dette », p. 1 et 2.

9 Id.

rembourse pas sa dette seulement parce qu'il le peut, mais aussi parce qu'il le veut. Or, ces questions de possibilité et de volonté s'apprécient conjointement lorsque la dett e atteint un niveau tel que la probabilité de défaut s'accroît (voir graphique 9 en annexe p.173). Par conséquent, le créancier, qui procède à une anticipation de la valeur des remboursements, a intérêt à concéder une réduction lorsqu'il constate que cette valeur atteint un seuil jugé critique. Cette approche était déjà en vigueur dans la période des PAS. Et de manière générale, pour les PED sous ajustement, la dette «n'a cessé de croître, passant de 715 à 2600 milliards de dollars entre 1982 et 2004 »10. Les auteurs proposent donc «une autre lecture de la soutenabilité de la dette» pour permettre un remboursement sans appauvrissement.

La CNUCED [2004], critique elle aussi les méthodes adoptées pour juger de la soutenabilité d'une dette. Pour elle en effet, les deux critères, d'ouverture et budgétaire, sont trop réducteurs, et parfois même inappropriés. Le ratio VAN de la dette/exportations a été conçu à l'origine pour les pays émergents d'Amérique Latine au moment de la crise de la dette (1982). Or, les conjonctures et les structures sont très différentes de celles des PPTE africains. Si les économies latinoaméricaines pouvaient alors exporter davantage grâce aux dévaluations pour rembourser une dette due en priorité à des banques commerciales, cet avantage est inapplicable dans le cas des PPTE africains.

De fortes dévaluations ne serviraient pas à rembourser une dette contractée en priorité à des créanciers publics (à l'exception de la Côted'Ivoire et du Mozambique, et quelques autres pays) pour deux raisons. D'une part parce que ces pays sont dépendants des aides publiques au développement (APD) et des importations, et d'autre part parce que la manoeuvre serait malvenue étant donné les réalités de la demande mondiale vis-à-vis des produits de base.

Le ratio VAN de la dette/recettes publiques a, quant à lui, été fixé à un niveau si bas qu'un seul pays peut y recourir (la Côte-d'Ivoire). «Mais [il] a été assorti de critères subsidiaires non justifiés sur le plan pratique qui excluent de nombreux autres PPTE »11. De plus, les ratios inférieurs à ces seuils ont bien souvent une explication structurelle, par conséquent non soluble à court terme. Or, comme les économies doivent suivre « avec succès » un programme de réformes sous l'égide des IFI pendant trois ans, «il est difficile d'affirmer qu'en l'absence de ces

10Id,p.3.

11Martin, 2002, tiré de CNUCED, 2004, in « Le développement économique en Afrique », op. cit. p. 39.

seuils l'initiative PPTE récompenserait les pays menant des politiques économiques peu rigoureuses »12.

Ainsi, il s'agit de compléter les critères des IFI pour remédier à l'exclusion parfois illégitime de certains pays pauvres.

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