III - LES RÉSULTATS
Nous avons essayé de proposer une théorie pour
rendre compte de certains aspects de la conformité sociale et nous avons
émis l'idée que la disposition ou l'orientation d'un membre de
groupe est cruciale pour déterminer la mesure dans laquelle il s'y
soumettra. Lorsque la disposition d'un membre de groupe vise à maintenir
ou à établir son appartenance à ce groupe, il
réagira à des quantités croissantes de pression à
la conformité par des niveaux croissants de comportements conformistes.
Lorsque la disposition d'un membre d'un groupe est essentiellement cognitive ou
centrée sur la tâche, les perceptions et les attitudes dont font
état les autres membres du groupe confirment ou infirment ses propres
jugements. Etant donné que le membre du groupe est dans une certaine
mesure commis à un jugement initial, et qu'il rend publique le niveau de
confiance qu'il attache à ce jugement, on démontre qu'un
accroissement de l'infirmation de son jugement (pression à la
conformité) entraîne un comportement conformiste
décroissant.
Hypothèse 1
Lorsque la quantité de pression à la
conformité augmente, la proportion des membres du groupe qui changeront
leur jugement vers la conformité augmentera dans la disposition
centrée sur le groupe et diminuera dans la disposition centrée
sur la tâche. L'hypothèse est confirmée.
Hypothèse 1 a
Lorsque la disposition psychologique et la composition du
groupe concordent, la liaison définie dans la première
hypothèse devrait être maximale : la plus grande liaison positive
entre pression et conformité devrait se produire dans les groupes de
"camarades" avec la disposition centrée sur le groupe, et la plus grande
liaison négative dans les groupes d'étrangers avec la disposition
centrée sur le groupe. L'hypothèse est confirmée.
Hypothèse 2
Pour les membres des groupes non conformistes, il devrait y
avoir une corrélation positive entre pression à la
conformité et changements de confiance publique, quand ils sont dans une
disposition centrée sur la tâche et non dans une disposition
centrée sur le groupe. L'hypothèse a été
confirmée.
Hypothèse 3
Dans la disposition centrée sur la tâche et non
dans la disposition centrée sur le groupe, la confiance publique des
membres du groupe conformiste décroîtra antérieurement et
concurremment à l'acte de conformité. L'hypothèse est
confirmée.
COMMENTAIRE
De nombreuses études réalisées sur les
groupes restreints (Asch, Sherif, Milgram, etc. ) ont tendance à
considérer que les individus vont plus ou moins réagir en
normalisant leurs comportements face à une pression conformiste du
groupe. L'étude de Thibaut J. & Strickland L. a un
apport essentiel car elle montre que la disposition de l'individu
(centrée sur la tâche ou sur le groupe) est un déterminant
important de la réceptivité de l'individu à la pression.
Une disposition centrée sur le groupe
"prédispose" au conformisme en réponse à la pression alors
qu'une disposition centrée sur la tâche prédispose à
une résistance proportionnelle à la pression du groupe. La
tendance au conformisme des groupes va dépendre de ce que l'individu
"vient" chercher dans le groupe.
Les apports de cette étude dans le cadre de notre
problème à résoudre sont de 3 ordres :
- premièrement elle décrit les
mécanismes par lesquels la pression sociale influence l'individu
(affinités au sein du groupe, la cohésion du groupe) ainsi que
leurs manifestations (comportements verbaux et non verbaux) et leurs effets
(normalisation ou résistance),
- deuxièmement, elle place la disposition initiale de
l'individu vis-à-vis du groupe (centrée sur le groupe ou la
tâche) comme une variable essentielle. C'est ce que l'individu vient
chercher dans le groupe qui va déterminer son attitude vis-à-vis
de la pression exercée,
- troisièmement, lorsque l'individu a une disposition
centrée sur le groupe, la pression exercée sur lui par le groupe
et "invalidant" son hypothése initiale ne le "concerne" pratiquement
pas. En cherchant à maintenir son appartenance au groupe il laisse de
coté son hypothèse initiale et ne manifeste pas de comportement
de résistance à la pression exercée.
En ce qui concerne la méthodologie utilisée nous
pouvons remarquer que cette recherche s'applique à des groupes
isolés de façon artificielle de leur environnement pour des
raisons méthodologiques (contrôle des variables qui
interviennent). De plus les relations entre membres du groupe prennent le canal
de petits bouts de papier ce qui limite les interactions et le
développement de relations interindividuels. Il s'agit à mon avis
de la limite la plus importante car dans ce type d'expérience le groupe
est un système clos et non un système ouvert sur son
environnement. De plus, il s'agit d'une expérience "statique" qui ne
prend pas en compte l'évolution de la disposition pouvant
résulter du développement des interactions (les sujets sont
isolés), ni les processus de négociation et de leadership qui
caractérisent les petit groupes (ici 6 personnes).
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