1.4.3 Processus d'écriture et de lecture
Dans le cheminement du scripteur/lecteur,
l'apprentissage de l'écriture et de la
lecture est aussi un processus (Hayes & Flower, 1986; Tardif,
1992/1997; Charolles &
al., 1989; MEQ, 1995) qui, au sens général,
consiste en une suite d'opérations se succédant en fonction
d'un but (Legendre, 1993). Celui-ci est généralement vu en
trois
étapes, soit la planification, la réalisation et
l'évaluation de la tâche globale, en écriture (Hayes &
Flower, 1986) et l'avant, le pendant et l'après (Giasson, 1990) en
lecture. Tel que nous allons présenter au chapitre du cadre conceptuel,
il nous serait alors possible d'établir que cette façon de
procéder en écriture et en lecture permettrait l'application des
pratiques et techniques de planification et de contrôle de projet. Ce
sont, dans ce domaine, la définition de l'objectif à
atteindre, le fractionnement des tâches, l'ordonnancement des
tâches, la gestion des ressources temporelles, matérielles
et humaines (Genest & Nguyên, 1990).
Nous chercherons à vérifier, dans notre
analyse de données, l'efficacité de l'application des
pratiques et techniques de planification et de contrôle de projet telles
des outils méthodologiques à portée métacognitive.
Le cas échéant, cette application devrait déclencher une
prise de conscience du scripteur/lecteur, d'abord au niveau des objectifs
à atteindre, puis des ressources, et ensuite des buts
d'évaluation et ainsi de suite. Cette chaîne de prises de
conscience implique une autre prise de conscience importante, celle
portée sur sa propre façon d'apprendre, grâce
à une réflexion par rapport à la manière
d'apprendre. La prise de conscience est le passage du
« comprendre » à « apprendre ». Il
ne suffit pas de faire et de savoir, mais « savoir comment on
fait pour savoir et comment on fait pour faire (Doly, dans Grangeat, 1997,
p. 19) ».
De telles notions appliquées aux processus
d'écriture et de lecture, dans nos classes, nous faisaient voir
que, tout comme le gestionnaire de projet dans la réalisation
de son projet, le scripteur/lecteur apprendrait
probablement à se fixer des objectifs atteignables et
réalisables puis à se frayer un chemin pour y arriver, et ce, au
moyen d'un éventail de stratégies qui seront sans cesse mises
à l'épreuve à travers un processus de régulation.
En général, les jeunes ont le désir de
réussir leur cours de français. L'objectif à
atteindre était ainsi composé de trois sous-objectifs
concernant les trois volets du programme d'études, soient
l'écriture, la lecture et l'oral (ce volet n'est pas l'objet
d'étude de la présente recherche).
Selon l'approche cognitiviste, la motivation du
scripteur/lecteur est construite tout au long de sa scolarisation, tout
comme ses connaissances. Il s'agit aussi de le rendre responsable
de ce travail, à la fois inconscient et conscient, sur
lequel, l'enseignant n'a pas d'emprise directe. Pour un apprenant
motivé, apprendre, c'est se fixer un but et trouver les moyens pour y
arriver3. C'est la mise en projet dont parlent Anxiaux &
Boulengier (1996). Le processus d'écriture et de lecture
étant interne au scripteur/lecteur, la gestion mentale des
tâches, de l'ordre de l'évocation d'images mentales visuelles
ou auditives (De La Garanderie, 1974) n'est réellement efficace que si
elles sont sous-tendues par un projet. Cela est possible par «
l'anticipation de l'objectif à atteindre et de chacun des gestes
de la démarche mentale spécifique qui permettra
3 Nous rappelons que ce qui nous intéresse
dans la présente recherche, c'est le lien entre l'utilisation des
outils
en gestion de projet et le développement du processus
d'autonomisation. La notion de la motivation est donc en
arrière-plan.
d'atteindre cet objectif (Anxiaux & Boulengier, 1996, p. 49)
». La définition de l'objectif
ou du but faisant partie de la planification, le
scripteur/lecteur déploierait ses connaissances cognitives et
métacognitives pour amorcer la réalisation de son
propre
pro-jet (le jet qui se jette en avant), une projection
dans l'avenir. Puisqu'il y a projection dans l'avenir qu'il y ait anticipation
de la réussite ainsi que des moyens d'y arriver; c'est-
à-dire que le scripteur/lecteur saurait, dans une
situation-problème donnée, identifier les procédures
à suivre, les compétences à mobiliser et tout ce
qui pousse à une action appropriée pour répondre aux
exigences de la tâche, selon sa valeur.
Par exemple, appliqué aux processus
d'écriture et de lecture, le fractionnement des tâches,
une des techniques de base en planification et contrôle
de projet contribuerait à briser les tâches complexes telles la
composition (le cas de l'écriture), la compréhension d'un texte
(le cas de la lecture) en étapes successives. Cette technique, qui
rejoint le programme du MEQ de 1995 (pp. 19, 39, 63, 75) et
représentée à la figure
8, faciliterait ainsi la contrôlabilité de ces
tâches globales (écrire et lire des textes variés) dans
leur processus même. En gestion de projet, chaque unité de
travail ainsi décomposée est en soi un élément de
contrôle. Vu de l'angle de la gestion de projet, la décomposition
des tâches en écriture et en lecture mettait
également en lumière les exigences de la tâche
globale et sa valeur telles des chaînons nécessaires
à la réussite finale (MEQ, 1995).
En vue d'une éventuelle réussite, les
tâches ainsi fractionnées doivent être
coordonnées, orchestrées. Les pratiques et techniques en
gestion de projet offrent également au scripteur/lecteur une
meilleure connaissance des ressources mises à sa disposition,
dont le temps. Une meilleure utilisation du temps alloué ou
du matériel scolaire, par exemple, amènerait le
scripteur/lecteur à adopter des conduites cognitives efficaces telles
que se jeter à la tâche avec anticipation, gérer
la tâche de façon méthodique, savoir se faire aider,
savoir formuler verbalement ce qui fait obstacle, etc. Afin d'amener le
scripteur/lecteur à réfléchir sur sa propre
démarche en écriture et en lecture, l'adaptation d'outils de
contrôle tels le diagramme de Gantt4 (qui sera
présenté
au chapitre porté sur la méthodologie,
à la figure 10) faciliterait une démarche
métacognitive afin de rendre le jeune capable
d'anticiper les moyens à déployer et les actions à
entreprendre, vers une meilleure réussite. Nous allons
vérifier, dans le chapitre portant sur l'analyse des
données, si le scripteur/lecteur, tout comme un gestionnaire de
projet, est capable de mobiliser les ressources disponibles afin de
réussir,
et ce, dans un cheminement où la régulation est le
mécanisme de contrôle privilégié de
ses actions tout au long du processus. La clé de la
réussite consisterait surtout en la capacité de planifier et de
contrôler le processus d'autonomisation de l'apprentissage.
Selon nous, poussé par la volonté
d'atteindre le but fixé, le scripteur/lecteur autonome deviendrait
un être performant (Morin & Brief, 1995), « qui autorise le Moi
à épouser les contours du monde devenu une réalité
construite par étapes (p. 104) ». La distanciation entre le Moi et
la réalité, selon ces mêmes auteurs, favorise
l'autonomie,
4 Représentation graphique de l'utilisation
des ressources et de l'avancement du projet
plus précisément vue « comme le
résultat d'un processus d'autonomisation qui se déclenche
invariablement lorsqu'une personne est placée dans une situation
nouvelle (Morin & Brief, 1995) ». Selon ces mêmes auteurs, ce
processus se manifeste sous trois aspects : fonctionnel, cognitif et social.
Il concerne l'être conscient dans son développement affectif,
social et intellectuel à travers diverses activités.
L'apprenant actif est un être conscient de ses actes et est motivé
dans son entreprise. Toujours selon Morin & Brief (1995), «
l'investissement continuel dans l'activité permet à l'enfant de
préparer un univers structuré. Il est alors capable de s'y
situer et, éventuellement de se prendre en charge, et cela sera source
de valorisation (p. 117) ».
Le scripteur/lecteur ainsi initié aux pratiques et
techniques en planification et contrôle de projet développerait
nécessairement son autonomie pour ainsi être capable
de s'engager, de participer et de résister aux
difficultés de la tâche d'apprentissage; en un mot, être
motivé à l'école selon Tardif (1992/1997). De cette
façon, un circuit communiquant serait établi entre la
métacognition et l'autonomisation grâce au
développement des stratégies dans la mobilisation de ses propres
ressources internes et externes.
|