4.2.3 L'autorealisation
Au stade de l'autorealisation, nous cherchons
à verifier les capacites des
scripteurs/lecteurs de tenir compte de leurs experiences
personnelles, de verifier la pertinence de leurs actions sur les
objets et les personnes, de se fixer un objectif à atteindre,
d'utiliser des ressources personnelles et de tenir compte des autres
pour echanger (Morin et Brief, 1995).
Le scripteur/lecteur E2, de la première secondaire, et les
deux scripteurs/lecteurs
de la deuxième secondaire se trouvent à ce
stade. Le scripteur/lecteur E2 sait tenir compte de ses experiences
personnelles, se fixe des objectifs et se fraye un chemin pour
les atteindre. Non seulement il est capable de reguler ses
actions (prise de conscience quant à l'exploitation du dictionnaire
par exemple), mais il est aussi capable de s'autoreguler :
« (...) Je vris dire que j=étris
pour les rtteindre... Ben, drns le fond, il y en rvrit une
prrtie des fois qui disrit oui, je vris les
rtteindre, des fois je disris, oh non je ne les rtteindrri prs ...
Puis rprès çr, je me suis dit, je vris les rtteindre, frit que
ben je l=ri frit,
ben rprès çr, je les ri rtteints.
».
L'evolution du Moi est nettement marquee chez ce
scripteur/lecteur. Dès les premières reponses, le « je
» très affirmatif est utilise afin de decrire ses actions.
Le scripteur/lecteur E3 est un cas bien particulier
parmi les quatre. Après l'analyse de la metacognition, nous avons
remarque la forte presence de l'affect chez ce dernier. Cependant, nous
observons que le travail d'entraînement a reussi à le doter de
beaucoup de connaissances cognitives qui lui donnent sûrement un
pouvoir d'action. D'ailleurs, les nombreuses experiences cognitives evoquees
en sont temoins. Malgre l'utilisation nombreuse du pronom neutre «
on » ou le « nous » plus affirmatif, le pronom « je
» de plus en plus utilise vers la fin de l'entrevue reflète
l'evolution d'un Moi qui s'intègre de plus en plus dans cet
univers de l'ecriture et de la lecture. Un large eventail de
connaissances cognitives et metacognitives, probablement grâce aux
deux ans d'entraînement qu'il a eus avec l'enseignante, le
franchit de la phase de l'autointegration malgre ce poids
d'affectivite qui influe fortement ses actions (il utilise
le dictionnaire Le Petit Robert parce que : «
le Petit Robert... M. elle l'rime ld ! »). Ce sont ces
connaissances qui viennent compenser sa quasi « dependance »
envers l'aide de l'enseignante. Il sait très bien quoi faire en son
absence et a pu goûter au succès qui soutient ses efforts dans ses
travaux. Ses propres evocations demontrent qu'il est rendu
au stade de l'autorealisation. Comme le scripteur/lecteur E2, il
est capable d'utiliser ses propres experiences vecues ainsi que les ressources
mises à sa disposition pour reguler
ses actions. Cependant, à cause de sa forte affectivite,
l'aide qu'il utilise n'est pas tout à fait interiorisee. Il est
conscient des ressources autour de lui et sait très bien comment
les utiliser, mais ces ressources restent encore plus
« exterieures » à lui que chez les scripteurs/lecteurs
E2 ou E4 comme en temoigne l'affectivite dejà mentionnee
à propos de l'aide que lui apportait l'enseignante. Toutefois, ces
ressources commencent à devenir « personnelles », puisque ses
evocations demontrent un certain taux d'existence
au stade de l'autonomie integrale comme le fait qu'il esquisse
dejà une telle planification operatoire du temps: «...Je
disris, rdmettons, mrrdi, je fris çr, puis mercredi je fris çr...
pis çr r bien été » ou qu'il sait utiliser des
indices pour anticiper le resultat : « qu'est ce qu'elle nous r rppris
durrnt toute l'rnnée comme... si je vois que je suis crprble de lire
mes... question... Je sris que
je vris rvoir une meilleure note ld... ». Il est
habile à varier les moyens qu'il connaît afin de reussir dans des
situations connues, mais probablement que le processus d'autonomisation ne
serait pas si facilement amene à un niveau plus avance, soit
l'autonomie integrale. Ce scripteur/lecteur aurait besoin d'un temps
d'entraînement plus long que les autres afin d'arriver au
même point. Il y a eu peu de prises de conscience chez lui, sa
conscience se construit de façon plus empirique (trace au niveau
de l'enonciation) qu'analytique ou conceptuelle.
En revanche, le scripteur/lecteur E4 a specialement eu des prises
de conscience importantes concernant le travail de mediation de l'enseignante
:
« J'ri rppris mieux B lr comprendre... Au
secondrire 1, j' ... j'étris trnné ... de ... euh... prs de
elle...mris j'étris trnné de sr frçon d'enseigner prrce
que ... en sixième rnnée, on rllrit voir le prof, il nous
expliqurit lr question, pis elle, elle nous frisrit plus débrouiller prr
nous rutres mêmes...Au début, j'rvris de lr misère rvec
çr...Pis, j'rvris de lr misère
d rpprendre, prrce que je me concentrris plus d chirler...
Drns mr tête...»
Cette prise de conscience majeure l'a transforme, il devient
autoregule par la suite, voici ce qu'il declare :
« Frit que... ld, ru secondrire 2, j'ri rppris... je
srvris qu'est-ce qu'elle étrit pour dire si j'rllris lr voir puis je me
débrouillris puis j'ri réussi, c'est un bon truc pour les
rnnées prochrines. »
Pour nous, l'utilisation du pronom « je » est ici un
elargissement du Moi dans cet environnement de l'ecriture et de la lecture.
Celui-ci a sûrement fait un bon chemin quant à la distanciation
et à l'emancipation. Il commence bien à se detacher de
l'emprise de l'enseignante tout en confirmant que l'ecoute en classe
reste parmi les outils les plus utiles à sa reussite. Il voit bien le
but vers lequel il travaille ainsi que les moyens pour y arriver. Les moyens
sont de plus en plus devenus « les siens » car ils sont de plus en
plus interiorises. C'est son ecoute, donc lui-même, l'outil le plus
utile dorenavant.
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