2.5.4 Le processus d'autonomisation et la
différenciation
L'on ne peut parler d'autonomisation sans parler de
singularité. C'est la raison
pour laquelle la pédagogie différenciée
ne peut être détournée dans un tel contexte. Elle
représente le but même des dispositifs pédagogiques
mis en place dans un cadre d'enseignement-apprentissage qui permet
à l'enseignante d'être en relation d'aide, à
côté
du scripteur/lecteur actif qui cherche à se frayer un
chemin vers la réussite. C'est ainsi que nous avons visé
à doter les scripteurs/lecteurs de certains outils afin de les amener
à développer l'autonomisation. Le concept de la pédagogie
différenciée a pour assise la logique de régulation et non
de contrôle. Cette démarche est fondée sur le principe
que
les enfants d'un même âge et d'un
même groupe se diffèrent de par leurs
intérêts, aptitudes et capacités. La différence
entre les scripteurs/lecteurs serait davantage accentuée avec une
démarche pédagogique axée sur le processus
d'autonomisation.
Selon nous, l'autonomisation permettrait au scripteur/lecteur de
bien fonctionner
et de progresser dans un groupe-classe
hétérogène. C'est ce que propose la pédagogie
différenciée (MEQ, 2003/2004) qui s'attache à
mettre en oeuvre des modalités
favorisant une pédagogie axée sur l'autonomisation
qui, selon Morin & Brief (1995), est essentiellement mobile et dynamique.
Selon ces auteurs :
Elle se modifie sans cesse au contact de la
nouveauté et prend des orientations suivant les observations
nouvelles, les expériences accumulées
et les situations variées auxquelles fait face chaque
élève. L'agencement des stratégies et des méthodes
pédagogiques conçu pour rendre opérationnel le
développement de l'autonomie est plus orienté vers des
étapes du vécu expérientiel à travers
l'exploration, les découvertes et, évidemment,
l'apprentissage corporalisé (p. 199).
L'autonomisation de l'apprentissage dépend des
caractéristiques personnelles du scripteur/lecteur. Il
s'agit donc de centrer la pédagogie sur les besoins
du scripteur/lecteur et non sur l'enseignement et sur les programmes. Dans
l'optique de cette pédagogie, le MEQ (2003/2004) a précisé
qu' « il est important de répondre aux besoins et aux
intérêts particuliers de chacun (p. 4)». D'après
les trois critères de réussite établis selon trois
postures différentes (attitudes/compétences, savoir-faire puis
connaissances), le scripteur/lecteur, qui est capable d'établir
une distance entre les connaissances stabilisées, les situations
(qui ont conduit à leur acquisition) et les occasions (qui vont
nécessiter leur mise en oeuvre), serait capable d'utiliser son
intelligence en l'absence du maître, en puisant dans les
ressources (l'utilité des techniques de gestion des ressources
en planification et contrôle de projet pendant notre recherche) et
remédiations disponibles. Il serait ensuite capable de se
détacher du vécu grâce à la régulation,
d'établir ses propres normes, de s'émanciper de ses propres
inclinations spontanées, de ses dispositions irréfléchies.
Le parallèle est ici facilement établi avec le pilotage
d'un projet selon Amghar (2001), lequel met en évidence les
gestes tels « saisir l'avancement du projet, analyser la situation
par rapport à la
planification initiale, proposer des solutions, officialiser une
solution et mettre en oeuvre
la solution choisie (p. 31) ». Ce serait dans ces
conditions que la différenciation serait possible afin d'assurer
une « réussite pour tous » tel qu'a
mentionné le MEQ (2003/2004).
Grangeat (1997), à la suite des réflexions
précitées, remarque que « la réussite des
apprentissages scolaires, c'est toujours améliorer l'autonomisation
» (p. 97). Non seulement elle est la première condition de
l'applicabilité d'une pédagogie différenciée, que
ce soit selon le contenu, les situations d'apprentissage, les
méthodes, etc., ou encore selon le mode successif, alternatif ou
simultané, mais aussi, la pédagogie
différenciée en est même l'aboutissement. Commence donc un
processus en circuit tel l'autonomisation qui permet la différenciation
pédagogique dont la prise en compte des différences entre les
scripteurs/lecteurs pousse à l'autonomisation, et ainsi de suite.
Avant de vérifier l'utilité des outils en gestion de
projet dans le contexte de la différenciation, il nous fallait
nous demander s'il était possible de les considérer comme des
outils ou dispotifs pédagogiques.
C'est Meirieu (1997) qui a tracé les esquisses
d'une pédagogie nouvelle en redéfinissant le pivot central que
constitue l'apprentissage (Perraudeau, 1994/1997). Il expose une
méthodologie de la différenciation où la clé de
voûte est l'évaluation selon trois types : l'évaluation
prédictive qui précède l'apprentissage,
l'évaluation formative qui régule la différenciation
en cours et l'évaluation sommative qui intervient en fin
d'apprentissage. Le deuxième élément clé de
cette pratique de différenciation est la
méthode pédagogique, définie comme
« mode de gestion, dans un cadre donné, des relations entre
le formateur, les apprenants et le savoir ». C'est une démarche
qui prend
en compte la variété des outils
d'apprentissage et la cohérence des situations
d'apprentissage, des supports matériels tels les manuels,
l'informatique, le rôle des images, etc., aux modes d'expression tels
la voix, le regard, le silence, le non-verbal, etc.
Il s'agit là d'une différenciation successive.
C'est de cette différenciation dont il sera question
dans l'utilisation des outils de régulation métacognitive
inspirés de la gestion de projet. L'apprentissage conduit en
pédagogie différenciée, à la Meirieu, se
structure selon quatre séquences dont la découverte,
l'intégration, l'évaluation et la remédiation. Nous
insistons ici sur le caractère métacognitif de
l'évaluation où il s'agit de vérifier
l'adéquation entre procédures suivies et l'objectif atteint
(principe majeur en contrôle de projet), après deux
séquences de différenciation, de façon successive puis
simultanée.
L'apprentissage du processus d'écriture et de lecture
mené de cette façon, dans notre recherche, est «
piloté », selon Amghar (2001), dans le cadre de la planification et
contrôle de projet. Grâce à l'accent mis sur la
variété d'outils et de situations d'apprentissage,
l'application des techniques et pratiques en gestion de projet permet la
différenciation pédagogique où ont eu lieu
l'évaluation diagnostique à caractère formatif
et la métacognition. C'est ce que nous cherchons à
vérifier au chapitre suivant.
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