1.2 ENTRE LA LIBERTÉ ET LA RÉUSSITE : L'
AUTONOMISATION
Selon Barbot & Camatarri (1999) :
L'expérience de l'apprentissage consiste, en
réalité, en une osmose continue entre ce qui est dehors et ce qui
est à l'intérieur du sujet-apprenant, mais en tenant compte de
ce que la dimension intérieure est celle qui décide du
succès du processus d'apprentissage, puisque c'est l'intérieur,
la subjectivité qui décide, de façon autonome,
quelle significiation attribuer aux sollicitations externes (p. 51).
Cette subjectivité dont parlent ces auteurs est
interpellée par les attraits d'une liberté, non seulement
valorisée mais éduquée, chez les jeunes qui ne
sont pas encore capables de
faire la distinction entre liberté et autonomie. Ils
aspirent à la liberté, mais ne connaissent pas
le chemin qui y mène : celui de l'autonomisation
qui fait de l'école, selon le MEQ (2003/2004), « une
communauté où la quête d'autonomie et l'identification
à des groupes de référence doivent faire l'apprentissage
de la solidarité. » Par leur apprentissage, les jeunes y
développeront la capacité d'exprimer leurs opinions, de faire
des choix en les justifiant et en
en évaluant les conséquences (p. 3) ».
Pour les fins de la présente recherche, le concept de
l'autonomisation est, ici, considéré sous l'optique de Morin
& Brief (1995), selon laquelle :
L'autonomie se construit étape par étape :
une personne ne devient pas autonome du jour au lendemain. (...)
L'autonomie n'est pas donc pas une étape globale ou globalisante dans le
développement intellectuel et social de l'individu mais un
processus continu de prise en charge [ajout personnel des
italiques] au sein du milieu qui l'anime (...). Il est vain de croire en un
état autonome qui, au sein d'une maîtrise cognitive
arrêtée, soumettrait toute donnée à ses
volontés (p. 197).
Ce « processus continu » ainsi mentionné
n'est autre que le processus d'autonomisation (Morin &
Brief, 1995) des scripteurs/lecteurs qui sera ici présenté selon
la logique de cheminement individuel. L'autonomie, selon Morin & Brief
(1995), évolue sous trois formes : fonctionnelle, cognitive et
affective. Comme cette évolution est un processus
au sens socio-constructiviste (un processus de construction du
savoir par le scripteur/lecteur
en interaction avec son environnement), l'accent est surtout
mis, dans notre recherche, sur la notion de processus présentée
communément dans les tâches d'apprentissage en
écriture/lecture et dans la planification et contrôle en gestion
de projet.
Tout au long de son apprentissage, le processus d'autonomisation
des scripteurs/lecteurs se développera selon la logique de la
régulation et non du contrôle externe
tel le système coercitif scolaire. Cette logique
régulatrice fait appel à la conscience de ces derniers
(des connaissances portant sur leur façon d'apprendre). L'accent
y est mis sur la nécessité pour les scripteurs/lecteurs de
réfléchir et de savoir comment mener leurs activités.
L'arrivée des ordinateurs comme outils d'aide à
l'apprentissage met davantage en valeur la vision de l'approche
systémique de Richterich (1985, dans Barbot & Camatarri, 1999, p.
24)
qui place le sujet-apprenant au centre des opérations de
l'apprentissage tel que présenté par
Barbot & Camatarri (1999) à la figure 2 ci-dessous.
Besoins - Objectifs
INSTITUTION
Programme
APPRENANT
Évaluation
Ressources
Figure 2. La systémique de
l'apprentissage (Barbot & Camatarri, 1999)
Selon ces auteurs, « l'apprenant effectue un cheminement
entre les quatre opérations : la définition d'objectifs, la
sélection des ressources, le choix des stratégies,
l'auto-évaluation. (...) L'apprenant effectue un cheminement pour
s'emparer peu à peu des quatre opérations, soit à partir
de négociations dans le groupe-classe, soit avec un recours
éventuel à un conseiller » (p.
24).
En observant cette figure, le scripteur/lecteur, constructeur
de savoir, occupe une place centrale dans son apprentissage; il n'est pourtant
pas indépendant de son environnement, dont l'institution. Le contexte
actuel de la société occidentale ainsi que celui de ses
écoles exige une formation permettant d'établir un bon
équilibre entre l'acquisition des savoirs et les
compétences méthodologiques qui permettent d'apprendre par
soi-même. L'autonomisation doit y être considérée
comme « fin » du processus de formation et comme « valeur
», insérée dans une séquence de valeurs
générales telles l'insertion sociale, le développement
personnel, etc. « Cette fin correspond non seulement à un savoir
mais aussi à un savoir faire et à une méthode qui,
intériorisés de façon pertinente permettent d'apprendre
par soi-même (Barbot & Camatarri, 1999, p. 8) ».
Puisque la psychologie cognitive a
démontré que l'apprentissage se fait par
l'établissement des liens entre les nouvelles informations et
les connaissances antérieures, il requiert surtout l'organisation
constante des connaissances (Tardif, 1992/1997). Le lien avec
la gestion de projet est fondé sur cette
nécessité pour le scripteur/lecteur qui, pour apprendre quelque
chose, se doit d'organiser l'information et de gérer des ressources, des
émotions, des impulsions. Par ce fait même, il
développe des stratégies, des astuces qu'il
réutilisera dans d'autres situations d'apprentissage. Dans ce
cheminement, il accumule ainsi des connaissances déclaratives,
procédurales et conditionnelles nécessaires à l'atteinte
de l'objectif visé. Comme
un gestionnaire de projet sur le marché de
travail, les compétences du scripteur/lecteur comptent parmi les
mêmes 13 compétences déjà mentionnées en
introduction. Au Québec,
« préparer des jeunes différents à
vivre dans un monde en changement (MEQ, 2003/2004) », dans ce sens, fait
partie des premiers défis de l'école secondaire.
Pour relever ces défis, les outils en planification et
contrôle de projet peuvent mettre à notre disposition des moyens
d'ordre méthodologique (coût, délai, qualité selon
Hazebroucq
& Badot, 1996) et métacognitif (effet
surgénérateur selon Hazebroucq & Badot, 1996) ayant pour but
le déploiement des stratégies en vue d'un objectif fixé.
D'origine militaire (Le Petit Robert [CD-ROM], 2001), le terme «
stratégie » s'emploie surtout dans des
situations- problèmes où un ensemble d'actions coordonnées
et de manoeuvres est déployé en vue d'une victoire, d'une
réussite. Si, dans le cadre d'une entreprise, le gestionnaire se doit
d'être stratège dans ses rôles interpersonnels et
décisionnels ainsi que dans ceux reliés à
l'information, l'enseignant doit, lui aussi, non seulement agir en
stratège dans ses interventions auprès de l'apprenant (dans
les mêmes rôles qu'assume un gestionnaire au sein de son
entreprise), mais aussi dans son dessein de former des
apprenants-stratèges, ici, des scripteurs/lecteurs
« stratèges ».
La notion de « stratégie » est complexe, car
elle désigne en même temps un processus et des moyens. Selon
Barbot & Camatarri (1999), trois éléments
caractérisent les stratégies : leur complexité, leur but
(celui de gagner) et la capacité de décentration de
l'apprenant. Les stratégies sont des opérations mentales qui
se réfèrent à des actions spécifiques ou
à des techniques en vue de la résolution d'un problème.
Elles peuvent alors être identifiées grâce à des
comportements (conscients ou inconscients) et peuvent s'automatiser. On peut
parler de stratégies cognitives et de stratégies
métacognitives. Pour Tardif (dans Préfontaine & Fortier,
1994, p. 21), ce sont les principes mêmes de
l'enseignement stratégique, car « le niveau de
développement d'une compétence est
déterminé par les stratégies cognitives que
le
scripteur/lecteur maîtrise et le degré d'autonomie
pour une compétence donnée est déterminé par la
maîtrise de ses stratégies métacognitives ».
L'enseignement stratégique peut consister en une des
réponses au changement du rôle
de l'enseignant en salle de classe. La diffusion des
connaissances de tout ordre maintenant possible par la technologie, et ce, en
quantité innombrable ainsi qu'à une vitesse fulgurante, la
transmission du Savoir par la parole ne représente plus la
principale force d'un maître. L'enseignant, qui reste toujours un
modèle adulte, assume désormais un nouveau rôle, celui d'un
accompagnateur expérimenté qui saura engager le jeune
apprenant dans des tâches signifiantes où ce dernier sera
entraîné à déployer tout un éventail de
stratégies pour résoudre divers problèmes en situation
d'apprentissage. « En ce sens, il favorise une gestion souple de
la classe, l'utilisation des ressources documentaires et
technologiques multiples, la formation
de sous-groupes temporaires, le respect des rythmes individuels
de travail, un soutien et un enrichissement différenciés (MEQ,
2003/2004, p. 12) ». Dans l'évolution des compétences,
le scripteur/lecteur est aussi amené à «
porter, avec l'aide de l'enseignant ou de ses pairs, un regard juste sur les
savoirs qu'il acquiert et sur la manière dont il les utilise (MEQ,
2003/2004,
p. 13) ».
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