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Planification et controle de projet, une aide méthodologique et métacognitive dans le processus d'autonomisation de certains lecteurs/scripteurs

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par Hiên-Minh Lê (Thi)
Université du Québec en Outaouais - Maîtrise en gestion de projet 2005
  

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2.5 LE PROCESSUS D'AUTONOMISATION OU LE DÉVELOPPEMENT DE L'AUTONOMIE INTÉGRALE (AFFECTIVE)

C'est en retraçant l'évolution de la notion de l'autonomie dans le milieu éducatif que l'on voit émerger les éléments facilitant l'autonomisation de l'apprentissage. Nous y comptons l'apprentissage expérientiel et authentique, la décomposition des compétences en vue d'un enseignement systématique (tout en visant à faire apprendre à penser), ainsi que l'exploitation des différents types de connaissance selon une démarche pédagogique favorisant une organisation d'expérience. À partir de ces données, il serait plus évident de considérer la compatibilité des pratiques et techniques en planification et contrôle de projet utilisées comme des outils métacognitifs dans un cadre méthodologique de l'enseignement de l'écriture et de la lecture au secondaire.

2.5.1 L'évolution du concept de l'autonomie

Lorsque s'est déroulée notre recherche, le concept de l'autonomie ne faisait pas

encore l'objet d'un traitement unanime des théoriciens en éducation, malgré sa présence latente dans la majorité des travaux connus. Porcher (1999, préface de Barbot & Camatarri, 1999) parle même « dans un avenir proche [...] d'une véritable épistémologie de l'éducation à l'autonomie, dans ses objectifs comme dans ses démarches ». Cette mention dévoile ainsi deux aspects dans le traitement du concept d'autonomie : celui de l'autonomie comme fin et l'autre comme processus. Ce sont les aspects axiologique (valeur) et opérationnel dont parlent Barbot et Camatarri (1999). Il

va sans dire que c'est l'aspect fonctionnel-opérationnel et non théorique de l'autonomie qui inspire cette recherche.

L'émergence de la notion d'autonomie vaut bien un retour dans l'histoire de l'éducation afin de comprendre l'applicabilité des pratiques et techniques de planification et contrôle de projet. Ces outils permettent l'exploitation et l'orchestration des dispositifs pédagogiques existants, à la poursuite de l'autonomisation.

D'abord, de l'empirisme à la psychanalyse, en passant par le rationnalisme, Freud (1923) a été le premier psychologue à voir que le développement individuel se ramène à une lutte intérieure. « Rendons-nous bien compte de ce qu'est la première tâche de l'éducation. L'enfant doit apprendre à maîtriser ses pulsions (Freud,1984, p. 199) ». L'éducation doit donc chercher son chemin entre le Scylla du laisser-faire et le Charybde

de la frustration. Ce que l'on peut traduire en ces termes : un juste équilibre entre compréhension et autorité. L'esquisse de l'autonomie s'est formée avec Rogers (1969) lorsque celui-ci distingue deux modalités extrêmes d'apprentissage, définissant un continuum. La première correspond à l'acquisition de connaissances sans signification telle la mémorisation de syllabes dénuées de sens. La seconde, à l'opposé, procède d'un apprentissage expérientiel ou apprentissage authentique; là où, dans des circonstances pratiques, elle apporte un sens aux yeux de l'individu et entraîne un changement durable

et profond dans l'organisation ou la perception du moi. Pour Rogers (1969), la personne se développe grâce à ce type d'apprentissage. L'individu apprend à apprendre.

Il apprend à rester ouvert à sa propre expérience et à intégrer en soi le processus même

du changement, ce qui requiert de l'indépendance d'esprit, de la créativité ainsi que de la confiance en soi pour se montrer capable d'autoévaluation et d'autocritique.

La notion de l'autonomie a aussi apparu avec Thorndike (1922), qui ouvre une voie de recherche prometteuse articulée autour d'une hypothèse fondamentale : l'habileté d'un sujet à apprendre dépendrait de sa capacité à modifier les connexions de son cerveau, d'où le besoin de décomposer les compétences dont on veut doter le scripteur/lecteur en ses éléments constituants et de les lui enseigner de façon systématique. Cela mène aux pratiques de drill and practice et drill plus de Swenson selon Crahay (1999). Ces pratiques ont fait leur preuve; cependant, l'acte éducatif est emprisonné dans l'hétéronomie. Elles ne permettent pas l'accès à l'autonomie, considérée comme le moteur interne de l'apprentissage par Barbot et Camatarri (1999), donc entrave à l'évolution individuelle vers son développement intégral. En appliquant

la technique du fractionnement des tâches en planification et contrôle de projet, le scripteur/lecteur profiterait du même mécanisme de ces techniques de « drilling », tout

en prenant conscience de l'évolution de la tâche. De cette façon, il serait également exposé à des pistes de régulation au fur et à mesure que s'avance la réalisation de la tâche. Cet outil emprunté de la gestion de projet offrirait ainsi les avantages des techniques nées des notions devancées par Thorndike (1922) tout en faisant appel à la conscience du scripteur/lecteur. Il l'aiderait, selon nous, à développer son autonomie intégrale.

Après Thorndike, de Pavlov (1927) à Skinner (1957), l'école des behavioristes s'enrichit de la notion du conditionnement opérant, selon laquelle l'apprentissage « opérant » suppose un animal actif, contrôlé par les conséquences de ses actes. Skinner (1957) a montré comment on pourrait procéder pour faire apprendre à apprendre ou pour enseigner la résolution de problèmes et la pensée créatrice. En fait, comment faire apprendre à penser? Pour Skinner (1968), « enseigner, c'est construire (p. 9) » ou, plus exactement, c'est placer le scripteur/lecteur « dans un environnement qui le pousse à construire un répertoire de comportements, de connaissance et de compétences jugés souhaitables (Crahay, 1999, p. 145) ». L'utilisation des pratiques et techniques de gestion des ressources deviendrait, dans ce contexte, un encadrement méthodologique pour le scripteur/lecteur dans chaque situation d'apprentissage en écriture et/ou en lecture.

Après l'enseignement programmé inventé par Skinner (1968), le XXè siècle a connu des écoles d'enseignement individualisé. L'autonomie commence à être nommée explicitement, sous différents vocables, dans les quatre principes suivants concernant les dispositifs d'enseignement individualisé selon Crahay (1999) :

- Progression individuelle de l'élève, à son rythme, vers la maîtrise du contenu ou des compétences;

- Gestion autonome de le scripteur/lecteur quant à son processus d'apprentissage en choisissant ses tâches ou en négociant un plan de travail avec l'enseignant;

- Implication active de le scripteur/lecteur dans son cheminement vers la maîtrise des objectifs grâce à un matériel diversifié; (...)

- Rôle majeur de le scripteur/lecteur dans l'évaluation de la qualité, de la quantité et de la rapidité de ses progrès.

Cependant, la mention explicite des principes ne garantit pas l'acquisition des compétences concernant l'autonomie pratique des élèves. On voit naître alors la pédagogie de maîtrise proposée par Huberman (1988), après Bloom (1979). La pédagogie

de maîtrise peut être résumée en trois principes où sont mentionnées des stratégies d'enseignement et des procédures d'évaluation (Bloom, 1979). Elle propose une démarche où s'articulent rationnellement sept étapes allant de la définition claire des objectifs à des tâches reliées aux tests formatifs, en passant par la décomposition de la matière en unités structurées. C'est ici que le parallèle se fait parfaitement avec la gestion de projet dans l'aspect du fractionnement et de l'ordonnancement des tâches.

L'apport de l'épistémologie génétique est aussi non négligeable dans le domaine

de l'éducation. Elle ouvre une nouvelle ère dans le domaine de la psychologie et de l'éducation par la suite. Piaget (1972) introduit à la fois une dimension développementale ou génétique et une perspective dialectique dans l'épistémologie de Kant (Crahay, 1999). Toujours selon Piaget (1972), les connaissances se construisent à travers des interactions du sujet avec l'objet. À ses yeux, « l'idéal de l'éducation, ce n'est pas d'apprendre le maximum, de maximaliser les résultats, mais c'est avant tout d'apprendre à apprendre; c'est d'apprendre à développer et d'apprendre à continuer à se développer après l'école (Piaget, 1972 , p. 171) ». Il y distingue deux aspects dans le développement intellectuel de l'enfant.

D'un côté, ce qu'on peut appeler l'aspect psychosocial, c'est-à-dire tout ce que l'enfant reçoit du dehors, apprend par transmission familiale, scolaire, éducative en général; et puis, il y a le développement qu'on peut appeler spontané, que j'appellerai psychologique, pour abréger, qui est le développement de l'intelligence elle-même : ce que l'enfant apprend par lui- même, ce qu'on ne lui a pas appris, mais ce qu'il doit découvrir tout seul. (pp. 144-145).

Ce sont là les pistes précurseurs à la théorie de l'école socio-constructiviste sur laquelle reposent les prémisses du processus d'autonomisation qui se déclenche invariablement lorsqu'une personne est placée dans une situation nouvelle (Morin et Brief, 1995; MEQ, 2003/2004).

Donc, après Piaget, le constructivisme met en évidence l'approche de la résolution

de problème qui sous-tend le couple dialectique assimilation-accommodation (Crahay,

1999). Un enseignement centré sur la résolution de problèmes donne la priorité

génétique aux problèmes de réussite où les actions du sujet sont orientées vers un résultat pratique, par rapport aux problèmes de vérité où le résultat pratique n'est pas une fin en soi. Dans ce cas, les problèmes de vérité créent une situation négative où le sujet peut produire une action qu'il suppose inefficace pour réfuter une hypothèse qu'il pense fausse. L'épistémologie génétique aboutit rapidement à la conclusion que le processus constructif diffère selon le type de connaissance.

Au développement du constructivisme, l'enseignement traditionnel est remis en question, car il tend à traiter toutes les connaissances comme des conventions sociales à mémoriser immédiatement dans leur état final. Le résultat de nombre de recherches a amené les pédagogues, par la suite, à poser le problème de la connaissance scientifique

en termes d'obstacles. La nature des obstacles cognitifs est multiple. Ils s'étendent de l'attitude des scripteurs/lecteurs face au savoir jusqu'aux schémas de causalité naturelle qui, souvent, ont la tendance à être unidirectionnel. Une démarche pédagogique favorisant des conflits cognitifs ou sociocognitifs propose aux enseignants de : 1) repérer les obstacles à l'apprentissage; 2) sélectionner, parmi ceux identifiés, celui ou (ceux) qui paraît (paraissent) franchissables; 3) se fixer comme objectif le dépassement

de cet (ces) obstacle(s) jugé(s) franchissable(s); et enfin 4) construire un dispositif cohérent. C'est dans cette même veine que les pratiques et techniques en planification

et contrôle de projet trouvent leur place en classe de français langue maternelle, car elles activent les mêmes mécanismes dans l'apprentissage de l'écriture et de la lecture en tant que processus.

Avec le constructivisme, l'acte d'enseigner n'a plus la portée d'une transmission

du savoir, mais consiste en une organisation d'expériences qui amène l'apprenant à restructurer ou à remoduler son savoir intuitif. C'est aussi l'inciter à coordonner ses diverses centrations cognitives pour les réfléchir sur un plan de plus en plus conceptuel. C'est aussi, pour les socioconstructivistes, activer des conflits sociocognitifs. Avec le constructivisme piagétien, le pédagogue est mis en présence d'une théorie de l'acte de connaissance comme acte créateur : le savoir se construit à travers un processus incessant de rééquilibrations, nécessitant ainsi, dans le langage de la gestion de projet,

« une planification souple où le pilotage exige la compréhension, l'analyse, la mesure et

les habiletés de résolution de problème » (Amghar, 2001, p. 31).

Jusqu'ici, l'arrivée du cognitivisme, né des sciences cognitives, ouvre une autre dimension dans l'acquisiton du savoir. Atkinson & Shiffrin (dans Crahay, 1999) proposent un modèle composé de trois registres sensoriels (visuel, auditif et tactile) et deux mémoires : l'une à court terme et l'autre à long terme. Pour les cognitivistes, apprendre revient à intégrer des informations nouvelles en mémoire, plus exactement,

en mémoire à long terme. Crahay (1999) explique : « Pour le cognitivisme, tout système intelligent, humain ou artificiel, possède des représentations symboliques de l'état du monde qui constituent les significations sur la base desquelles s'opère la computation, c'est-à-dire la pensée (p. 251) ».

On distingue, selon cette approche, trois types de connaissance emmagasinés dans

la mémoire à long terme et qui y sont représentés en différents formats: les

connaissances déclaratives, les connaissances procédurales et les connaissances conditionnelles (ou pragmatiques) (Tardif, 1992/1997). C'est en considérant ces trois types de connaissance que l'on reconnaît d'emblée l'implication du scripteur/lecteur dans ses tâches d'apprentissage en tant qu'un être intégral. Le processus d'autonomisation devancé par Morin & Brief (1995) prend ainsi en considération cette position en examinant l'autonomie intégrale, c'est-à-dire, sous ses trois formes : fonctionnelle, cognitive et affective.

L'application des pratiques et techniques en planification et contrôle de projet en classe de français langue maternelle permet de profiter de tout cet héritage pédagogique

en n'utilisant que ce qui sert à l'autonomisation des scripteurs/lecteurs du premier cycle

du secondaire. En effet, grâce au pilotage qui « correspond aux règles ou aux procédures à mettre en place en phase de réalisation du projet dans le but de tenir les engagements de respect de la qualité, des délais et des coûts négociés et acceptés (Amghar, 2001, p. 31) », c'est un encadrement méthodologique et métacognitif à l'intérieur duquel il serait permis d'intégrer plusieurs approches pédagogiques selon les besoins, et ce, d'une situation d'apprentissage à l'autre.

Du point de vue du scripteur/lecteur, la conscience de l'objectif d'apprentissage consiste en un point de départ primordial. Cette conscience est un premier pas dans le développement de l'autonomie qui, selon Morin & Brief (1995), peut être vue sous trois formes : fonctionnelle, cognitive et sociale (ou affective). Ce sont les prémisses de l'application des pratiques et techniques en planification de projet en classe de français,

puisque l'autonomie, dans ce sens, prend en compte le scripteur/lecteur jusqu'à son moi profond.

Ces trois formes de l'autonomie représentent trois dimensions de l'être humain, d'où l'appellation d'autonomie intégrale. Premièrement, au niveau fonctionnel, l'autonomie y gagne en action et, simultanément, en organisation de l'action. Deuxièmement, au niveau cognitif, l'autonomie est gagnée selon un processus structurel

qui s'acquiert jour après jour. Cette acquisition passe par l'assimilation et par l'accommodation (Morin & Brief, 1995). « Les structures cognitives sont intimement liées à l'activité propre de la personne et, réciproquement, à sa prise de contrôle qui met

en jeu sa connaissance structurée et organisée (pp. 32-33)». Cette structure est celle qu'associe Giasson (1995) à la structure personnelle de chaque lecteur. Enfin, au niveau affectif, la notion d'autonomie résulte, selon Moyne (1982), de la variété dans les choix, d'où la nécessité d'une certaine liberté pour le scripteur/lecteur qui est capable de se prendre en charge (Paquette, 1976). C'est dans cet aspect relationnel que l'autonomie se diffère fondamentalement de la liberté et de l'indépendance. Être libre ou indépendant correspond davantage à un état tandis qu'être autonome vise plutôt une capacité, d'où l'accent sur l'action (ou plutôt interaction) ainsi que sur son organisation et son contrôle.

En dotant le scripteur/lecteur des outils méthodologiques et métacognitifs, la planification et contrôle de projet lui permettrait de gagner graduellement cette autonomie d'abord fonctionnelle puis cognitive, vers l'autonomie affective ou intégrale.

La classe de français est, dans ce sens, un milieu bien géré mais flexible, qui stimule le

développement de l'auto-intégration indispensable à l'affirmation de soi, à l'identification de la personne et à l'émergence du scripteur/lecteur en tant qu'auteur de

ses propres réalisations (Morin & Brief, 1995).

L'apprentissage, en tant qu'une suite d'opérations faisant partie d'un processus de construction mentale, dépend de la capacité de l'apprenant à assimiler, au sens étymologique de « rendre semblable à soi » ce qu'il appréhende (Barbot & Camatarri,

1999). Ce processus n'est possible que par un triple ancrage dans le présent comme dans l'expérience de l'apprenant (son passé) et dans un pro-jet, au sens étymologique de

« jeter en avant » (Trocmé-Fabre, 1987). Apprendre, dans une visée autonomisante, revient à autonomiser les opérations d'apprentissage.

C'est dans cette lignée que l'aspect de la procéduralisation des tâches en planification et contrôle de projet opèrerait un entraînement systématique de certaines habiletés dans le processus d'écriture et de lecture. Le scripteur/lecteur sera doté d'un bagage qui le rendrait autonome, d'abord, de façon fonctionnelle et cognitive, puis affective par la suite.

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"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King