2.3 L'APPORT DE LA PSYCHOLOGIE COGNITIVE
Le processus de construction du savoir chez le
scripteur/lecteur est le fruit d'une nouvelle branche de la psychologie qui
s'intéresse particulièrement à la conscience humaine, la
psychologie cognitive. Celle-ci étant axée sur l'analyse, la
compréhension et la reproduction des processus de traitement de
l'information, elle a fondamentalement contribué à
l'acquisition des connaissances précisant et décrivant
comment « l'être humain recueille, modifie, encode,
interprète, emmagasine l'information de l'environnement ou celle
accumulée
à l'intérieur de l'individu » (Crahay,
1999). Ces connaissances ont également contribué à
mettre au clair la façon dont l'individu tient compte de ces
habiletés acquises, pour prendre des décisions et
déterminer sa conduite. Tardif (1992/1997) parle ainsi de
mémoire à court terme (mémoire de travail) et
mémoire à long terme qui, elle, consiste en deux
sous-
catégories : la mémoire épisodique et
la mémoire sémantique. Ce sont ces deux types de
mémoire à long terme qui intéressent le plus les
spécialistes en éducation.
L'accès au réseau sémantique de la
mémoire à long terme s'organise en différents
niveaux, sous différents formats d'encodage; il s'agit donc de
différents types d'apprentissage que met en oeuvre un scripteur/lecteur
grâce à des stratégies intériorisées. Il
est donc doté des pouvoirs d'apprendre qui viennent des connaissances
maintenant connues sous le nom de métacognition. Ce sont, selon
Yussen (dans Grangeat, 1997, 20), « des connaissances
stockées en mémoire (...) qui peuvent être rappelées
pour guider l'activité cognitive dans une gestion contrôlée
des tâches ». Elles portent soit sur des « produits cognitifs
», soit sur des
« processus cognitifs ».
Appliquées dans l'enseignement, ces connaissances
sur la mémoire humaine ont jalonné la découverte de
savoir-faire qui sauraient tenir compte du développement des
connaissances que peut généraliser le scripteur/lecteur.
Pour les cognitivistes, apprendre, c'est intégrer des informations
nouvelles en mémoire permanente. Dans cette section, nous nous sommes
davantage basée sur Tardif (1992/1997) dont les travaux touchent le plus
au domaine de l'éducation et rejoignent davantage nos objectifs de
recherche en ce qui concerne spécifiquement les tâches en
termes de valeur, d'exigences et de contrôlabilité. Selon
cet auteur, l'enseignement et l'apprentissage sont fondamentalement des
activités de traitement d'information. Ce travail se fait à
deux niveaux : cognitif, puis métacognitif.
2.3.1 La construction des connaissances par le
scripteur/lecteur
Dans des situations d'apprentissage telles que celles
soumises à notre recherche, le
scripteur/lecteur, comme l'enseignant, traite une
multitude d'informations, et ce, à plusieurs niveaux. D'abord,
le scripteur/lecteur traite des informations affectives qui l'ont
marqué, plus particulièrement accumulées de ses
expériences scolaires antérieures
et qui sont suscitées par l'actuelle tâche
d'apprentissage. Nous avons remarqué que les scripteurs/lecteurs ne
semblent pas avoir été exposés à l'utilisation des
ressources telles que le dictionnaire, ils sont très réticents
à cette exigence et manifestent des stratégies d'évitement
tel que décrit par Tardif (1992/1997). Ces informations
affectives concernent essentiellement la reconnaissance des buts que
poursuit l'enseignant, la valeur que le scripteur/lecteur attribue à
la tâche d'apprentissage et la perception qu'il a
du contrôle possible sur sa réussite. Par
la suite, le scripteur/lecteur traite aussi des informations cognitives.
Pour assurer la compréhension, il met les informations
présentées par l'enseignant en relation avec ses
connaissances antérieures et construit activement de nouvelles
connaissances. En traitant des informations cognitives, le
scripteur/lecteur choisit les stratégies qui offrent les
probabilités les plus élevées, selon
lui, d'exécuter adéquatement la tâche
d'apprentissage, de réaliser l'apprentissage. Il planifie les
étapes de réalisation de la tâche. C'est ici
qu'interviennent les pratiques et techniques de planification et
contrôle de projet dans les pratiques et techniques de gestion
temporelle, matérielle et humaine. Selon nous, elles aideront
à contrer les problèmes de rigueur rencontrés en
classe de français tels que déjà mentionné
au chapitre portant sur la problématique et les objectifs de
recherche.
En suivant Tardif (1992/1997), nous voyons qu'à
un troisième niveau, le scripteur/lecteur traite des informations
métacognitives. Afin d'être efficace, il gère
activement non seulement la mise en relation de ses connaissances
antérieures avec les informations présentées, mais
aussi la mise en oeuvre des stratégies de ses propres choix.
Il supervise la mise en application de ces stratégies. Il fait
également une gestion constante de son niveau d'engagement dans la
tâche, et, à la fin de la démarche, il effectue
une évaluation systématique de cette réalisation.
Toujours selon Tardif (1992/1997), la construction de la motivation scolaire,
moteur interne de l'autonomie selon Barbot & Camatarri (1999), se
fait en même temps que cette construction des connaissances qui
représente, en fait, font partie des ressources internes
du scripteur/lecteur. Tout au long de la démarche, les
informations métacognitives le gardent en contact étroit avec
les conclusions extraites du traitement des informations affectives qu'il a
prises en compte au début de l'activité d'apprentissage. Il
s'agit ainsi
du pilotage en gestion de projet entre le planning
(planification) de référence et le livrable visé.
Afin de soutenir l'effort et le travail des scripteurs/lecteurs,
les outils empruntés
de la gestion de projet sont conçus dans des situations
d'apprentissage spécifiques. Ils interviennent dans le processus de la
construction des connaissances en agissant sur la mémoire visuelle ou
auditive que prévaut la gestion mentale définie par De
La Garanderie (1974). Cette capacité à « gérer
des ressources intellectuelles » (selon cet auteur) rejoint une des
pratiques et techniques en planification et contrôle de projet : la
gestion des ressources, ici, internes par le scripteur/lecteur.
L'adaptation des pratiques et techniques en planification et
contrôle de projet ne peut se faire sans une dimension
réflexive qu'apporte les connaissances sur la
métacognition que voici.
|