2.2 LE PROCESSUS D'ÉCRITURE ET DE LECTURE
En tant qu'enseignante de français langue maternelle, nous
avons appliqué les pratiques
et techniques en gestion de projet en salle de
classe dans le but d'outiller les scripteurs/lecteurs dans
l'apprentissage de l'écriture et de la lecture. Ce travail a
été réalisable grâce à la notion du processus
et de résolution de problème communément admise dans le
domaine de la didactique et celui de la gestion de projet. Nous y avions
également greffé la gestion des ressources propre à la
gestion de projet. Toujours dans l'esprit de la gestion de projet qui met
l'accent sur la nécessité d'un objectif à
poursuivre, nous avons outillé les scripteurs/lecteurs dans un
but précis, celui de les éduquer à
l'autonomie selon un cheminement inspiré de ce même domaine de
gestion. Dans cette ligne d'action, nous avons cherché à
« opérationnaliser » ce que Morin & Brief
(1995) appelle le processus d'autonomisation en appliquant les pratiques
et techniques de la gestion de projet en classe de français langue
maternelle.
Les premiers modèles de lecture de type
cognitiviste remontent aux années 60 avec
Goodman (1969) et Smith (1971) tandis que les modèles de
l'écriture présentés sous l'angle de
la résolution de problème faisaient leur apparition
dans les années 80 avec Flower & Hayes
(1980).
2.2.1 Le processus d'écriture
Les premiers modèles décrivant le processus
d'écriture sont des modèles linéaires
qui prennent en compte les étapes telles la
planification, la mise en texte et la révision. Flower et Hayes (1980)
proposent le premier modèle récursif (basé sur le
traitement de l'information) reconnu par la communauté scientifique.
Ce modèle présente les trois processus
principaux animés par un principe de récursivité
constante :
· processus de planification (planning),
· opérations de mise en texte du message
(translating),
· révision - détection, identification,
correction - (reviewing),
· gestion des différents processus
(monitoring).
D'abord, le processus de planification consiste en
la récupération des informations stockées dans la
mémoire à long terme et en la prise d'information en
situation ainsi évoquée. Viennent alors la sélection
et l'organisation des éléments
informationnels. La planification cognitive est guidée par
la structure des connaissances activées et par des objectifs
pragmatiques de la rédaction projetée.
Ensuite, les opérations de mise en texte du message
consistent en la sélection des différentes marques linguistiques
et paralinguistiques qui traduisent le plus correctement possible les choix
sémantiques, pragmatiques et textuels ainsi qu'en l'organisation
de cette sélection aboutissant à la rédaction
proprement dite. La révision consiste essentiellement à
comparer des représentations entre elles comme celle liée
au projet communicatif planifié et celle suscitée par la
relecture du texte censé traduire ce projet (Nold, 1981). En d'autres
mots, Bereiter et Scardamalia (1983) expliquent ce processus
en précisant que deux représentations sont
construites tout au long de la rédaction et stockées dans la
mémoire à long terme : la représentation du texte
écrit jusqu'alors et la représentation du texte
envisagé. Une explication cognitiviste de l'acte d'écrire
qui rejoint le savoir-faire du domaine de la gestion de projet en ce qui
concerne le pilotage entre le planning de référence et le
livrable envisagé. Grâce à ce lien, nous
établirons facilement le parallèle avec la gestion de projet.
Par exemple, à l'étape de la révision des textes en
écriture, il est intéressant de voir que pour Hayes, Flower,
Schriver, Stratman
& Carrey (1987), la révision comprend quatre
opérations. Ce sont : 1) la définition de la tâche, 2)
l'évaluation du texte et l'identification du problème
rencontré, 3) la sélection d'une stratégie impliquant un
retour à l'étape précédente ou une modification du
texte,
4) la modification du texte consistant en une
révision ou une réécriture. Selon eux, pour
réviser, le scripteur doit construire une représentation des
éléments impliqués dans
l'évaluation et l'amélioration du texte. Il doit
donc planifier ses actions en spécifiant les buts à atteindre
(améliorer la clarté, l'argumentation, etc.), les
caractéristiques du texte qui doivent être examinés
(l'aspect global ou local, etc.), et les moyens qui peuvent être
utilisés pour atteindre les buts définis (corriger le
texte en plusieurs étapes, etc.). Ce sont là des pistes
tout à fait parallèles aux opérations de
planification et contrôle de projet en terme de résolution de
problème, parmi lesquelles l'on peut aussi compter la définition
du but à atteindre, des stratégies de conduite de projet
et la définition des tâches.
Le processus d'écriture, dans cette optique,
inclut également une gestion des différents processus et
ressources énoncés. On considère que plus la mise en
oeuvre de chacun des processus est automatisée, moins la charge
cognitive (Chandler et Sweller,
1991) pesant sur l'instance générale de gestion est
forte, plus elle peut allouer d'attention aux autres processus. Les trois
principaux processus rédactionnels (planification, mise
en texte et révision) sont censés
intervenir de manière flexible en s'articulant les uns avec les
autres (Fayol, 1992). Comme les difficultés majeures rencontrées
par tous les scripteurs tiennent à la gestion des ressources de ces
composantes par un contrôle aux capacités limitées, c'est
à ce niveau qu'interviennent les pratiques et techniques en
planification et contrôle de projet en ce qui concerne la
gestion des ressources (temporelle, matérielle et humaine) ainsi que
les outils que nous avons élaborés afin de mener notre recherche.
Nous rappelons que ceux-ci seront expliqués dans le prochain chapitre 3
portant sur la méthodologie.
Le concept de la gestion du processus et des
ressources utilisé en gestion de projet ainsi que les notions
d'objectif et de moyens sont également applicables au domaine de
la lecture.
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