A. Importance de l'hinterland
L'importance de la desserte de l'arrière-pays revêt
en effet une importance capitale pour les grandes places portuaires
européennes.
La notion d'hinterland, jadis strictement régionale,
résulte désormais de la nouvelle géographie
économique de l'Europe avec l'ouverture des pays de l'Est,
l'accroissement de la dimension continentale européenne. Les grands
ports, qui doivent déjà faire face à la réduction
du nombre des escales des navires, doivent maintenant envisager un hinterland
profond de 1500 à 2000 km, à moins de perdre leur statut.
L'attention portée aux équipements nautiques et
portuaires n'a aujourd'hui d'égale que celle accordée aux
transports terrestres. Du nord au sud de l'Europe, le constat est le
même : la bataille du conteneur se gagne à terre.
Avec la dépréciation des frets maritimes, le prix
de l'acheminement terrestre gagne en importance dans la chaîne du
transport au point de devenir parfois prépondérant.
Au départ de New York par exemple, l'acheminement d'un
conteneur vers Le Havre ou Hambourg coûte sensiblement la même
chose. La plus-value se fait sur le transport terrestre. Sur un parcours
Chicago/Munich, le transport terrestre représente 45% du coût
total. Ce seront donc la vitesse du parcours terrestre et son coût
d'acheminement qui guideront le choix du port par l'armateur.
Compte tenu des délais d'empotage et de dépotage
à terre, des durées d'acheminement terrestre et des
stationnements prolongés liés aux ruptures de charge, un
conteneur passe 2/3 de sa durée de sa vie à terre et 1/3 en mer,
et les coûts. Les grands armements se sont alors eux aussi introduits
dans l'organisation des déplacements terrestres de conteneurs. En 1990,
les armements réalisaient plus du tiers de leur chiffre d'affaires hors
du transport maritime (31% pour la CMB, 44% pour la CGM et 58% pour
Nedlloyd).
Les armateurs intègrent l'acheminement terrestre des
conteneurs à leur prestation globale pendant que les chargeurs gardent
la maîtrise des flux terrestres. C'est le carrier haulage.
Celui-ci permet de dégager de nouvelles sources de profit car il permet
à la compagnie maritime (armateur) de faire sa marge sur le transport
terrestre. Les barèmes de frets étant fixés dans le cadre
des conférences, le carrier haulage a permis à la
compagnie d'offrir des prix de bout en bout inférieurs à ceux de
la concurrence, sans transgresser le barème de la conférence.
Pour ce faire, de nouveaux systèmes de cotation de bout en bout (door to
door) ont été instaurés destinés à opacifier
vis à vis des clients les composantes du prix global facturé et
tout particulièrement la répercussion d'une part non
négligeable des frais de passage portuaire (CSC Container Service
Charges et THC Terminal Handling Charges) qui sont facturés par
l'exploitant du terminal à la compagnie maritime qui en prend en charge
20% au titre du navire et redébite les 80% restant à la
marchandise, c'est à dire au chargeur.
Les transports terrestres dictent ainsi les stratégies et
les choix des grands armements. La dépendance continentale augmente par
rapport à la dépendance océanique.
Analysant l'importance grandissante de la desserte terrestre des
hinterlands des ports, André Graillot, Directeur Général
du Port Autonome du Havre, voit trois raisons pour lesquelles le choix du port
sera de plus en plus soumis au coût de la gestion des flux terrestres de
conteneurs : tout d'abord, l'accroissement de la part des coûts de
pré- et post-acheminement dans le coût global de transport qui
résulte des gains de productivité des grands navires ;
deuxièmement, la concurrence accrue sur les transports terrestres qui
résulte de leur libéralisation ; et enfin, les contraintes
des flottes dédiées de conteneurs qui obligent de retourner,
très souvent à vide, le conteneur au port maritime. Il est de
plus évident qu'un port ne peut assurer la réception ou la
livraison de flux massifs de conteneurs (500 ou 1000 par escale) sans des
moyens de transport terrestre efficaces.
Avec la massification des flux attendue dans chacun des ports
candidats au statut de port major, l'augmentation du trafic sur chaque mode
terrestre, même si la répartition modale est appelée
à se modifier en faveur du mode ferroviaire impose de développer
pour les trois modes des aménagements performants en termes de
capacité et de rapidité. Les investissements de transport
contribueront donc à modifier les flux d'échanges et les
conditions de développement des régions, voire la concurrence
internationale en faveur d'un pays ou d'une région au détriment
d'autres.
En France, seul le Nord est (Alsace/Lorraine) échappe aux
ports français au profit d'Anvers et Rotterdam. Mais l'ouverture du
marché européen risque de placer les ports français en
position délicate par rapport à la concurrence des ports de la
mer du Nord.
L'augmentation de productivité des transports terrestres
étend les hinterlands. L'arrière-pays havrais ne dépassant
guère les 500 km, le port du Havre devra donc ratisser large. La logique
de massification lui impose de renforcer son influence sur
l'arrière-pays au-delà de la région parisienne vers l'est,
le sud est, l'Allemagne, la Suisse, l'Italie et d'étendre par ailleurs
son rayonnement maritime par des liaisons de cabotage sur d'autres ports en
France et en Europe.
Pour affronter cette concurrence et proposer à la
clientèle internationale une alternative à Anvers et Rotterdam,
Le Havre a donc besoin de dessertes terrestres importantes. Car avec la
position centrale qui est la sienne, Le Havre se doit de porter la plus grande
attention à la mise en place de filiales compétitives pour le
pré- et post-acheminement des marchandises. Elles sont une condition de
la massification et lui permettraient de tirer parti d'une situation maritime
privilégiée : 1er port touché à
l'import en Europe, dernière station d'approvisionnement à
l'export. Pour le chargeur ou le réceptionnaire de
l'arrière-pays, cette situation équivaut au « transit
time » le meilleur.
Avec une hausse de 11,2% du trafic conteneurs en 1998, le port du
Havre jouit tout de même d'une confiance retrouvée et peut
entrevoir l'avenir dans de bonnes conditions.
Cependant, le retour à la croissance du port du Havre et
des ports français en général reste fragile en raison de
la faiblesse de leurs dessertes terrestres par rapport à celles des
ports du Nord mais aussi au niveau des volumes traités. Avec 50% du
trafic maritime de l'Union Européenne, les ports du Range restent la
référence. Et tout d'abord en matière de desserte
ferroviaire, routière mais aussi fluviale, ils prennent l'Europe tout
entière pour hinterland. Anvers et Rotterdam bénéficient
pour leur part d'un réseau fluvial remarquablement structuré,
facilitant la pénétration jusqu'au coeur de l'Europe grâce
à la liaison Rhin-Main-Danube. La part relative de la navigation
fluviale dans le trafic maritime représente environ 50% dans les ports
du Bénélux contre 1 à 2% au Havre.
Les ports bénéficiant de la présence d'un
réseau fluvial important cherchent à améliorer encore
cette desserte car la voie fluviale sert de plus en plus au-delà de ses
acheminements traditionnels, au transport des marchandises diverses et des
conteneurs à un coût extrêmement économique. Anvers
et Rotterdam sont ainsi reliés, grâce à ces autoroutes
fluviales, à une trentaine de terminaux portuaires, relais entre les
usines et les convois fluviaux à gros gabarit, égrenés le
long du Rhin.
Desservis par d'excellents moyens de transport terrestres, les
ports du Range bénéficient également de leur bon
positionnement géographique par rapport aux pôles
économiques du continent européen. Hambourg, par exemple,
compense sa situation physique de dernier port du Range ainsi que la
remontée de l'Elbe, par un positionnement favorable vis à vis des
centres économiques allemands et l'organisation de la distribution vers
les pays d'Europe Centrale, vers la Scandinavie et les ports de la Baltique.
Cette fonction de « hub » est valorisée par la
capacité des professions portuaires à se projeter dans
l'hinterland.
On pourrait par ailleurs douter d'un avenir brillant pour le port
d'Anvers : la longueur de l'estuaire de l'Escaut, le passage des
écluses qui font perdre à un bateau d'assez fort tonnage 24H par
rapport à Rotterdam. Mais, d'un autre côté, la
remontée du fleuve entraîne, pour le réceptionnaire de
l'arrière-pays, un gain de transport de transport terrestre de plus de
100 km.
Or, le prix du transport maritime a diminué et le
transport terrestre intervient davantage, nous l'avons vu, dans le coût
total de la chaîne logistique. Anvers tire aussi avantage de son
positionnement à proximité du marché français, de
son réseau de distribution fluvial à grand gabarit vers les
grandes zones industrielles de l'Europe Centrale et de sa qualité de
port substituable, complémentaire de Rotterdam.
En terme de trafic, l'écart est très significatif
entre le port de l'estuaire de la Seine et ceux du Range et la
différence d'échelle est très sensible : Rotterdam
traite 4,5 fois plus d'EVP, Hambourg 2,8 et Anvers 2,5. Le décrochage du
Havre s'est accentué au cours de la période 1990/1997. Pourtant
Le Havre est, après Rotterdam, le plus achalandé en lignes.
Presque tous les services y font escale, mais le volume traité à
chaque touché reste limité au besoin du marché
français soit en moyenne 500 boites au lieu de 1000 à 2000 dans
les ports européens concurrents.
En effet, le positionnement du Havre par rapport aux pôles
économiques européens pose un problème. Le Havre
bénéficie du poids de la région parisienne et de l'Ile de
France (10 millions d'habitants à 250 km) mais plus excentré que
ses concurrents par rapport aux principaux centres d'activités et de
consommation en Europe. La consultation objective d'une carte des flux et d'une
carte de densité de population de l'Europe situent bien le
défi : tout se jouera sur la qualité et la dimension du
système de distribution sur l'Europe Centrale.
Si la principale force du Havre est sa situation maritime
(1er port touché à l'import, dernier à
l'export) et nautique (Le Havre peut recevoir sans contrainte tous les porte
conteneurs en service y compris les méga carriers avec un tirant d'eau
de 14 mètres), sa principale faiblesse est pesante : l'absence
quasi totale de maîtrise de maillons essentiels dans la distribution des
conteneurs en Europe par les professionnels portuaires havrais et le manque de
potentiel sérieux.
S'appuyer sur un système plurimodal et une
émulation entre modes faisant baisser les prix, bien maîtriser les
coûts de pre- et post-acheminement, telles sont les conditions
essentielles de réussite. Car, élargir son hinterland au sein des
aires d'indécision d'un espace européen où les ports de
qualité et pleins d'appétit ne manquent et sont souvent fort
proches les uns des autres, ce n'est pas seulement être bien
placé, c'est d'abord disposer d'une desserte complète, efficace
et peu coûteuse. Or, des différences apparaissent entre les ports
qui offrent des services plus ou moins séduisants.
Les ports du Bénélux ressortent par exemple les
plus compétitifs sur leur pre- ou post-acheminement terrestre en Alsace
et en Lorraine (hinterland naturel du port havrais), grâce à la
disponibilité de la voie d'eau à grand gabarit (Rhin et Moselle)
qui permet d'offrir des taux de fret fluvial inférieur de 30 à
40% au prix de transport routier vers Le Havre.
Au départ de Strasbourg, la navigation fluviale vers
Rotterdam est le mode d'acheminement le plus compétitif pour
l'expéditeur, soit 4 025 F pour un conteneur de 40' en « round
trip » à comparer à 6120 F vers Rotterdam par route et
7300 F vers Le Havre. Cette nette différence permet au transport fluvial
rhénan, avec un pre- ou post-acheminement routier, d'être
concurrentiel dans un rayon d'environ 300 km autour du terminal à
conteneurs du port autonome de Strasbourg et grâce à la flotte
actuelle, très performante, il ne faut que 48 H pour rallier Rotterdam
à partir de Strasbourg.
A l'est donc, le véritable concurrent du pre- ou
post-acheminement routier est le transport fluvial, via la voie d'eau à
grand gabarit vers les ports du nord, qui tirent les prix du marché,
quel qu'en soit le mode, vers le bas.
L'influence des moyens de transport terrestre des ports du
Bénélux diminue quand on si dirige plus au sud vers Dijon
où le prix du transport routier à partir du Havre retrouve sa
pertinence.
Les menaces ne manquent pas pour le port havrais. Les projets des
ports concurrents qui visent la position d'outsider, sont bien plus
avancés que celui de Port 2000. Mais la menace la plus forte vient du
verrouillage de fait de l'accès au marché de la longue distance
en Europe par les chemins de fer allemands dont la stratégie de
partenariat s'accompagne aussi d'une stratégie commerciale
hégémonique dont les ports de Brême et Hambourg profiteront
de facto.
Les ports du Range génèrent ainsi grâce
à leur positionnement physique vis à vis du continent et à
de bons réseaux de transport terrestre les volumes les plus importants
des ports européens.
Aussi, alors que la France continue de développer ses
relations nord/sud, les ports du Range ont privilégié les axes
ouest/est en misant massivement sur le mode ferroviaire desservant les
principaux pôles économiques européens situés dans
la « banane bleue » et l'Europe de l'est qui
présente un nouveau débouché économique.
Tous ces atouts maritimes et terrestres semblent annuler ceux
d'un port comme celui du Havre, se vantant d'être la dernière
station avant l'autoroute transocéanique. Malheur donc aux ports en
manque d'hinterland.
Le Havre devra donc, dans sa lutte pour devenir un main port
européen, fournir en concertation avec les gestionnaires et exploitants
des transports terrestres des efforts considérables afin de rivaliser
avec les atouts des ports concurrents, voire de les surpasser.
L'augmentation de productivité du transport maritime a
donc entraîné l'augmentation de la productivité des
transports terrestres ayant pour conséquences d'étendre les
hinterlands. Il s'agît donc dans la chaîne de transport de prendre
en compte un système plurimodal mettant en valeur une
complémentarité efficace entre les modes permettant de faire
baisser les prix, de devenir plus compétitif et ainsi élargir
l'étendue de son arrière-pays. Il s'agît pour les ports de
développer les capacités de séduction et les
potentialités existantes dans un espace géographique où la
concurrence est exacerbée.
B. Irrigation des trafics entre les différents
modes de transport dans l'arrière-pays havrais
Parts modales dans les pré- et post-acheminements
du port du Havre en 1997
|
ROUTE
|
866 000 EVP
|
73,1%
|
82,5%
|
FER
|
166 000 EVP
|
14%
|
16%
|
FLEUVE
|
16 000 EVP
|
1,4%
|
1,5%
|
MER (feedering)
|
136 000 EVP
|
11,5%
|
Fût-ce à une plus petite échelle qu'Anvers et
Rotterdam, Le Havre a la chance de pouvoir jouer la carte de la tri
modalité route/fer/fluvial. En effet, Le Havre dispose outre des modes
routier et ferroviaire d'une desserte fluviale par la Seine remontant le fleuve
jusqu'à la région parisienne, principal centre de distribution du
port. La batellerie permet, on le sait, des économies d'échelle,
un transbordement avantageux, des capacités de stockage temporaire
intéressantes. Ainsi, les ports situés à l'embouchure d'un
fleuve navigable ou aménageable, à l'instar du Havre, sont
privilégiés.
Cependant, le trafic terrestre de conteneurs maritimes dans
l'arrière-pays havrais est essentiellement effectué par voie
routière. Le trafic terrestre ne se partage d'ailleurs qu'entre la route
pour 82,5% en 1997 et le rail pour 16%. La voie d'eau ne réalise tout au
plus 1,5% des pré- et post-acheminements terrestres de conteneurs,
grâce au lancement d'une régulière entre Le Havre et
Gennevilliers au nord de Paris par le GIE Logiseine.
La route reste donc l'élément de base pour le
pré- et post-acheminement. Elle s'arroge près de 83% du trafic
avec quelques 250 entreprises qui effectuent plus de 5000 mouvements par jour.
La proximité de la région parisienne, 1er
marché du Havre, l'antériorité du camion dans les
transports d'approche et d'éclatement et l'atout du mode routier dans le
fonctionnement des entreprises en flux tendus expliquent cette
prépondérance. Le transport routier a, ces dernières
décennies, concentré l'essentiel des investissements publiques et
a donc connu un essor remarquable. La souplesse du tracé de la route
permet aux véhiculent qui l'utilisent d'atteindre presque n'importe quel
point géographique, c'est la quasi-ubiquité (P. Merlin).
Le transport routier est le seul mode de transport à pouvoir assurer des
prestations porte à porte, il est très performant et très
rentable sur de courtes distances car peu coûteux.
L'offre routière est donc très abondante.
Pour les transporteurs routiers, l'activité de traction de
conteneurs est essentiellement une activité régionale
puisque :
§ 10% des flux concernent des destinations
inférieures à 50 km
§ 20% des flux ont pour origine ou pour destination le
reste de la région Haute Normandie
§ 47% des trafics concernent l'Ile de France
§ 20% des flux proviennent ou sont destinés aux
autres régions françaises
§ 3% seulement des trafics concernent l'étranger
Enfin, 10 à 15% des mouvements terrestres relèvent
du brouettage portuaire, c'est à dire du transport routier
destiné à l'agglomération havraise et revendiqué
par la manutention docker.
Le maintien de la compétitivité de l'offre
routière suppose cependant que les infrastructures, en matière de
gabarit et d'interconnexion soient encore améliorées. Les axes
nord/sud surdéveloppés (A1 et A6), au détriment d'axes
ouest/est n'offrent pas de solutions au port du Havre. Pire, c'est un cadeau
inespéré aux ports du Bénélux, qui transitent ainsi
plus facilement par la France et "grattent" ainsi sur l'hinterland naturel
havrais. Pour aider au développement du port du Havre, il conviendrait
donc de conforter la desserte terrestre routière de son hinterland.
Après les progrès de ces dernières
années (dont la mise en service du Pont de Normandie) et les
améliorations prochaines vers Amiens/St Quentin d'un côté,
Caen/Rennes de l'autre, de nouveaux axes de pénétration devront
impérativement suivre : c'est le cas de l'A28 Rouen/Alençon
et de la liaison entre l'A29 et l'A28 afin de supprimer la discontinuité
existant entre le Pont de Normandie et l'axe Calais/Bayonne. Mais les havrais
sont surtout demandeurs d'un axe de contournement de la région
parisienne ; il y va de la récupération des trafics de l'est
de la France qui ont basculé vers Anvers et Rotterdam. La mise à
2x2 voies de la RN31 Rouen/Reims y contribuerait. De même,
l'amélioration de la RN154 à 2x2 voies entre l'A13 (Louviers) et
l'A10 (Orléans) -axe Rouen/Chartres/Orléans- permettrait le
contournement sud de la région parisienne en direction du sud-ouest, de
la vallée du Rhône et du sud-est de la France.
Cependant, les havrais constatent les retards pris dans
l'aménagement des tronçons les plus importants : la route
des estuaires -grande rocade allant de Dunkerque à Bordeaux- a pris deux
de retard, le grand contournement par Amiens/St Quentin/Reims ne sera mis en
service qu'en 2003.
Du côté ferroviaire, l'offre de transport est moins
importante. 16% du trafic de conteneurs a été traité par
le mode ferroviaire en 1998, la part de marché ferroviaire devrait
atteindre 20% en 2005.
Il faut noter cependant que le fer en raison de son coût
élevé n'est rentable que sur des longues distances, sa
participation est élevée dans les trafics d'apport terrestre
depuis les régions les plus éloignées. La consistance de
sa contribution apportée à la structuration de l'hinterland du
port du Havre est ainsi comprimée, l'Ile de France et la Haute Normandie
-les principaux centres de distribution du port- restant ainsi dans le domaine
de la route qui sur de courtes distances est de loin la plus avantageuse. Le
marché du pré- et post-acheminement ferroviaire des conteneurs au
Havre en 1997, grand cheval de bataille du port normand, dans un contexte de
changement permanent dû aux ajustements des stratégies
armateuriales n'a progressé que de 4% pendant que le nombre total de
boites manutentionnées sur les quais effectuait un bond historique de
17,4%.
Le mode ferroviaire représente néanmoins un
transport terrestre d'avenir permettant d'élargir le marché de
l'hinterland du Havre vers l'international.
Ce qui vaut pour la route est aussi valable pour la desserte
ferroviaire : Le Havre est demandeur avant tout d'un grand axe ferroviaire
sur Amiens, Reims et Chalons en Champagne qui permettrait, toujours en
évitant la région parisienne, de desservir l'est de la France,
l'Europe Centrale et Orientale, la Suisse et faciliterait l'accès aux
marchés italiens et espagnols. Le port havrais souhaiterait donc que
soit concrétisé l'inscription de cet axe au schéma
transeuropéen du transport combiné, ce qui implique au
préalable son inscription au schéma directeur national.
Au Havre, l'offre de service ferroviaire est le fait de deux
opérateurs :
la Compagnie Nouvelle de Conteneurs (CNC)
La CNC, filiale de la SNCF, opérateur de transport
combiné, gère des terminaux et une flotte de wagons
spécialisés. Plus orientée vers les chargeurs, elle
propose des prestations complètes de porte à porte, incluant
éventuellement la fourniture des conteneurs.
Son activité s'exerce dans deux domaines :
· le trafic maritime pour le trajet terrestre des
conteneurs vers ou depuis les ports
· le trafic continental pour le transport de fret en
conteneurs ou caisses mobiles de différents volumes en France et en
Europe.
La CNC propose à partir du Havre la desserte de 45
chantiers terminaux en moins de 24H par le réseau « COMBI
24 » qui relie toutes les agences françaises CNC grâce
à un système basé sur le point nodal de Villeneuve St
Georges et une centaine de terminaux en Europe.
Chaque jour, des dessertes par trains blocs sont assurés
par le département « Naviland European Services» de
la CNC, sur les principales destinations de l'Hexagone, de l'Angleterre, du
Bénélux, de l'Italie, de l'Espagne, de l'Allemagne et du
Portugal.
5 départs et 5 arrivées sont proposés
quotidiennement au Havre.
Le chantier CNC au Havre Soquence dit « Le
Havre-Combi » est constitué d'une plate-forme de 8000m²
en chaussée renforcée pour une exploitation avec grues mobiles
autoporteuses. Il dispose de deux voies de 350 mètres de long qui
peuvent accueillir chacune 17 wagons S60. L'activité moyenne annuelle de
ce terminal est de 12000 caisses mobiles au départ et de 6000 à
l'arrivée, essentiellement d'origine continentale. Le chantier est
pourvu de moyens importants pour la manutention des conteneurs et des caisses
mobiles (portiques de 40 tonnes, grues automobiles, élévateurs),
d'ensembles routiers grâce à un réseau de transporteurs
spécialisés pour les liaisons entre le chantier et les lieux de
production ainsi que de terre-pleins pour stocker les conteneurs, vides ou
pleins.
Intercontainer/Interfrigo (ICF)
ICF, agence supranationale commune à l'ensemble des
compagnies européennes de chemin de fer (sorte de coopérative de
réseaux), assure depuis 1967 au moyen de trains blocs les transports
massifs internationaux de conteneurs ou de caisses mobiles, et
spécialement l'approche ou l'évacuation ferroviaire de conteneurs
transitant par les ports de mer depuis ou vers quelques 650 terminaux
européens, via son réseau « Quality Net »
desservant les principaux centres industriels en Europe grâce à un
système de hub à Metz/Sablon. Ceci en fait le 1er
opérateur de transport combiné en Europe.
ICF ne commercialise que des prestations de porte à porte.
En 1997, ICF a transporté 1,3 million d'EVP.
La représentation de Inter Container Inter Frigo est
assurée en France par la SNCF (CNC) et des agences locales comme la
société Logistique Porte Océane (LPO) installée au
Havre depuis début 1998 qui prennent en charge toutes les
opérations du transport ferroviaire (organisation des chargements,
établissement des contrats de transport...).
3 départs et 3 arrivées par semaine sont
proposés au Havre par le réseau Quality Net d'ICF.
On peut également mentionner l'existence de
l'opérateur de transport combiné rail/route Novatrans
qui réalise des transports ferroviaires de semi-remorques non
accompagnées par la technique du ferroutage, de caisses mobiles et de
conteneurs.
Depuis Le Havre, Novatrans offre des services quotidiens vers
l'Italie (Novara) et 3 fois par semaine pour Perpignan desservant l'Espagne.
L'offre de transport n'est cependant pas, en raison de
l'augmentation des fréquences et la massification des trafics, assez
élevée. Les autorités portuaires havraises
réclament ainsi l'étoffement des services offerts par les
opérateurs ferroviaires et le développement d'infrastructures
supplémentaires performantes susceptibles d'accroître sensiblement
l'offre de transport ferroviaire au Havre.
Meilleur marché que le rail, la voie d'eau se
spécialise de plus en plus dans l'acheminement de marchandises
normalisées conditionnées en unités de charge sur des
relations sur lesquelles sont organisés des convois réguliers de
conteneurs : c'est le cas de la ligne Le Havre/Gennevilliers
exploitée par le GIE Logiseine.
La voie d'eau peut aussi contribuer à la massification du
trafic conteneur. Même si le démarrage de la ligne Le
Havre/Gennevilliers a été lent, elle monte en puissance. Parti de
0 en 1994, Logiseine évolue à l'heure actuelle sur un rythme de
12 000 EVP par an en provenance ou à destination de Paris-Terminal SA,
qui gère le terminal multimodal du port de Paris Gennevilliers (dont le
Port Autonome du Havre a pris une participation dans le capital afin d'apporter
son soutien au transport combiné de conteneurs sur la Seine). Trois
départs sont proposés chaque semaine, avec des convois d'environ
200 EVP, aux transitaires et au départ de Gennevilliers.
La profession fluviale, sur la Seine et ailleurs, a donc
redéployé son offre en direction des frets à forte valeur
ajoutée, en plus des matériaux traditionnellement
transportés tels que les produits pétroliers et chimiques, les
produits agricoles et alimentaires et les matériaux de construction ou
le charbon.
La voie d'eau présente un intérêt spatial
plus limité mais c'est un mode de transport sûr et
économique pour les pondéreux non périssables, en
particulier les vracs solides et liquides, et les conteneurs, des produits ne
demandant pas de livraisons rapides en raison de la lenteur du transport :
12 km/h de moyenne sans les arrêts aux écluses.
Cependant, la part du mode fluvial dans la desserte de
l'hinterland havrais est très faible, à peine 2% contre 50% pour
Anvers et 55% (700 000 EVP par an sur le Rhin) pour Rotterdam qui
bénéficient de relations directes avec le coeur de l'Europe.
Si Le Havre est si peu desservi par le transport fluvial, c'est
d'abord parce que le réseau des voies navigables français n'est
qu'une impasse. La desserte fluviale du Havre est en effet limitée
à la région parisienne. Aucun des ports français n'est
relié à un réseau fluvial de grand gabarit sur de grandes
distances desservant les grands centres économiques continentaux
européens.
Pourtant, les autorités portuaires du Havre, Port Autonome
de Paris et Logiseine s'unissent pour développer la voie d'eau, qui
peut, elle aussi contribuer à la massification de la desserte de
l'arrière-pays même si celui-ci se limite à la
région parisienne. Alors que l'approche ferroviaire de Paris butte sur
de nombreux problèmes, il serait reprochable de se priver du potentiel
que représente la voie d'eau qui permet de rendre les conteneurs aux
portes même de la capitale. C'est pourquoi le schéma
d'aménagement de Port 2000 comprend l'ouverture dans l'actuelle digue
sud du port havrais permettrait aux unités fluviales venant du bassin de
marée de gagner directement les futurs quais. En sus, un terminal
dédié au fluvial pourrait prendre place dans la darse de
l'océan. Un système de brouettage en site propre relierait aux
terminaux de Port 2000. Mais le coût élevé de ces
installations a provoqué dans les instances publiques de nombreuses
réticences qui amèneraient la restriction du projet sur certains
points et notamment la digue de protection sensiblement moins longue qui
permettrait une économie de 250 millions de francs mais aboutirait sur
l'abandon d'une desserte directe des futurs terminaux par la navigation
intérieure.
On estime d'après tous ces facteurs que le fleuve pourrait
s'approprier tout de même 3% des flux terrestres à l'horizon
2005.
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