C. Concurrence entre « main ports »
Avec la multiplication des très gros navires et le
phénomène de jumboïsation que connaît la marine
marchande, on assiste à une concentration des flux en raison d'une
recherche frénétique d'économie de temps et
d'échelle, vers un nombre réduit de ports de transbordement. Ce
mouvement de concentration des trafics sur les main-ports (ports principaux) de
groupage-dégroupage au détriment de la desserte multipolaire rend
plus intenses les rivalités entre les ports européens.
Actuellement, chaque port prétend être la porte
d'Europe.
Le rôle des ports est donc particulièrement
important : les moments cruciaux d'un transport sont les
déplacements en ligne des navires (vitesse, capacité,
sécurité, fiabilité), mais aussi et surtout les
opérations aux extrémités de manutention, chargement et
déchargement, la plupart longues et coûteuses. C'est sur les
phases d'immobilité et non de mouvement que se concentre l'attention.
En effet, la mise en service de véritables
« mastodontes » flottants et leur exploitation par des
méga-consortiums ou méga-alliances ne peut que renforcer la
tendance à la concentration des trafics sur un nombre de ports de base
limité sur chaque continent, soit deux ou trois en Europe. Or, si le
port ne peut répondre à l'attente des grands armateurs, non
seulement il ne pourra suivre le taux de croissance attendu du trafic en Europe
du Nord (+8% par an du trafic conteneur) mais il sera relégué
dans la catégorie des ports secondaires (ports satellites) qui seront
desservis par de grands « feeders » de 2000 à 3000
EVP depuis les ports pivots, ou main ports, avec en perspective le
déplacement des activités industrielles et commerciales vers ces
ports principaux. L'accueil des grands porte-conteneurs de 6000 à 8000
EVP nécessitera donc des capacités nautiques que peu de ports
sont susceptibles d'offrir.
L'enjeu est donc de tout premier ordre. Les candidats aux
main-ports vont se livrer une véritable bataille pour accéder
à ce statut.
Il s'agît donc pour les grands ports européens tels
que Rotterdam, Anvers, Hambourg, Brême, Le Havre... d'être capables
de traiter dans des conditions optimales de fiabilité, les escales des
méga porte-conteneurs alignés par les grands armements.
Car, en raison de l'impérieuse nécessité de
rentabilité, le navire ne reste plus la majeure partie du temps aux
escales pour le déchargement ; il tend à être toujours
en mouvement, perpétuellement en fonctionnement. La poursuite de cet
objectif implique au sein des installations portuaires la simplification des
opérations de manutention, l'utilisation des unités de charge
(conteneurs), la spécialisation des opérations de transport par
l'introduction des techniques visant à simplifier, voir à
supprimer les opérations de manutention afin d'accélérer
la vitesse de rotation des navires. Le chargement et le déchargement des
grands navires modernes requièrent de plus des équipements
portuaires spécifiques. Ces équipements (bassins, portiques,
matériels et aires de stockage) permettent une production très
élevée (2 minutes pour l'empotage et le dépotage d'un
conteneur) mais représentent un investissement considérable.
La rentabilisation de tels équipements (navires et
installations portuaires) exige donc une concentration du trafic sur un nombre
limité de ports d'une même façade maritime, des navires de
moindre capacité, les feeders, desservant ensuite les ports secondaires
à partir de ces ports principaux. Cette concentration continuera
à s'exercer dans l'avenir au profit des ports les plus importants, et
des détournements de trafic de plus en plus amples à
prévoir, tant à l'importation qu'à l'exportation.
Le feedering consiste à organiser des
transbordements dans un port intermédiaire dit port pivot ou hub entre
un navire feeder et un navire transocéanique dit navire-mère afin
d'éviter à ce dernier d'avoir à faire escale dans tous les
ports du continent. Les Iles britanniques, la Scandinavie, la péninsule
Ibérique sont très fréquemment desservies de la sorte
depuis Rotterdam, Hambourg ou Le Havre. Le trafic feeder concerne aujourd'hui
au Havre entre 12 et 13% du trafic.
Notons que le trafic en tonnage d'un port reflète de moins
en moins la qualité des infrastructures portuaires. C'est la
diversité des marchandises traitées, les services présents
(accueil, entretien, réparation, restauration, douanes, etc...), la
gestion de stocks, du conditionnement, d'étiquetage, la qualité
des unités de manutention, la commodité des infrastructures qui
définissent la valeur des équipements portuaires. Ces
caractéristiques sont susceptibles de capter les trafics des
catégories de marchandises à forte valeur ajoutée (les
conteneurs par exemple dont la valeur ajoutée est 12 fois plus forte que
celle des hydrocarbures).
La rationalisation du travail portuaire et la réduction du
nombre des dockers sont également à l'ordre du jour afin
d'augmenter la productivité et d'offrir des tarifs d'escale
compétitifs. Les écarts du coût de la main d'oeuvre se
répercutent dans le prix de l'escale : pour décharger un
porte-conteneurs, il faut au Havre 19 hommes contre 10 seulement à
Anvers ; pour un conteneur, le coût de la manutention atteint en
1991 1125 fr. au Havre et 750 fr. à Anvers.
Les grands ports européens disposent de très vastes
espaces qui permettent la polyvalence, ce sont des organismes polyfonctionnels
offrant une diversité d'équipements marqués par la
multiplication du nombre de bassins (Hambourg : 65 bassins). La longueur
de quai est aussi un indice de capacité de réception des grands
navires (Rotterdam : 40 km de longueur de quai).
La tendance actuelle pour les autorités portuaires est de
développer les capacités d'accueil des super porte-conteneurs
dont la valeur ajoutée et la généralisation dans le
transport maritime les rendent incontournables.
En effet, le transport de conteneurs a largement contribué
à la massification du transport maritime et aux mutations qui s'en sont
suivies. Les méga porte-conteneurs utilisent un réseau de lignes
limité desservies par quelques grands ports seulement. La concurrence
entre les principaux ports d'une même façade maritime est
très forte.
Aussi, les porte-conteneurs géants ne desservent que les
ports majors qui ont la capacité d'écouler les biens grâce
à un réseau terrestre diversifié, étendu et
dense.
Le port major devient par conséquent un grand centre
d'échanges intermodal, porte d'accès au continent.
En Europe, au point de vue géographique, la
répartition des ports est asymétrique : l'essentiel des
ports est installé sur le littoral continental de la mer du Nord (le
Northern Range). La proximité géographique de ports tels que
Rotterdam, Anvers, Le Havre, Hambourg, Brême ne peut que renforcer une
concurrence déjà très forte.
Néanmoins, le port de Rotterdam apparaît comme
le main port européen.
Les critères de choix d'une
escale :
1. accueil et traitement du navire
2. traitement et évacuation ou rassemblement de la
marchandise
3. positionnement maritime de l'escale par rapport à
l'itinéraire du service
4. qualité nautique des accès et du
port
5. positionnement du port par rapport aux pôles
économiques du continent
6. qualité et dimension du système de
distribution disponibles ou offerts par le port
7. existence et localisation des autres ports substituables
pour la satisfaction de l'un ou l'autre critère le cas
échéant
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