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Le projet de grand contournement ferroviaire du bassin parisien au depart du port du Havre dans le cadre des corridors de fret européens


par Roman Lauterfing
Université Paris IV Sorbonne - DESS Transport, Logistique et Communication 2000
  

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C. Concurrence entre « main ports »

Avec la multiplication des très gros navires et le phénomène de jumboïsation que connaît la marine marchande, on assiste à une concentration des flux en raison d'une recherche frénétique d'économie de temps et d'échelle, vers un nombre réduit de ports de transbordement. Ce mouvement de concentration des trafics sur les main-ports (ports principaux) de groupage-dégroupage au détriment de la desserte multipolaire rend plus intenses les rivalités entre les ports européens. Actuellement, chaque port prétend être la porte d'Europe.

Le rôle des ports est donc particulièrement important : les moments cruciaux d'un transport sont les déplacements en ligne des navires (vitesse, capacité, sécurité, fiabilité), mais aussi et surtout les opérations aux extrémités de manutention, chargement et déchargement, la plupart longues et coûteuses. C'est sur les phases d'immobilité et non de mouvement que se concentre l'attention.

En effet, la mise en service de véritables « mastodontes » flottants et leur exploitation par des méga-consortiums ou méga-alliances ne peut que renforcer la tendance à la concentration des trafics sur un nombre de ports de base limité sur chaque continent, soit deux ou trois en Europe. Or, si le port ne peut répondre à l'attente des grands armateurs, non seulement il ne pourra suivre le taux de croissance attendu du trafic en Europe du Nord (+8% par an du trafic conteneur) mais il sera relégué dans la catégorie des ports secondaires (ports satellites) qui seront desservis par de grands « feeders » de 2000 à 3000 EVP depuis les ports pivots, ou main ports, avec en perspective le déplacement des activités industrielles et commerciales vers ces ports principaux. L'accueil des grands porte-conteneurs de 6000 à 8000 EVP nécessitera donc des capacités nautiques que peu de ports sont susceptibles d'offrir.

L'enjeu est donc de tout premier ordre. Les candidats aux main-ports vont se livrer une véritable bataille pour accéder à ce statut.

Il s'agît donc pour les grands ports européens tels que Rotterdam, Anvers, Hambourg, Brême, Le Havre... d'être capables de traiter dans des conditions optimales de fiabilité, les escales des méga porte-conteneurs alignés par les grands armements.

Car, en raison de l'impérieuse nécessité de rentabilité, le navire ne reste plus la majeure partie du temps aux escales pour le déchargement ; il tend à être toujours en mouvement, perpétuellement en fonctionnement. La poursuite de cet objectif implique au sein des installations portuaires la simplification des opérations de manutention, l'utilisation des unités de charge (conteneurs), la spécialisation des opérations de transport par l'introduction des techniques visant à simplifier, voir à supprimer les opérations de manutention afin d'accélérer la vitesse de rotation des navires. Le chargement et le déchargement des grands navires modernes requièrent de plus des équipements portuaires spécifiques. Ces équipements (bassins, portiques, matériels et aires de stockage) permettent une production très élevée (2 minutes pour l'empotage et le dépotage d'un conteneur) mais représentent un investissement considérable.

La rentabilisation de tels équipements (navires et installations portuaires) exige donc une concentration du trafic sur un nombre limité de ports d'une même façade maritime, des navires de moindre capacité, les feeders, desservant ensuite les ports secondaires à partir de ces ports principaux. Cette concentration continuera à s'exercer dans l'avenir au profit des ports les plus importants, et des détournements de trafic de plus en plus amples à prévoir, tant à l'importation qu'à l'exportation.

Le feedering consiste à organiser des transbordements dans un port intermédiaire dit port pivot ou hub entre un navire feeder et un navire transocéanique dit navire-mère afin d'éviter à ce dernier d'avoir à faire escale dans tous les ports du continent. Les Iles britanniques, la Scandinavie, la péninsule Ibérique sont très fréquemment desservies de la sorte depuis Rotterdam, Hambourg ou Le Havre. Le trafic feeder concerne aujourd'hui au Havre entre 12 et 13% du trafic.

Notons que le trafic en tonnage d'un port reflète de moins en moins la qualité des infrastructures portuaires. C'est la diversité des marchandises traitées, les services présents (accueil, entretien, réparation, restauration, douanes, etc...), la gestion de stocks, du conditionnement, d'étiquetage, la qualité des unités de manutention, la commodité des infrastructures qui définissent la valeur des équipements portuaires. Ces caractéristiques sont susceptibles de capter les trafics des catégories de marchandises à forte valeur ajoutée (les conteneurs par exemple dont la valeur ajoutée est 12 fois plus forte que celle des hydrocarbures).

La rationalisation du travail portuaire et la réduction du nombre des dockers sont également à l'ordre du jour afin d'augmenter la productivité et d'offrir des tarifs d'escale compétitifs. Les écarts du coût de la main d'oeuvre se répercutent dans le prix de l'escale : pour décharger un porte-conteneurs, il faut au Havre 19 hommes contre 10 seulement à Anvers ; pour un conteneur, le coût de la manutention atteint en 1991 1125 fr. au Havre et 750 fr. à Anvers.

Les grands ports européens disposent de très vastes espaces qui permettent la polyvalence, ce sont des organismes polyfonctionnels offrant une diversité d'équipements marqués par la multiplication du nombre de bassins (Hambourg : 65 bassins). La longueur de quai est aussi un indice de capacité de réception des grands navires (Rotterdam : 40 km de longueur de quai).

La tendance actuelle pour les autorités portuaires est de développer les capacités d'accueil des super porte-conteneurs dont la valeur ajoutée et la généralisation dans le transport maritime les rendent incontournables.

En effet, le transport de conteneurs a largement contribué à la massification du transport maritime et aux mutations qui s'en sont suivies. Les méga porte-conteneurs utilisent un réseau de lignes limité desservies par quelques grands ports seulement. La concurrence entre les principaux ports d'une même façade maritime est très forte.

Aussi, les porte-conteneurs géants ne desservent que les ports majors qui ont la capacité d'écouler les biens grâce à un réseau terrestre diversifié, étendu et dense.

Le port major devient par conséquent un grand centre d'échanges intermodal, porte d'accès au continent.

En Europe, au point de vue géographique, la répartition des ports est asymétrique : l'essentiel des ports est installé sur le littoral continental de la mer du Nord (le Northern Range). La proximité géographique de ports tels que Rotterdam, Anvers, Le Havre, Hambourg, Brême ne peut que renforcer une concurrence déjà très forte.

Néanmoins, le port de Rotterdam apparaît comme le main port européen.

Les critères de choix d'une escale :

1. accueil et traitement du navire

2. traitement et évacuation ou rassemblement de la marchandise

3. positionnement maritime de l'escale par rapport à l'itinéraire du service

4. qualité nautique des accès et du port

5. positionnement du port par rapport aux pôles économiques du continent

6. qualité et dimension du système de distribution disponibles ou offerts par le port

7. existence et localisation des autres ports substituables pour la satisfaction de l'un ou l'autre critère le cas échéant

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