I. LE DEVELOPPEMENT DU PORT DU HAVRE : UNE
NECESSITE
Le transport maritime connaît, depuis la mondialisation de
l'économie favorisée par les évolutions techniques en
matière de transport, une forte progression dans le transport de
marchandises.
L'intensification des échanges internationaux a en effet
entraîné une mutation et une restructuration du transport
maritime. L'augmentation de la capacité des navires et la baisse des
coûts de transport ont poussé la marine marchande vers la
massification des infrastructures. Les ports sont désormais contraints
d'accueillir des navires de plus en plus grands avec des volumes de plus en
plus importants et de les traiter dans les meilleures conditions possibles.
Une course au gigantisme est ainsi lancée entre les
différents ports européens qui revendiquent la place de porte
d'entrée de l'Europe.
Le Port Autonome du Havre qui a des atouts à faire valoir
dans cette lutte a ainsi émis un projet de développement des
capacités de ses infrastructures afin d'attirer une part de trafic plus
importante et d'avoir des moyens efficaces et performants de
réexpédition du fret dans son hintertland.
A. La massification du transport maritime
Le transport maritime a un rôle primordial dans le nouveau
contexte de mondialisation de l'économie, processus qui se
caractérise par la multiplicité des réseaux
d'échanges transnationaux, l'intensification de la circulation des flux
de marchandises à l'échelle mondiale, la prédominance des
télécommunications et la concentration des activités de
production entre un nombre réduit de régions
économiquement dynamiques. Les échanges se développent
mais se concentrent en quelques grands pôles correspondant aux pays
développés de l'hémisphère nord et notamment les
pays de la Triade Amérique du Nord/ Union Européenne/Asie du sud
est (Japon). Les échanges mondiaux de conteneurs sont principalement
effectués entre ces régions industrialisées. Le fait est
que les échanges est/ouest sont deux fois plus importants en volume que
les flux nord/sud entre les pays industrialisés et ceux en voie de
développement.
En 1996, les trois zones géographiques réalisent
81,7% du trafic conteneurisé mondial.
Ce sont :
· l'Extrême-Orient avec 44% (69,32 Mio EVP)
· l'Europe avec 23% (36,26 Mio EVP)
· et l'Amérique du Nord avec 14,7% (23,19% Mio
EVP)
L'Asie, qui a multiplié par près de 8 son trafic en
15 ans, alors que l'Europe n'a que triplé son activité durant le
même temps, affirme désormais son hégémonie sur la
scène mondiale.
Les entreprises de leur côté s'ouvrent et
fonctionnent sur un espace de plus en plus large par-dessus les
frontières ; elles dispersent leurs activités, se
délocalisent afin de conquérir de nouveaux marchés et
trouver des conditions optimales de fonctionnement notamment pour la main
d'oeuvre. Cette évolution se réalise à l'échelle
mondiale grâce aux télécommunications et aux techniques de
transport. Ces derniers étant de plus en plus performants, les distances
temps et les coûts d'exploitation sont par conséquent
réduits
Les causes de succès du transport maritime de biens
matériels sont donc évidentes :
· nécessité d'utiliser les voies maritimes
pour des échanges de plus en plus longs et de plus en plus volumineux
à un coût avantageux
· capacité de flexibilité (le transport
maritime peut acheminer toutes sortes de marchandises)
· grande sécurité du fret
transporté
Le transport maritime est parfaitement adapté au
gigantisme des infrastructures. L'absence totale d'infrastructure
linéaire du transport maritime admet la massification des volumes par le
gigantisme des navires.
La massification est la forme la plus spectaculaire de la
mutation du transport maritime : pétroliers géants, super
porte-conteneurs, infrastructures terminales de plus en plus lourdes, aires de
stockage de plus en plus étendues.
Le gigantisme répond à la recherche d'une
productivité de plus en plus grande en matière de transport
maritime : il ne provoque pas de réduction de la vitesse, le
chargement et le déchargement se déroule plus rapidement, la
construction des navires est moins coûteuse (leur nombre est plus
réduit), l'exploitation est moins onéreuse car plus le navire est
plus grand, moins la consommation d'énergie est importante, et les
effectifs des équipages sont plus réduits.
Le transport maritime répond donc aux exigences de
l'exploitant pour qui le gigantisme réduit les coûts et permet
d'offrir aux entreprises des coûts de transport plus
compétitifs.
Le transport maritime rentre donc largement en compte dans les
stratégies logistiques des entreprises visant à fournir un
produit disponible en un lieu et au moment voulu selon le meilleur rapport
coût/efficacité.
Part du trafic conteneur dans l'ensemble du trafic
maritime en 1988 et 1995
|
1988
|
32,8%
|
1995
|
38,3%
|
L'importance des investissements nés des techniques
modernes du transport maritime (navires porte-conteneurs, parcs de conteneurs,
navires rouliers) a incité les compagnies maritimes à s'unir dans
des pools pour exploiter ces matériels. Ces accords sont aujourd'hui
très nombreux et les grandes compagnies-conférences travaillent
en pool sur la plupart des lignes qu'elles exploitent. Le stade suivant
d'intégration du transport maritime consiste à mettre en commun
l'ensemble des moyens humains et commerciaux en créant une entité
dans laquelle les compagnies s'effacent derrière une dénomination
commune et élaborent ensemble leur stratégie commerciale. Ces
conventions sont appelées « consortiums ».
Ainsi, des anciennes conférences, ententes d'entreprises
juridiquement indépendantes constituées dans les années
1970 afin d'assurer une desserte régulière à des tarifs
stables, en prévoyant les ports d'escale, la fréquence des
touchés, le partage du fret, sont nés des regroupements plus ou
moins intégrés sous forme de pools ou de consortiums allant
jusqu'à assurer en commun le financement des navires porte conteneurs. A
la différence des conférences maritimes, pools et consortia, ne
visent pas seulement à régulariser le remplissage des navires et
les taux de fret. Ils se manifestent par la création d'entités
juridiques ad hoc : G.I.E. ou sociétés, gérées
indépendamment des compagnies fondatrices.
Les pools sont des accords entre compagnies visant à
répartir le trafic conteneurisé en mettant en commun les moyens
d'exploitation et éventuellement les recettes et dépenses.
L'objet du pool porte essentiellement sur l'harmonisation horaire, les
échanges d'espaces à bord des navires (slots), chaque compagnie
conservant sa propre politique commerciale et son réseau d'agences. Au
sein d'un consortium, l'intégration porte sur les espaces navires, les
horaires, les recettes et dépenses et peut atteindre la gestion
commerciale voire financière des navires porte conteneurs.
Mais l'augmentation des immobilisations en navires avec la
généralisation des navires overpanamax et la
nécessité commerciale d'améliorer les coûts à
des fins de compétitivité, par l'optimisation des moyens
techniques, ont conduit dernièrement à l'éclatement des
consortia intégrés et à leur remplacement par des
nouvelles entités entre armements dites
« méga-alliances ». Ces méga-alliances
regroupent les capacités de transport de leurs adhérents dans une
offre de services commune à la clientèle. Elles permettent
d'offrir jusqu'à 4 départs hebdomadaires par zone
géographique.
Cinq alliances ont été ainsi créées
entre 1995 et 1998 sur la relation Europe/Extrême-Orient :
· GLOBAL ALLIANCE rassemblant les armements APL/MITSUI
OSK/NEDLLOYD MISC et OOCL
· GRAND ALLIANCE entre HAPAG LLYOD/NYK/NEPTUNE ORIENTAL
LINES/P&OCL
· ALLIANCE entre MAERSK/SEALAND
· K LINE/YANG MING & COSCO
· NORASIA/HYUNDAI & MSC
La réponse donnée par les armements aux
impératifs de productivité, qualité de service et
rentabilité, ne s'est pas limitée aux nouvelles formes de
partenariat et à l'augmentation de la taille des navires. La
réorganisation des procédures a concerné également
la configuration des dessertes portuaires en instituant une
différenciation au sein des services maritimes. Traditionnellement, les
lignes régulières maritimes étaient organisées
selon des déplacements pendulaires de navires entre deux continents.
La première innovation a été la
création de lignes autour du monde en 1984 par l'américain APL,
suivi du taïwanais EVERGREEN dont les navires enchaînent les
traversées transpacifiques et transatlantiques en circulant, pour les
uns, dans le sens « eastbound » (navire allant vers l'est),
et pour les autres, dans le sens « westbound » (navire
allant vers l'ouest). Aujourd'hui, ce concept de desserte autour du monde n'a
pas été généralisé, seuls les armements
EVERGREEN, CGM, OCL et TRICON ont adopté ce type d'organisation.
La seconde mutation qui a affecté l'ordonnancement des
lignes régulières résulte de la volonté des
armements de réduire le nombre de touchés des navires
transocéaniques et de structurer leurs dessertes entre des ports pivots
(main ports), et des ports satellites dont la hiérarchisation est en
cours de renforcement du fait de l'introduction des navires overpanamax.
Les armateurs ont donc développé des navires
porte-conteneurs d'une capacité d'environ 7000 EVP ne desservant qu'un
nombre restreint de ports ayant des fonctions très
développées de collecteur et de distributeur car les
porte-conteneurs ne desservent que des plates-formes de transbordement
multimodales desservant efficacement les UTI sur l'arrière-pays.
Les UTI (Unités de Transport Intermodal) ont
également largement contribué à la massification du
transport maritime. Appelées plus couramment conteneurs, ces
unités sont des boites normalisées qui permettent un rangement
beaucoup plus rationnel dans les navires, l'augmentation des capacités
et l'abaissement des coûts de transport. Le conteneur protège la
marchandise qu'il contient et permet grâce à ses dimensions
normalisées d'accélérer les temps de chargement et de
déchargement et la vitesse de rotation des navires. Une des principales
vertus du conteneur est d'autoriser la combinaison des différents modes
de transport, sans rupture de charge. La spécificité du conteneur
d'être standard et interchangeable en fait un moyen de transport
extrêmement pratique dès qu'il s'agît d'un transport
intermodal, d'où l'appellation d'Unité de Transport
Intermodale.
EVP= conteneur équivalent 20 pieds. Unité
servant à mesurer la capacité des navires et à quantifier
les trafics de conteneurs. Il existe deux types de conteneurs aux normes
ISO(International Standard Organisation, organisation internationale de
normalisation) : les 20 pieds et les 40 pieds. Un conteneur de 40 pieds =
40/20 = 2 EVP.
Dans un premier temps, la massification a mis l'accent sur la
taille des navires grâce à la révolution du conteneur qui a
permis la marginalisation du transport des biens diversifiés.
La massification du trafic maritime a donc entraîné
la nécessité pour les armateurs de couvrir l'ensemble du
marché mondial, car plus un navire a une grande capacité, plus la
charge est élevée, plus les escales sont longues, moins nombreux
les ports touchés, plus longues les distances entre les ports. La
concurrence entre les armateurs est aussi devenue très forte : les
plus grands s'agrandissent et les petits disparaissent. La compétition
les a contraints à augmenter la fréquence de leurs dessertes tout
en comprimant les coûts, et la solution a été la croissance
de la taille des navires et le regroupement des armements, et ce qui
entraîne l'élimination de certains ports.
Pour l'essentiel, l'économie maritime se
caractérise donc aujourd'hui dans le sillage de la globalisation et de
la croissance du commerce intercontinental, par la concentration des grands
armements qui s'associent ou fusionnent, par un changement d'échelle des
bateaux mis en ligne et des infrastructures terminales de transbordement.
Accompagnant cette évolution, le nombre des ports
touchés diminue au profit de ceux d'entre eux ayant une dimension
continentale : le volume nécessaire pour justifier l'escale
augmente en effet avec la taille des navires.
Les ports ayant des capacités d'accueil très
importantes seront donc choisis pour traiter les porte-conteneurs
géants. Se livre alors une véritable course au gigantisme
également au niveau des infrastructures terminales afin d'attirer les
navires géants empruntant les grands boulevards maritimes.
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