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Le projet de grand contournement ferroviaire du bassin parisien au depart du port du Havre dans le cadre des corridors de fret européens


par Roman Lauterfing
Université Paris IV Sorbonne - DESS Transport, Logistique et Communication 2000
  

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I. LE DEVELOPPEMENT DU PORT DU HAVRE : UNE NECESSITE

Le transport maritime connaît, depuis la mondialisation de l'économie favorisée par les évolutions techniques en matière de transport, une forte progression dans le transport de marchandises.

L'intensification des échanges internationaux a en effet entraîné une mutation et une restructuration du transport maritime. L'augmentation de la capacité des navires et la baisse des coûts de transport ont poussé la marine marchande vers la massification des infrastructures. Les ports sont désormais contraints d'accueillir des navires de plus en plus grands avec des volumes de plus en plus importants et de les traiter dans les meilleures conditions possibles.

Une course au gigantisme est ainsi lancée entre les différents ports européens qui revendiquent la place de porte d'entrée de l'Europe.

Le Port Autonome du Havre qui a des atouts à faire valoir dans cette lutte a ainsi émis un projet de développement des capacités de ses infrastructures afin d'attirer une part de trafic plus importante et d'avoir des moyens efficaces et performants de réexpédition du fret dans son hintertland.

A. La massification du transport maritime

Le transport maritime a un rôle primordial dans le nouveau contexte de mondialisation de l'économie, processus qui se caractérise par la multiplicité des réseaux d'échanges transnationaux, l'intensification de la circulation des flux de marchandises à l'échelle mondiale, la prédominance des télécommunications et la concentration des activités de production entre un nombre réduit de régions économiquement dynamiques. Les échanges se développent mais se concentrent en quelques grands pôles correspondant aux pays développés de l'hémisphère nord et notamment les pays de la Triade Amérique du Nord/ Union Européenne/Asie du sud est (Japon). Les échanges mondiaux de conteneurs sont principalement effectués entre ces régions industrialisées. Le fait est que les échanges est/ouest sont deux fois plus importants en volume que les flux nord/sud entre les pays industrialisés et ceux en voie de développement.

En 1996, les trois zones géographiques réalisent 81,7% du trafic conteneurisé mondial.

Ce sont :

· l'Extrême-Orient avec 44% (69,32 Mio EVP)

· l'Europe avec 23% (36,26 Mio EVP)

· et l'Amérique du Nord avec 14,7% (23,19% Mio EVP)

L'Asie, qui a multiplié par près de 8 son trafic en 15 ans, alors que l'Europe n'a que triplé son activité durant le même temps, affirme désormais son hégémonie sur la scène mondiale.

Les entreprises de leur côté s'ouvrent et fonctionnent sur un espace de plus en plus large par-dessus les frontières ; elles dispersent leurs activités, se délocalisent afin de conquérir de nouveaux marchés et trouver des conditions optimales de fonctionnement notamment pour la main d'oeuvre. Cette évolution se réalise à l'échelle mondiale grâce aux télécommunications et aux techniques de transport. Ces derniers étant de plus en plus performants, les distances temps et les coûts d'exploitation sont par conséquent réduits

Les causes de succès du transport maritime de biens matériels sont donc évidentes :

· nécessité d'utiliser les voies maritimes pour des échanges de plus en plus longs et de plus en plus volumineux à un coût avantageux

· capacité de flexibilité (le transport maritime peut acheminer toutes sortes de marchandises)

· grande sécurité du fret transporté

Le transport maritime est parfaitement adapté au gigantisme des infrastructures. L'absence totale d'infrastructure linéaire du transport maritime admet la massification des volumes par le gigantisme des navires.

La massification est la forme la plus spectaculaire de la mutation du transport maritime : pétroliers géants, super porte-conteneurs, infrastructures terminales de plus en plus lourdes, aires de stockage de plus en plus étendues.

Le gigantisme répond à la recherche d'une productivité de plus en plus grande en matière de transport maritime : il ne provoque pas de réduction de la vitesse, le chargement et le déchargement se déroule plus rapidement, la construction des navires est moins coûteuse (leur nombre est plus réduit), l'exploitation est moins onéreuse car plus le navire est plus grand, moins la consommation d'énergie est importante, et les effectifs des équipages sont plus réduits.

Le transport maritime répond donc aux exigences de l'exploitant pour qui le gigantisme réduit les coûts et permet d'offrir aux entreprises des coûts de transport plus compétitifs.

Le transport maritime rentre donc largement en compte dans les stratégies logistiques des entreprises visant à fournir un produit disponible en un lieu et au moment voulu selon le meilleur rapport coût/efficacité.

Part du trafic conteneur dans l'ensemble du trafic maritime en 1988 et 1995

1988

32,8%

1995

38,3%

L'importance des investissements nés des techniques modernes du transport maritime (navires porte-conteneurs, parcs de conteneurs, navires rouliers) a incité les compagnies maritimes à s'unir dans des pools pour exploiter ces matériels. Ces accords sont aujourd'hui très nombreux et les grandes compagnies-conférences travaillent en pool sur la plupart des lignes qu'elles exploitent. Le stade suivant d'intégration du transport maritime consiste à mettre en commun l'ensemble des moyens humains et commerciaux en créant une entité dans laquelle les compagnies s'effacent derrière une dénomination commune et élaborent ensemble leur stratégie commerciale. Ces conventions sont appelées « consortiums ».

Ainsi, des anciennes conférences, ententes d'entreprises juridiquement indépendantes constituées dans les années 1970 afin d'assurer une desserte régulière à des tarifs stables, en prévoyant les ports d'escale, la fréquence des touchés, le partage du fret, sont nés des regroupements plus ou moins intégrés sous forme de pools ou de consortiums allant jusqu'à assurer en commun le financement des navires porte conteneurs. A la différence des conférences maritimes, pools et consortia, ne visent pas seulement à régulariser le remplissage des navires et les taux de fret. Ils se manifestent par la création d'entités juridiques ad hoc : G.I.E. ou sociétés, gérées indépendamment des compagnies fondatrices.

Les pools sont des accords entre compagnies visant à répartir le trafic conteneurisé en mettant en commun les moyens d'exploitation et éventuellement les recettes et dépenses. L'objet du pool porte essentiellement sur l'harmonisation horaire, les échanges d'espaces à bord des navires (slots), chaque compagnie conservant sa propre politique commerciale et son réseau d'agences. Au sein d'un consortium, l'intégration porte sur les espaces navires, les horaires, les recettes et dépenses et peut atteindre la gestion commerciale voire financière des navires porte conteneurs.

Mais l'augmentation des immobilisations en navires avec la généralisation des navires overpanamax et la nécessité commerciale d'améliorer les coûts à des fins de compétitivité, par l'optimisation des moyens techniques, ont conduit dernièrement à l'éclatement des consortia intégrés et à leur remplacement par des nouvelles entités entre armements dites « méga-alliances ». Ces méga-alliances regroupent les capacités de transport de leurs adhérents dans une offre de services commune à la clientèle. Elles permettent d'offrir jusqu'à 4 départs hebdomadaires par zone géographique.

Cinq alliances ont été ainsi créées entre 1995 et 1998 sur la relation Europe/Extrême-Orient :

· GLOBAL ALLIANCE rassemblant les armements APL/MITSUI OSK/NEDLLOYD MISC et OOCL

· GRAND ALLIANCE entre HAPAG LLYOD/NYK/NEPTUNE ORIENTAL LINES/P&OCL

· ALLIANCE entre MAERSK/SEALAND

· K LINE/YANG MING & COSCO

· NORASIA/HYUNDAI & MSC

La réponse donnée par les armements aux impératifs de productivité, qualité de service et rentabilité, ne s'est pas limitée aux nouvelles formes de partenariat et à l'augmentation de la taille des navires. La réorganisation des procédures a concerné également la configuration des dessertes portuaires en instituant une différenciation au sein des services maritimes. Traditionnellement, les lignes régulières maritimes étaient organisées selon des déplacements pendulaires de navires entre deux continents.

La première innovation a été la création de lignes autour du monde en 1984 par l'américain APL, suivi du taïwanais EVERGREEN dont les navires enchaînent les traversées transpacifiques et transatlantiques en circulant, pour les uns, dans le sens « eastbound » (navire allant vers l'est), et pour les autres, dans le sens « westbound » (navire allant vers l'ouest). Aujourd'hui, ce concept de desserte autour du monde n'a pas été généralisé, seuls les armements EVERGREEN, CGM, OCL et TRICON ont adopté ce type d'organisation.

La seconde mutation qui a affecté l'ordonnancement des lignes régulières résulte de la volonté des armements de réduire le nombre de touchés des navires transocéaniques et de structurer leurs dessertes entre des ports pivots (main ports), et des ports satellites dont la hiérarchisation est en cours de renforcement du fait de l'introduction des navires overpanamax.

Les armateurs ont donc développé des navires porte-conteneurs d'une capacité d'environ 7000 EVP ne desservant qu'un nombre restreint de ports ayant des fonctions très développées de collecteur et de distributeur car les porte-conteneurs ne desservent que des plates-formes de transbordement multimodales desservant efficacement les UTI sur l'arrière-pays.

Les UTI (Unités de Transport Intermodal) ont également largement contribué à la massification du transport maritime. Appelées plus couramment conteneurs, ces unités sont des boites normalisées qui permettent un rangement beaucoup plus rationnel dans les navires, l'augmentation des capacités et l'abaissement des coûts de transport. Le conteneur protège la marchandise qu'il contient et permet grâce à ses dimensions normalisées d'accélérer les temps de chargement et de déchargement et la vitesse de rotation des navires. Une des principales vertus du conteneur est d'autoriser la combinaison des différents modes de transport, sans rupture de charge. La spécificité du conteneur d'être standard et interchangeable en fait un moyen de transport extrêmement pratique dès qu'il s'agît d'un transport intermodal, d'où l'appellation d'Unité de Transport Intermodale.

EVP= conteneur équivalent 20 pieds. Unité servant à mesurer la capacité des navires et à quantifier les trafics de conteneurs. Il existe deux types de conteneurs aux normes ISO(International Standard Organisation, organisation internationale de normalisation) : les 20 pieds et les 40 pieds. Un conteneur de 40 pieds = 40/20 = 2 EVP.

Dans un premier temps, la massification a mis l'accent sur la taille des navires grâce à la révolution du conteneur qui a permis la marginalisation du transport des biens diversifiés.

La massification du trafic maritime a donc entraîné la nécessité pour les armateurs de couvrir l'ensemble du marché mondial, car plus un navire a une grande capacité, plus la charge est élevée, plus les escales sont longues, moins nombreux les ports touchés, plus longues les distances entre les ports. La concurrence entre les armateurs est aussi devenue très forte : les plus grands s'agrandissent et les petits disparaissent. La compétition les a contraints à augmenter la fréquence de leurs dessertes tout en comprimant les coûts, et la solution a été la croissance de la taille des navires et le regroupement des armements, et ce qui entraîne l'élimination de certains ports.

Pour l'essentiel, l'économie maritime se caractérise donc aujourd'hui dans le sillage de la globalisation et de la croissance du commerce intercontinental, par la concentration des grands armements qui s'associent ou fusionnent, par un changement d'échelle des bateaux mis en ligne et des infrastructures terminales de transbordement.

Accompagnant cette évolution, le nombre des ports touchés diminue au profit de ceux d'entre eux ayant une dimension continentale : le volume nécessaire pour justifier l'escale augmente en effet avec la taille des navires.

Les ports ayant des capacités d'accueil très importantes seront donc choisis pour traiter les porte-conteneurs géants. Se livre alors une véritable course au gigantisme également au niveau des infrastructures terminales afin d'attirer les navires géants empruntant les grands boulevards maritimes.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams