Les mécanismes internationaux de protection et l'effectivité des droits de l'hommepar Kiliya Dominique KAMWANGA Université D'ABOMEY-CALAVI (Bénin) - DEA Droit de la personne et de la démocratie 2005 |
SECTION 2 : La technique juridictionnelle : Une protection effective desdroits de l'hommeLe professeur Christian AUTEXIER écrit : « la caractéristique primordiale d'un droit fondamental est d'être justiciable..., c'est-à-dire susceptible d'être mis en oeuvre par un juge »241(*). Dans le cadre européen la garantie est justement dominée parle mécanisme judiciaire établi par la Convention des droits de l'homme dont le régime initial réalisait en deux temps. D'abord, toute requête individuelle ou étatique devait être adressée à la Commission européenne des droits de l'homme et, ensuite, le rapport de la Commission était transmis pour décision au Comité des ministres du Conseil de l'Europe. Ce dernier choisissait soit de saisir la Cour européenne, soit il décidait lui-même sur le bien fondé de la violation242(*). Une réforme s'est imposée. Alors, le protocole n°11, ouvert à la signature le 11 mai 1994 et entré en vigueur le 1er novembre 1998 a porté restructuration du mécanisme de contrôle établi par la Convention » en remplaçant la Commission par une Cour nouvelle et à plein temps, en privant le Comité des ministres du Conseil de l'Europe de ses attributions juridictionnelles, et à rendre obligatoire le droit de recours individuel à Strasbourg243(*). La réforme qui remplace les articles 19 à 56 de la Convention a eu pour but de répondre aux critiques formulées au système originaire notamment le double examen des requêtes qui ne pouvait pas faire face à l'explosion du nombre de requêtes individuelles introduit devant la Commission, la durée de la procédure pour obtenir une décision au fond incompatible avec le principe de bonne administration de la justice244(*). Siégeant, dans la majorité des cas, en chambres de sept juges et, exceptionnellement, dans la Grande Chambre composée de dix-sept juges ; la nouvelle Cour unique est désormais compétente pour statuer en droit sur la violation alléguée de la Convention et le contrôle européen des droits de l'homme est pleinement juridictionnel. Conformément aux articles 41 (1) et 47, l'adhésion à la Convention emporte par elle-même la reconnaissance de la compétence obligatoire de la Cour suite à la suppression de la clause facultative par le Protocole n°11. Elle demeure, dans le même temps, dotée d'attributions consultatives relatives à l'interprétation de la Convention et de ses Protocoles (13 au total)245(*). Pouvant être saisie à la fois par un Etat partie (article 33) comme par toute personne physique ou toute organisation non gouvernementale et groupe de particuliers se prétendant victimes de violation (article 34), la Cour a établi une jurisprudence considérable. Même si le système de protection reste perfectible, les spécialistes s'accordent pour reconnaître la grande valeur du mécanisme européen. En effet, de l'avis du professeur Vincent BERGER, depuis le 1er novembre 1998, « le nombre de requêtes enregistrées pendantes s'est accru d'environ 122%. Le rendement de la Cour a lui aussi beaucoup augmenté en partie grâce à l'adaptation des méthodes de travail »246(*). Ce succès est, sans doute, dû à la portée des arrêts rendus par la cour dont les effets juridiques sont certains (Paragraphe 1) et l'autorité incontestable (Paragraphe 2) à l'égard des parties à la Convention. Paragraphe 1 : Les arrêts à effets juridiques certains Dès que la Cour déclare la recevabilité de la requête, elle poursuit l'examen contradictoire de l'affaire, examen au cours duquel les parties peuvent produire des preuves écrites, les témoins ou experts peuvent être entendu et les descentes sur les lieux éventuellement effectuées conformément aux articles 38 de la Convention et 42 du règlement intérieur de la Cour. Avant tout, la Cour se met à la disposition des parties au conflit en vue d'un « règlement amiable »247(*) à défaut duquel il est abordé l'examen du fond de l'affaire. L'examen commence par une nouvelle invitation aux parties à présenter des observations complémentaires comprenant la demande de « satisfaction équitable »248(*). Normalement, la solution d'instance est un arrêt dûment motivé (article 45 de la Convention) dans lequel les juges européens se prononcent sur le point de savoir si, dans l'affaire qui leur est soumise, il y a ou non violation de droits garantis par la Convention et, le cas échéant, sur la réparation au titre de la satisfaction équitable249(*). Les arrêts rendus présentent un caractère définitif (A) et sont obligatoires pour les parties (B). A- Le caractère définitifDans les conditions énoncées à l'article 44 de la Convention, l'arrêt n'est pas susceptible de contestation ou de modification. Mais il peut faire l'objet d'une demande en interprétation ou une demande en révision en cas de découverte d'un fait qui, par sa nature, aurait pu exercer une influence décisive sur l'issue d'une affaire déjà tranchée et qui, à l'époque de l'arrêt, était inconnu de la Cour et ne pouvait raisonnablement être connu d'une partie250(*). La Cour a mis l'accent sur le « caractère exceptionnel » de cette procédure de révision qui porte atteinte à « l'autorité de la chose jugée »251(*), et sur la nécessité d'un « examen strict » de la recevabilité d'une telle demande (affaire Pardo c. France, 10 juillet 1996, recevabilité Rec. 1996, 860). Elle a été très peut utilisée et une demande en interprétation ne peut tendre à faire modifier le dispositif clair et précis d'un arrêt (Hentrich c. France, 3 juillet 197, Rec., 1997, 1285)252(*). Jean-Marie BECET et Daniel COLARD n'hésitent pas à qualifier les arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l'homme d'une « qualité technique remarquable » en donnant quelques exemples notamment les affaires Lowless c/Irland, arrêt du 1er juillet 1961 ; Becker c/Belgique, arrêt du 27 mars 1962 ; l'affaire linguistique belge, arrêt du 23 juillet 1968 ; Delcourt c/Belgique, arrêt du 17 janvier 1970 ; Ringeisen c/Autriche, arrêts du 16 juillet 1971, du 22 juin 1972 et du 23 juin 1973 ; Golder c/Grande Bretagne, arrêt du 18 janvier 1978 ; Handyside c/Grande Bretagne, arrêt du 7 décembre 1976 ; affaire G. Kloas c/RFA, arrêt du 6 septembre 1978 pour ne citer que ces célèbres253(*). Les Etats ont ainsi l'obligation de se conformer à ces arrêts rendus par la Cour. * 241 AUTEXIER (Christian) Cité par FRESSEIX (Patrick) « Les droits fondamentaux, prolongement ou dénaturation des droits de l'homme ? » In Revue du Droit Public et de la Science Politique en France et à l'étranger, N°2, Paris, LGDJ, Mars-avril 2001, p549 * 242 WACHSMANN (Patrick), Op.Cit., pp226-228 * 243 BERGER (Vincent), « La gestion des requêtes par la Cour européenne des droits de l'homme » in Institut des droits de l'homme des avocats européenne et Institut des droit de l'homme du barreau de Bordeaux, « Le procès équitable et la protection juridictionnel du citoyen », Colloque organisé pour le cinquantième anniversaire de la Convention européenne des droit de l'homme, Bordeaux, 29-30 septembre 2000, Bruxelles, Bruylant, 2001, pp 115-130 * 244 ERGEC (Rusen), Op.Cit., p121 * 245 GOMIEN (Donna), Vade mecum de la Convention européenne des Droits de l'homme, Strasbourg, Direction des droits de l'homme, Conseil de l'Europe, 1999, pp146-148 * 246 BERGER (Vincent), Op.Cit., p116 * 247 Prévu à l'article 38 (1) (b) de la Convention, le règlement amiable consiste le plus souvent en l'octroi au requérant d'une compensation financière ou en d'autres mesures comme la remise de peine, l'autorisation d'entrer dans le pays d'où il avait été expulsé, ou même en l'engagement de l'Etat à faire en sorte que la législation incriminée soit modifiée. * 248 La première obligation d'un Etat partie mis en cause pour violation des droits de l'homme est le paiement de la satisfaction équitable (normalement une somme d'argent) éventuellement accordée par la Cour au requérant en vertu de l'article 41 de la Convention (couvrant selon le cas, les dommages matériel, moral et ou frais et dépens). Le paiement constitue une obligation stricte et clairement définie dans l'arrêt. Voir, par exemple l'affaire colozza et rubinat, arrêt du 12 février 1985. * 249 COHEN-JONATHAN (Gérard), aspects européens..., Op.Cit., p 45 * 250 ERGEC (Rusen), Op.Cit., p149 * 251 Comme tout acte juridictionnel, les arrêts de la Cour européenne sont revêtus de l'autorité de la chose jugée, c'est-à-dire une autorité servant de fondement à l'exécution forcée d'un droit judiciairement établi, et faisant obstacle à ce que la même affaire soit à nouveau protée devant un juge. * 252 SUDRE (Frédéric), Droit international et européen..., Op.Cit., pp 451-452 * 253 BECET (Jean-Marie) et COLARD (Daniel), Op. Cit, pp253-254 |
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