Les mécanismes internationaux de protection et l'effectivité des droits de l'hommepar Kiliya Dominique KAMWANGA Université D'ABOMEY-CALAVI (Bénin) - DEA Droit de la personne et de la démocratie 2005 |
B- Les implications dans l'ordre juridique interneLes effets de l'ordre public sont, en théorie, similaires dans l'ordre juridique international, où le jus cogens vient limiter la souveraineté des Etats et en leur interdisant de conclure les traités internationaux contraires à des « normes impératives du droit international général »237(*). Ainsi, l'ordre public exerce les fonctions de « police juridique » reconnues comme telles dans l'intérêt général, et produit des effets particulièrement dans le domaine contractuel et dans le domaine procédural au-delà de ceux qui s'attachent au principe « pacta sunt servanda ». Il conduit, en Europe, à la pleine soumission des Etats parties au mécanisme de contrôle à travers « l'inopposabilité de la clause de réciprocité, l'invalidité des restrictions ratione loci et ratione materiae aux déclarations d'acceptation de la compétence des organes de contrôle, l'appréciation de la validité des réserves et la radiation du rôle. »238(*). En effet, en écartant toute idée de réciprocité, la Convention n'apparaît plus comme un faisceau d'engagement réciproque des parties, mais comme un engagement objectif, erga omnes (Affaire Autriche c. Italie sur l'absence de réciprocité dans le temps en vertu de l'article 24 de la Convention, CEDH, Req. 788/60, décision du 11 juillet 1961). Les affaires chrysostomos et al c. Turquie239(*) et Loizidou (précitée) ont permis à la Commission et à la Cour de se prononcer sur la compatibilité avec la Convention des deux déclarations de la Turquie, l'une d'acceptation du droit de recours individuel conformément à l'article 25 de la CEDH et l'autre d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour qui, de manière similaire, restreignent ratione loci et ratione materiae la compétence de la Commission et de la Cour. Les deux décisions sont très révélatrices des contraintes de l'ordre public européen. Quant aux réserves, la Cour se déclare compétente pour apprécier la validité d'une réserve étatique, alors que ni le secrétaire général du Conseil de l'Europe ni les autres Etats contractants n'auraient émis des objections. Lorsqu'une réserve est invalidée par la Cour, celle-ci exerce son contrôle comme si la réserve n'existait pas. L'invalidation de la réserve n'a pas pour effet d'invalider la ratification par l'Etat en cause qui reste membre de la Convention. A titre illustratif, les arrêts ci-après renseignent sur la gestion des réserves par la Cour de Strasbourg : Arrêt Belilos du 29 avril 1988, § 47 et suivants ; Arrêt Loizidou, exceptions préliminaires, § 72 et suivants ; Arrêt Stallinger et Kuso du 23 avril 1997, etc.240(*) En définitive, la protection des droits de l'homme exige que l'on écarte les règles traditionnelles du droit international pour interpréter l'étendue de la compétence des organes de contrôle en Europe qui conduit logiquement à l'affirmation d'un ordre public. L'efficacité de la Convention tient donc au fait qu'elle est parvenue à briser les barrières de la souveraineté étatique en s'érigeant en véritable constitution qui supplante les ambitions égoïstes des Etats membres du Conseil de l'Europe. La Convention est donc parvenue à mettre un terme au débat qui longtemps oppose les juristes, les politistes et même les philosophes sur la supra constitutionnalité et la souveraineté. En outre, cette efficacité de la Convention se confirme dans la technique juridictionnelle mise en place qui constitue le fondement de la garantie effective des droits de l'homme et qui répond efficacement à son idéal. * 237 cfr. Articles 53 et 64 de la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969 * 238 SUDRE (Frédéric), In TAVERNIER (Paul) (Sous la dir.), Op.Cit., pp 58-70. * 239 Décision CEDH du 4 mai 1991, Réq 8007/77 § 13 * 240 ERGEC (Rusen), Op.Cit., pp 132-133 |
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