L'aménagement des droits des actionnaires après l'ordonnance du 24 juin 2004par Julien Carsantier Université Paris Dauphine - DEA 122 2005 |
(ii) Le sort des actions de préférence en cas de fusion ou de scission358. - Le Code de commerce se penche également sur la fusion et la scission aux termes de laquelle l'émetteur d'actions de préférence transmet son patrimoine à une ou plusieurs autres sociétés. De fait, l'article L. 228-17 du Code de commerce prévoit que dans de telles occurrences « les actions de préférence peuvent être échangées contre des actions des sociétés bénéficiaires du transfert de patrimoine comportant des droits particuliers équivalents, ou selon une parité d'échange spécifique tenant compte des droits particuliers abandonnés », et précise qu' « en l'absence d'échange contre des actions conférant des droits particuliers équivalents, la fusion ou la scission est soumise à l'approbation de l'assemblée spéciale prévue à l'article L. 225-99 ». Deux hypothèses sont donc à distinguer. 359. - Soit les actions de préférence sont échangées contre des titres bénéficiant de droits équivalents. En ce cas, il n'est pas obligatoire de réunir l'assemblée spéciale des porteurs pour approuver la fusion ou la scission. Cette règle doit être comprise comme une dérogation à la disposition générale figurant dans le régime des fusions ou scissions de sociétés anonymes qui exige la ratification de l'opération par les assemblées spéciales des porteurs de titres de capital d'une catégorie déterminée655(*). 360. - Soit les actions de préférence sont échangées contre des titres de capital ne comportant pas des droits équivalents. En ce cas, une parité d'échange tenant compte des droits particuliers abandonnés doit être établie, et il y a lieu de soumettre le projet de fusion ou de scission à l'assemblée spéciale des titulaires d'actions de préférence, pour approbation. 361. - Le dispositif paraît donc simple. Il le serait, si n'était la difficulté d'apprécier ce qu'il convient d'entendre exactement par « droits particuliers équivalents » au sens du nouveau texte. La question est importante puisqu'il s'agit de savoir dans quels cas exactement l'émetteur peut ne pas consulter son assemblée spéciale des titulaires d'actions de préférence. Interrogé sur la question, le Ministre de la Justice, a fait savoir que la formule de l'article L. 228-17 du Code de commerce permettait, selon lui, « l'échange d'actions de préférence donnant droit, par exemple, à une attribution de dividende préférentielle ou à la désignation d'un membre du conseil de surveillance contre d'autres actions de préférence donnant droit à l'attribution préférentielle d'un dividende ou la désignation d'un membre du conseil de surveillance, en tenant compte éventuellement d'une parité d'échange en fonction de la réduction de droit consentie. EN revanche, s'il n'existe pas dans la nouvelle société d'actions de préférence disposant de droits particuliers équivalents, la parité d'échange devra tenir compte de l'abandon »656(*).
362. - Ainsi, d'après l'exemple choisi, ce serait l'identité des droits particuliers qui se trouvent attachés aux actions de préférence - encore que la réponse suggère qu'il pourrait y avoir lieu de calculer, même dans cette hypothèse, une parité particulière - qui serait le critère, et non vraiment l'équivalence qu'évoque pourtant l'article L. 228-17. Le critère serait assurément plus fiable, encore que les droits identiques peuvent parfaitement ne pas avoir la même valeur selon qu'on les exerce dans une société absorbée (à forte rentabilité par exemple) ou que l'on est appelé à les exercer dans la société absorbante (laquelle peut être lourdement endettée). Par prudence, il faudrait exiger que non seulement les droits particuliers soient de même nature, mais qu'ils aient également la même valeur exactement car, finalement, c'est la double question du maintien des droits, d'abord, puis de la parité, « particulière » ou non, ensuite, qui justifie que l'on consulte - ou pas - l'assemblée spéciale des titulaires d'actions de préférence657(*).
363. - En conséquence, il n'est pas certain que la réponse ministérielle donnée éclaire utilement le débat sur le sens qu'il convient de donner au nouvel article L. 228-17 du Code de commerce. On peut d'ailleurs penser que cet article complique les choses dans la mesure où l'article L. 236-9 du même Code, propre à la fusion, ne s'embarrasse pas, lui, de ces subtiles distinctions lorsqu'il commande de soumettre le projet de fusion « dans chacune des sociétés qui participent à l'opération, à la ratification des assemblées spéciales d'actionnaires mentionnées aux articles L. 225-99 et L. 228-15 ». La pratique aura donc sans doute intérêt à continuer de consulter l'assemblée générale des titulaires d'actions de préférence dans tous les cas de figure658(*). 364. - Il est à noter que rien n'est dit de la mission des commissaires à la fusion en présence d'actions de préférence. Dès lors qu'ils ont notamment l'obligation de vérifier « que le rapport d'échange est équitable »659(*), il ne serait pas logique qu'ils puissent se désintéresser de cette question d'équivalence des droits660(*). La profession de commissaire aux comptes est d'ailleurs sollicitée à un autre titre, celui de l'information des actionnaires de préférence. * 655 Art. L. 236-9 et L. 236-16 C. com. * 656 Rép. Min. Justice à M. ADNOT n° 13316, JO Sénat Q, 30 septembre 2004, p. 2236. * 657 En ce sens, H. Le Nabasque, « Sort des actions de préférence en cas de fusion ou de scission de la société émettrice », RD bancaire et financier 2005, p. 30. * 658 En ce sens, H. Le Nabasque, « Sort des actions de préférence en cas de fusion ou de scission de la société émettrice », art. préc. * 659 Art. L. 236-10, II C. com. * 660 En ce sens, A. VIANDIER, « Les actions de préférence », art. préc., p. 1537. |
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