Paragraphe II
: Une convention
ambitieuse mais encore trop récente pour mesurer les progrès
réalisés
La convention des Nations Unies de 1989 relative aux droits de
l'enfant30(*) est
l'instrument international le plus complet à l'heure actuelle en
matière de travail des enfants. Cette convention définit l'enfant
comme tout « être humain âgé de moins de 18 ans,
sauf si la majorité a été atteinte plus tôt en vertu
de la législation qui lui est applicable » . Elle vise
à défendre toute une série de droits de l'enfant, parmi
lesquels celui « d'être protégé contre
l'exploitation économique et de n'être astreint à aucun
travail comportant des risques ou susceptible de compromettre son
éducation ou de nuire à sa santé ou à son
développement physique, mental, spirituel, moral ou
social »31(*).
Tout en faisant indirectement référence aux normes
internationales du travail, cette convention impose aux Etats parties de fixer
un âge minimum ou des âges minimums d'accès à
l'emploi, de réglementer la durée ainsi que les conditions du
travail et d'appliquer des peines et sanctions appropriées pour assurer
l'application effective de ces dispositions. 32(*)
Le Bureau International du Travail communique
régulièrement des informations sur l'application des dispositions
pertinentes de cet instrument au Groupe de travail de présentation du
Comité des droits de l'enfant, qui examine les rapports des Etats
parties relatifs à son application. Certains articles de la
convention concernent d'autres formes extrêmes de travail des enfants,
par exemple, l'exploitation et la violence sexuelles33(*), l'enlèvement, la vente
et la traite d'enfants à quelque fin que ce soit et toutes autres formes
d'exploitation préjudiciables à tout aspect de leur
bien-être. Cette convention invite les Etats parties à prendre
toutes les mesures possibles et appropriées pour faciliter la
réadaptation physique, psychologique et sociale de tout enfant victime
de toute forme de négligence, d'exploitation ou de
sévices34(*). Le
droit de l'enfant à l'éducation est aussi reconnu par la
Convention relative aux droits de l'enfant qui dispose que l'enseignement
primaire devrait être obligatoire et gratuit pour tous35(*).
La Convention a suscité un changement profond qui
commence déjà à avoir des effets notables sur les
attitudes de la communauté internationale à l'égard de ses
enfants. Dès lors qu'un Etat a ratifié la Convention, il est
juridiquement tenu de prendre toutes les mesures adéquates pour aider
les parents et autres parties responsables à tenir les obligations
qu'elle impose envers les enfants. A l'heure actuelle, 96% des enfants du monde
vivent dans des pays obligés juridiquement de protéger les droits
des enfants. Pour remplir leurs obligations, les Etats se trouvent parfois
obligés d'apporter des modifications fondamentales aux lois,
institutions, plans, politiques et usages nationaux afin des les aligner sur
les principes de la Convention. La première priorité doit
être de susciter la volonté politique de le faire. Comme l'avaient
reconnu les rédacteurs de la Convention, il n'y aura de changement
réel dans la vie des enfants que lorsque l'éthique et les
attitudes sociales auront progressivement évolué pour devenir
conformes aux lois et aux principes, et, lorsque les enfants, devenus acteurs
de ce processus, connaîtront suffisamment leurs droits pour s'en
réclamer. Le Comité des droits de l'enfant est l'organe
officiellement chargé de surveiller le processus. Les Etats s'engagent
à soumettre dans les deux ans suivant la ratification et par la suite
tous les cinq ans, un rapport sur les mesures qu'ils auront adoptées
pour modifier leurs législations nationales ainsi que pour formuler des
politiques et des plans d'action. Le Comité composé de dix
experts, rassemble des informations vérifiées auprès
d'organisations non gouvernementales ( ONG ) et intergouvernementales, y
compris l'UNICEF, et ces groupes peuvent préparer des rapports
indépendants de ceux des gouvernements. Le Comité et le
gouvernement concerné se rencontrent ensuite pour discuter des efforts
déployés dans le pays en faveur des droits de l'enfant et des
mesures à prendre pour surmonter les difficultés. Ce
système de rapport s'est avéré dynamique et constructif,
ouvrant un dialogue qui aide à faire progresser les droits de l'enfant.
Malheureusement, beaucoup de pays ont négligé de faire parvenir
leurs rapports dans les délais.
Le processus d'application de la Convention n'en est encore
qu'à ses balbutiements mais ce traité international en faveur des
enfants commence déjà à faire sentir ses effets. Comme
l'indiquait l'UNICEF en 1996 dans sa publication « Le progrès
des nations », 14 des 43 pays dont les rapports avaient pu être
examinés à cette époque avaient intégré les
principes de la Convention dans leur Constitution, et 35 avaient adopté
de nouvelles lois ou amendé les textes existants pour s'y conformer.
Enfin, 13 pays avaient incorporé la Convention dans leurs programmes
scolaires, démarche capitale pour commencer à informer les
enfants de leurs droits.
L'élaboration d'une volonté internationale de
combattre le travail des enfants est désormais chose faite mais qu'en
est-il au niveau national ? En effet, même s'il paraît simple
d'édicter de grands idéaux au sein d'une Convention
internationale, la tâche est souvent beaucoup plus ardue lorsqu'il s'agit
de traduire ces belles paroles au sein des lois nationales de pays souvent
pauvres et peu stables politiquement . La Convention énonce
l'obligation faite aux Etats de prévoir une réglementation en
matière de travaux dangereux, mais il nous faut voir maintenant si cette
volonté édictée a été suivie par les Etats
parties. Malheureusement, peu de pays définissent actuellement la notion
de travail dangereux dans leur législation générale.
Habituellement ces travaux dangereux sont définis en termes
généraux comme ceux qui menacent la santé, la
sécurité ou la moralité des enfants, reprenant ainsi le
vocabulaire utilisé par la convention n°138. De plus, peu de
législations prévoient des interdictions générales.
La plupart du temps, sont énumérées les industries les
professions et activités dangereuses interdites aux enfants, comme, par
exemple, les industries extractives, le travail maritime, le travail sur des
machines en mouvement, la manipulation de substances explosives ou nocives, la
construction ou démolition, les transports et les spectacles. Souvent
aussi, la législation nationale se réfère à des
travaux physiquement pénibles pour les jeunes ou disproportionnés
avec leurs forces. Dans certains cas, la notion de travail dangereux est
étendue à des situations où le manque d'expérience
ou de maturité risque de menacer la sécurité d'autrui. Une
autre approche consiste à définir les risques liés au
milieu physique ou les risques ergonomiques particulièrement nocifs
auxquels les enfants ne doivent pas être exposés. On voit donc que
les notions d'aptitude de l'enfant au travail ou de pénibilité du
travail restent soumises à des interprétations fort variables
selon les pays, et ce d'autant plus suivant le type d'activité le plus
représenté dans le pays. Les mesures prises en matière de
travaux dangereux seront axées sur les activités extractives dans
un pays à production minière comme la Colombie, sur les services
domestiques dans les pays très pauvres comme le Bangladesh ou le Sri
Lanka ou sur l'industrie du spectacle dans des pays comme la Thaïlande.
Les conditions déplorables de travail, et donc de vie,
de millions d'enfants sont donc désormais prises en compte, et fortement
combattues au niveau mondial. Cependant, devant l'étendue de la
tâche à accomplir, et la relative efficacité des normes
internationales, la communauté internationale a décidé en
1999 de changer de stratégie, afin d'être efficace plus
rapidement.
* 30 Convention relative aux
droits de l'enfant ; entrée en vigueur le 2 septembre 1990.
* 31 Article 32 alinéa 1
Convention relative aux droits de l'enfant 1989
* 32 Article 32 alinéa 2
Convention relative aux droits de l'enfant 1989
* 33 Article 34 Convention
internationale relative aux droits de l'enfant.
* 34 Article 39 Convention
internationale relative aux droits de l'enfant.
* 35 Article 28 Convention
internationale relative aux droits de l'enfant.
|