Paragraphe II : Un phénomène ne se limitant pas aux
pays pauvres
Même si la grande majorité des enfants qui
travaillent se trouve en Asie, en Afrique ou en Amérique latine, le
travail des enfants ne se limite pas aux pays en développement. En
effet, les pays industrialisés utilisent également cette main
d'oeuvre mais c'est alors la nature du travail des enfants qui détermine
s'il leur est préjudiciable et non le simple fait d'avoir un emploi. Peu
d'habitants des régions industrialisées pensent qu'employer un
jeune à livrer des journaux pendant une heure ou deux avant
l'école soit une forme d'exploitation, bien qu'il soit certainement
moins payé qu'un adulte pour un travail similaire. Souvent, l'enfant
sera même encouragé à prendre ce genre d'emploi afin de se
frotter au monde du travail. Toutes les formes de travail confondues, le
pourcentage de main-d'oeuvre enfantine peut être étonnamment
élevé : au Royaume-Uni il apparaît que le
phénomène concerne de 15 à 26% des enfants
âgés de 11 ans et de 36 à 66% des jeunes de 15 ans10(*). Une enquête
réalisée au niveau local en Grande-Bretagne a constaté que
40% des enfants interrogés avaient, sous une forme ou une autre,
« un métier ou une occupation exercée à des fins
lucratives », c'est à dire un travail autre que le
baby-sitting ou les courses. D'autres études montraient l'existence d'un
lien entre le chômage des parents et le travail des enfants et que,
à Londres, quatre enfants sur cinq qui travaillent le font
illégalement, soit parce qu'ils n'ont pas l'âge, soit parce que
leur travail ne convenait pas pour un enfant. Le nombre de familles à
faibles revenus ne cessant d'augmenter, de plus en plus d'enfants vont se
mettre à la recherche d'un emploi, souvent clandestin et illégal.
Il ne faut pas croire que ces enfants travaillent dans des conditions plus
sécurisées que dans les pays en développement puisque l'on
relève malheureusement parfois des accidents très graves :
un enfant de 14 ans qui travaillait pour un salaire d'une livre à
l'heure dans une usine de literie s'est fait happer le bras dans une machine
dépourvue de protection. En Angleterre deux grandes firmes ont
été récemment poursuivies en justice pour avoir
employé des enfants en dessous de l'âge minimum !
En Italie, le problème du travail des enfants est
également grandissant, et on estime à plusieurs centaines de
milliers le nombre d'enfants qui travaillent d'une manière ou d'une
autre dans ce pays, principalement dans les grandes villes. Beaucoup d'enfants
font l'école buissonnière pour aller travailler. Le travail
à domicile est une forme très répandue d'exploitation des
enfants et l'industrie de la chaussure est un grand secteur de
l'économie clandestine qui fonctionne avec des milliers de petits
ateliers dispersés un peu partout, ce qui rend l'intervention des
pouvoirs publics quasiment impossible.
Le travail des enfants gagne du terrain également au
Portugal où de plus en plus d'enfants sont employés dans de
petites entreprises qui veulent s'assurer des gains de
compétitivité sur le marché européen. Les enfants
sont exploités dans la métallurgie, le commerce, le tourisme, le
textile, la construction, la poterie mais aussi la chaussure, les services
domestiques et la confection. 11(*)
Cependant, dans les pays industrialisés comme le
Royaume-Uni, la plupart des jeunes travailleurs fréquentent
également l'école. Mais, il serait complètement naïf
de croire que dans les pays occidentaux, le travail des enfants est toujours du
type « argent de poche ». Les nations
industrialisées auraient tendance selon l'UNICEF à
« penser qu'elles ont complètement aboli les formes les plus
dures de travail des enfants et poussent donc les pays pauvres à suivre
leur exemple »12(*). On trouve encore fréquemment des formes
dangereuses de travail des enfants dans la plupart des pays riches.
Habituellement, les enfants exploités seraient issus de minorités
ethniques ou de groupes d'immigrants, comme les communautés tsiganes et
albanaises en Grèce. C'est aussi le cas aux Etats-Unis, pour la
majorité des enfants travailleurs employés dans l'agriculture.
Une étude réalisée en 1990 par l'Agence
générale comptable a montré une augmentation de 250% des
infractions à la législation sur le travail des enfants entre
1983 et 1990. En 1990, une opération menée par le
ministère du Travail pendant trois jours a révélé
que 11 000 enfants travaillaient clandestinement13(*). La même année,
une enquête sur les enfants mexico-américains occupés dans
les exploitations agricoles de l'Etat de New York a révélé
que près de la moitié avaient travaillé dans des champs
encore humides de pesticides et que plus d'un tiers avaient été
touchés par des pulvérisations directes ou indirectes.
On voit donc que le travail des enfants n'est pas le triste
privilège des pays en développement, mais qu'il existe
également à nos portes. Néanmoins, cela ne doit pas nous
empêcher de vouloir à tout prix que celui-ci cesse rapidement dans
les pays pauvres, car c'est tout de même dans ces régions qu'il
est le plus généralisé et que les conditions de travail
sont les plus déplorables.
* 10 «Child Labour in
Britain», Report to the International Working Group on Child Labour,
September 1995, p.34.
* 11 Tous ces exemples sont
tirés du rapport « Pas le temps de jouer. Le travail
des enfants dans l'économie mondiale. »rapport
de la CISL Juin 1996.
* 12 UNICEF 1997
* 13 « Le travail
dans le monde » 1992, BIT, Genève, 1992,P.14
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