CHAPITRE II : LA RECHERCHE DE SOLUTIONS
PLUS CONCRETES ET D'ALTERNATIVES AU TRAVAIL DES ENFANTS
La communauté internationale s'est engagée
à éliminer rapidement le travail des enfants dans des conditions
dangereuses et, à plus long terme à éradiquer totalement
le fléau que constitue le travail des enfants. Cependant, il serait
totalement utopique, de penser pouvoir retirer les enfants purement et
simplement du travail qu'ils effectuent sans leur proposer des solutions de
remplacement. Le résultat serait alors complètement à
l'opposé de celui escompté et agrandirait considérablement
la misère de ces enfants.
Parmi ces solutions de remplacement tous les Etats se doivent
de fournir aux enfants ne travaillant pas une éducation de
qualité et accessible à tous ; c'est dans cet exigence
primordiale que réside sans doute la principale solution au
problème du travail des enfants, et c'est pour cela que favoriser
l'éducation est un point de départ indispensable à
l'éradication du travail des enfants ( Section I ). Cependant, la lutte
contre le travail des enfants doit se mener sur plusieurs fronts à la
fois pour être efficace. Il est indispensable d'obtenir un large
consensus au sein de l'opinion publique et de la communauté
concernée, pour que la situation de ces enfants évolue (
Section II ).
SECTION I : Favoriser
l'éducation : un point de départ indispensable
Pour que l'éducation soit une véritable solution
au problème du travail des enfants, il faut qu'elle soit offerte
à tous les enfants, y compris ceux qui sont actuellement au travail mais
ceux-ci sont la plupart du temps peu enclins à quitter leur travail
( Paragraphe I ), car ils estiment sans doute à juste titre que
l'éducation n'est pas appropriée à leurs attentes (
Paragraphe II ).
Paragraphe I : Réussir
à amener les enfants à l'école
Le bilan de « l'éducation pour
tous » réalisé en 2000 par l'UNICEF, évaluation
la plus complète jamais réalisée en matière de
développement de l'éducation, montre que le taux net
d'inscription à l'école primaire a augmenté dans les
années 90 dans toutes les régions du monde. Cependant, l'objectif
énoncé dans les conventions internationales, telles que la
Convention internationale relative aux droits de l'enfant, de l'accès
universel à l'éducation de base n'a pas été
atteint. Il subsiste en effet, près de 130 millions d'enfants qui ne
sont pas scolarisés ; ce chiffre serait même de 404 millions
si l'on considère l'ensemble des moins de dix huit ans. Grâce
à ces chiffres, il est assez facile de faire le lien entre le travail
des enfants et le non accès à l'éducation, puisque parmi
les 250 millions d'enfants qui travaillent, le BIT estime à 120 millions
le nombre de ceux qui travaillent à temps plein, et ne peuvent donc pas
bénéficier d'une scolarisation.
La mise en place d'une éducation de qualité dans
des pays où le travail des enfants est très
développé se heurte à un problème difficilement
compréhensible : les enfants ne souhaitent pas toujours aller
à l'école mais préfèrent au contraire continuer
à travailler. En effet, les enfants travailleurs eux-mêmes ne
montrent pas un grand enthousiasme à l'idée d'entrer dans un
système d'éducation qui, la plupart du temps, a
déjà déçu la majorité de ceux qui l'ont
fréquenté pendant une courte période. Ils dénoncent
les traitement inhumains et dégradants dont sont victimes beaucoup
d'enfants travailleurs pendant les heures d'école, et surtout
l'inadaptation de l'école. Ils veulent bien apprendre à lire et
à écrire mais ils ne demandent pas pour autant que l'école
soit l'activité principale de l'enfance. Dans une étude
menée auprès des enfants des rues au Brésil et au Paraguay
une partie non négligeable des enfants interrogés ont dit
préférer continuer à travailler plutôt que de
retourner à l'école. Ayant connu la dangereuse liberté de
la rue, ces enfants sont en effet les moins susceptibles de se couler à
nouveau dans le cadre d'une école traditionnelle. Il devient alors
d'autant plus difficile de répondre à leurs besoins
éducatifs. De toute façon, que ce soit par choix ou par
obligation financière, des millions d'enfants ne peuvent pas quitter
leur travail : il faut donc que ce soit l'école qui vienne à
eux pour qu'ils puissent profiter de ses bienfaits.
Presque toutes les tentatives faites pour apporter
l'éducation aux enfants qui travaillent ont été
menées dans le cadre de programmes indépendants du système
éducatif. L'un des programmes les plus connus est sans doute le
programme du Comité rural pour le développement rural du
Bangladesh ( BRAC )qui s'occupe d'enfants de 8 à 14 ans. Ce programme
reconnaît que la majorité des enfants qui le fréquente
consacrent une grande partie de leur journée à travailler dans
leur foyer ou dans les champs : par conséquent la journée
scolaire ne dépasse pas deux heures et demi. De plus, il est
impératif que ce type de structure tienne compte des rythmes journaliers
et saisonniers de la vie, tels que les périodes de récoltes. Ces
établissements sont installés près des habitations des
élèves leur évitant des trajets trop loin après des
journées de travail parfois bien fatigantes. L'éloignement des
écoles voir leur absence dans de larges zones géographiques est
aussi une des causes de leur non fréquentation par les populations
rurales. Enfin, et c'est là un point essentiel, car c'est le reproche le
plus courant fait à l'école dans les pays en
développement, l'enseignement insiste sur les compétences
pratiques correspondant à l'environnement de l'enfant. Les
résultats de ce programme sont excellents puisque plus de 95% des
élèves achèvent le cycle de trois ans et la plupart du
temps continuent à l'école primaire classique. Il existe environ
3 000 écoles du BRAC offrant un accès à l'éducation
de base à près d'un million d'enfants bangladais, dans les
campagnes ou dans les villes.
Une autre solution pour faciliter l'accès à
l'éducation des enfants au travail est d'amener directement
l'éducation aux enfants. L'idée des « éducateurs
de rue » est aujourd'hui développée partout dans le
monde. Elle a vu le jour en Amérique latine où des
éducateurs ont pris contact avec les enfants des rues afin de les aider
à retourner à l'école. Ces programmes se sont ensuite
développés à travers le monde sous le nom d'
« écoles des rues » ou d'
« écoles mobiles » ou de « retour à
l'école », et ont touché plus de 60 000 enfants aux
Philippines. Les éducateurs utilisent la pédagogie du souhait
pour permettre aux enfants de dresser des plans d'avenir. Les enfants
apprennent donc à lire et à écrire mais ils peuvent
travailler en même temps ou faire une formation professionnelle. De plus,
un aspect non négligeable de ces écoles des rues est qu'elles
permettent un certain encadrement de ces enfants, leur évitant parfois
de tomber dans les pièges qu'ils peuvent rencontrer tous les jours dans
la rue. Les éducateurs permettent également à ces enfants
d'accéder à certains soins médicaux, et fournissent des
abris et des repas réguliers, améliorant ainsi leur situation
sanitaire.
Le but suprême de l'éducation pour tous est
d'éradiquer à long terme le travail des enfants. En effet, la
démarche s'inscrit sur plusieurs générations : les
enfants retirés du travail et recevant une qualification, auraient un
travail moins pénible et mieux rétribué et ne seront donc
pas obligés, une fois adulte, d'envoyer leurs enfants travailler. Le
cercle vicieux de la pauvreté entraînant la pauvreté serait
alors brisé, au profit du cercle de l'instruction : les parents
ayant bénéficié des bienfaits d'une éducation de
base seront plus enclins à vouloir instruire leurs enfants. Cependant,
pour pouvoir mettre en oeuvre ces principes, très louables, on ne peut
pas se contenter de mettre en place ponctuellement des écoles des rues.
L'éducation non formelle, c'est à dire en dehors de structures
institutionnelles, même si elle a beaucoup d'avantages et d'excellents
résultats, ne doit pas faire oublier que c'est un système
institutionnel d'éducation de base très important que les pays en
développement doivent mettre en place le plus rapidement possible.
Une fois ce système mis en place, il faudra modifier
l'enseignement qui ne peut rester tel quel car il n'est pas en
adéquation avec les attentes des familles et des enfants. Il faut en
effet réussir à faire rester les enfants à l'école
grâce à des programmes attractifs et une facilité
d'accès accrue.
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