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UN RENOUVEAU DE LA PARTICIPATION ASSOCIATIVE ? L'engagement et le militantisme au sein du comité Attac Isère


par Eric Farges
Université Pierre Mendès France - IEP Grenoble -   2002
  

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2.2 Un engagement précis mais global

2.2.1 Lutter contre la spéculation

L'acronyme Attac, Association pour la Taxation des Transactions financières et l'Aide aux Citoyens, indique la première revendication sur laquelle s'est fondée l'association. Le terme de transaction est large mais il renvoie, en premier lieu, aux transactions financières, c'est-à-dire celles qui ont lieu sur le marché des changes. Nous avons déjà évoqué le contexte dans lequel Ramonet a proposé la mise en place de cette taxe. Il s'agissait d'une récession économique très forte touchant le sud-est asiatique en 1997, et plus particulièrement l'Indonésie et la Thaïlande. Leurs systèmes financiers et bancaires s'effondrèrent et la responsabilité fut attribuée à la globalisation et à la déréglementation des transactions financières et monétaires.193(*) Ramonet précise que « la taxation des revenus financiers est une exigence démocratique minimale. Ces revenus devraient être taxés exactement au même taux que les revenus du travail [...] C'est pourquoi il importe de mettre en place des mécanismes dissuasifs »194(*). Afin de « désarmer les marchés », il propose une taxe appelée « Tobin », du nom de son fondateur, celle ci n'étant parmi les mécanismes possibles que « l'un d'entre eux».

2.2.1.1 La taxe formulée par James Tobin

James Tobin est un économiste américain, diplômé de l'université de Harvard et professeur à l'université de Yale. Il a obtenu le prix Nobel d'économie en 1981 pour ses analyses des marchés financiers195(*). Il est considéré dans les cercles des économistes comme un Keynésien convaincu et un « anti-Friedman »196(*). Il fut le conseiller économique de J.F.Kennedy au début des années soixante et un farouche opposant à la politique économique du président Reagan. C'est en 1978 qu'il a publié l'article le plus connu proposant l'établissement d'une taxe sur les transactions de change. Toutefois sa première intervention remonte à 1972, soit peu de temps après l'abrogation, en août 1971, du système de taux de change fixe, créé lors du traité de Bretton Woods en 1944197(*). Au système de change fixe, a succédé un régime à « taux flottants » dans lequel la valeur des monnaies dépend du jeu du marché et des stratégies adoptées par les intervenants qui y sont présents. Cette modification a ouvert la porte à la spéculation198(*) sur le marché des changes.

C'est pour répondre à cette menace, qui représentait un facteur d'instabilité important au sein du système monétaire international, que Tobin proposa de prélever une taxe sur toutes les opérations de change privées. Cette taxe serait de l'ordre de 0, 1% du montant brut de la transaction, permettant ainsi de taxer les placements à court terme (moins d'une semaine) sans pénaliser les investissements qui seraient faits à long terme. Elle permettrait donc de faire la distinction entre les transferts spéculatifs et les transferts non-spéculatifs. La taxe serait collectée dans le pays où la transaction est conclue et nécessiterait une coopération entre les Etats qui serait possible selon lui à travers l'organisme du Fonds Monétaire International mis en place lors des accords de Bretton Woods. Il s'agit pour lui de réduire l'activité spéculative en la pénalisant et ainsi de limiter la volatilité des transactions. Le marché s'en retrouverait restreint aux seules opérations de change nécessaires à l'investissement.

Le but poursuivi par James Tobin et les économistes qui ont soutenu sa proposition est de rendre aux politiques monétaires nationales l'autonomie qu'elles ont perdue face aux marchés financiers199(*). En effet, dans un régime de change flottant, la tendance à l'uniformisation des taux sur l'ensemble des marchés est très forte, ce qui rend difficile l'élaboration d'une politique monétaire autonome pour les Etats200(*). Grâce à la taxe Tobin, il serait moins nécessaire d'utiliser les taux d'intérêts pour défendre le taux de change car les transactions ne s'effectueraient pas sur la base d'un profit spéculatif et la politique monétaire de détermination des taux d'intérêts pourrait être plus aisément mise au service de l'investissement201(*). La seconde conséquence de la taxe consisterait en la création d'une forme d'impôt sur le capital qui serait uniforme mondialement. Le produit de cet impôt pourrait servir à l'aide au développement. Toutefois, ce n'était pas l'objectif principal poursuivi par Tobin. Lorsque l'idée d'une taxe sur les transactions monétaire dans un but « social » est réapparue, Tobin a réaffirmé qu'il ne s'agissait pas de sa finalité202(*).

* 193 A l'occasion d'un séminaire international consacré à la Taxe Tobin, il fut convenu à propos des crises économiques de 1997 que « le régime de finance globalisée, né de la libéralisation et de la déréglementation des flux de capitaux, porte une responsabilité écrasante dans l'avènement de cet état de choses ». Attac France, « Pourquoi la taxe Tobin », texte adopté par le séminaire international d'économistes réunis par Attac, qui s'est tenu à la maison de l'Amérique Latine à Paris, 25/01/1999 in Tout sur Attac, p. 73.

* 194 Ramonet (Igniacio), «Désarmer les marchés », op.cit, annexe n°10, p. 26.

* 195 On peut préciser que contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce n'est pas pour sa proposition de taxe que James Tobin a reçut le prix Nobel d'économie en 1981 mais pour ses travaux sur la composition des porte feuilles des fonds spéculatifs. Le fait que Tobin soit Nobel d'économie est présent lors de chaque présentation de la taxe que publie l'association. Cela témoigne, selon nous, d'une tentative de crédibiliser l'idée de la taxe par la réputation de son auteur. Cf., Sahuc (Michel), « La taxe Tobin : soin palliatif du capitalisme », Le Monde libertaire, 17/-23/12/1998.

* 196 François Chesnais note d'ailleurs que la proposition de Tobin est très largement inspirée d'une idée formulée par Keynes en 1936 à propos des marchés boursiers : « La création d'une lourde taxe d'Etat frappant toutes les transactions se révélerait peut-être la plus salutaire des mesures permettant d'atténuer aux Etats-Unis la prédominance de la spéculation sur l'entreprise. » Keynes, La théorie générale de l'emploi, de l'intérêt, de la monnaie, Chapitre 12 in François Chesnais, Tobin or not Tobin. Une taxe internationale sur le capital, Paris, Esprit frappeur, 1998, p. 59.

* 197 Une conférence internationale s'est tenue aux Etats-Unis, à Bretton Woods en 1944 dans laquelle les participants se sont mis d'accord sur la création d'un système monétaire dont l'objectif était de surmonter l'instabilité monétaire et financière chronique des années 1920 et 1930. La pierre angulaire de ce système était la convertibilité du dollar en or à un taux fixe, le taux de change des autres monnaies se déterminant à leur tour par référence au dollar. Ce système a pris fin au début des années 70. Le déficit croissant du budget américain provoqua une forte poussée spéculative sur l'or en 1971, contraignant les autorités fédérales américaines à mettre fin à la convertibilité du dollar en or. La stabilité monétaire pris fin et les principaux pays industrialisés firent « flotter » leur monnaie. Le taux de change vis-à-vis des autres monnaies fut désormais fixé par le jeu de l'offre et de la demande. Les taux se mirent à varier les uns par rapport aux autres de façon importante et il devint possible de spéculer en effectuant des transactions dans un court laps de temps. Ibid, p. 19.

* 198 Nicolas Kaldor, disciple direct de Keynes, a défini la spéculation comme une « opération non liée à l'avantage tenant à l'usage d'un bien ou d'une transformation quelconque. » Ibid, p. 25

* 199 Tobin souligne que « ce qu'il faut préciser pour un pays, c'est la possibilité d'avoir un minimum de politique monétaire nationale indépendante. Voilà ce qui m'intéresse ». Le Monde, 17/11/1998.

* 200 Cf., Chesnais (François), op.cit, p. 25.

* 201 François Chesnais, membre du Conseil scientifique d'Attac, observe que « Lorsqu'il a formulé sa proposition en 1972, James Tobin voulait préserver l' « économie réelle » de l'interférence de la finance et préserver l'autonomie des gouvernements en matière de politique macro-économique [...] Le souci de Tobin était d'éviter que les marchés de devises deviennent l'une des arènes de la spéculation ». Faujas (Alain), « Les avatars de la taxe Tobin ou comment calmer la spéculation financière ? », Le Monde, Supplément Le Monde Economie, 1/09/1998, p. 6.

* 202 Lors d'une interview, il a déclaré : « A vrai dire, en Europe, on s'est souvent trompé sur le sens de ma taxe. On pensait que je voulais taxer les mouvements de capitaux pour dégager des ressources qui iraient à un organisme international comme l'ONU, qui les mettrait au service du développement ou de l `environnement. Ce n'était aucunement ma priorité ». Le Monde, 17/11/1998.

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