UN RENOUVEAU DE LA PARTICIPATION ASSOCIATIVE ? L'engagement et le militantisme au sein du comité Attac Isèrepar Eric Farges Université Pierre Mendès France - IEP Grenoble - 2002 |
2.1.1.2 L'association : une organisation au fonctionnement soupleFace à ces modes d'organisation qui ne correspondent pas aux attentes de certains adhérents, Attac est présenté comme une structure « souple », dans laquelle la liberté d'action et d'initiative est très importante183(*). Pour Julie, tandis que les structures politiques et syndicales apparaissent « vieilles » et « figées », Attac représente une association « très jeune », en « construction » et dont les débouchées sont incertains. Elle évoque une « création continue ». La forme associative qui est moins encadrée, permettrait davantage de « confrontation », de « recherche » et de « réflexion », qu'au sein d'un parti ou d'un syndicat. La forme associative a semble t'il contribué à l'engagement de plusieurs adhérents. Il s'agit pour eux de participer à une « expérience ». Lionel a été motivé par une « curiosité intellectuelle » qui l'a amené à s'intéresser au devenir du mouvement. C'est également pour cette raison qu'il s'est rendu à l'AG de St Brieuc, en octobre 2000. Il semble très intéressé par le conflit qui existe entre les comités locaux et la direction nationale. De même ce qui a interpellé Julie, ce ne sont pas les revendications que défend Attac, c'est avant tout la forme de militantisme qui était proposé. Attac a lancé, selon elle, un appel à « réveiller le citoyen » et à « réfléchir ensemble pour voir comment ça peut bouger ». Julie se représente son engagement comme une « expérience » de mobilisation. Il s'agit de l'opportunité de prendre part à quelque chose de nouveau et de voir comment l'association évolue. Par ailleurs, Julie, perçoit les problèmes de démocratie interne et le combat, auquel elle participe, en vue de la reconnaissance des comités locaux comme un premier défi à « changer les choses ». Les problèmes avec la direction nationale ne constitue pas un facteur de démobilisation dans son engagement. Au contraire, il s'agit pour Julie, d'une motivation supplémentaire car ces problèmes renvoient, selon elle, au slogan défendu par Attac, à savoir : « Il s'agit ensemble de se réapproprier l'avenir de notre monde ». Ce qui a lieu dans l'association préfigure ce qui peut avoir lieu a une échelle de « communauté de pays ». Par la nouveauté de sa forme Attac symboliserait un premier changement social. Il s'agit d'une expérience « à une échelle qui permet de comprendre ce qui se passe », tandis que les mécanismes de la finance ont une dimension qui lui « échappe ». Julie : Attac est une très jeune association et on ne sait pas ce que ça va donner [...] Pour moi ce qui est important c'est que c'est une association qui donne la possibilité aux gens de réfléchir, on rencontre une diversité de gens que je trouve très intéressante. À partir du moment où se sera structuré sous forme de parti politique, on ne gagnera pas d'ouverture et il y aura la bonne parole et tout ce côté, les réflexions un peu parallèles ça ne sera plus un espace de réflexion et de confrontation, de recherche car pour l'instant Attac pour moi c'est ça, une création continue. Pour moi ce qui intéressant c'est que ça fait appel à chaque citoyen [...] Mais je trouve quand même qu'il y a des choses intéressantes, je trouve que c'est tonique, peut-être que dans cinq ou six ans Attac sera devenue une association routinière et que ça aura changé Lionel : Je trouve ça assez intéressant. Dans ma motivation pour rejoindre Attac Isère, il y avait l'idée de rencontrer des gens avec qui on partage quelque chose et puis aussi par curiosité intellectuelle sur la création d'un mouvement qui se crée, à quoi ça correspond, qu'est-ce qui se joue ? Donc là c'était plutôt la dimension proche de mes intérêts non pas professionnels mais d'intérêts pour le regard psychosociologique, toute la dimension des sciences humaines par rapport à ce groupe humain avec un phénomène qui me paraît très actuel dans notre époque. C'est quelque chose qui naît, qui essaye de réagir à des problèmes avec tout ce qui touche la vie sociale et l'individu [...] Il y avait un effet politique dans cette assemblée du fait que pour Paris, leurs préoccupations sont en tant que créateur d'Attac et il y a un phénomène qui déborde le cadre intellectuel par lequel ça été créé. C'est assez intéressant de voir cette fronde qu'il y a pu y avoir à un moment donné entre les comités locaux et le bureau de Paris, cette recherche de se faire reconnaître et de se dire Attac ce n'est pas simplement le bureau d'une association c'est aussi tous les gens qui la composent. Moi j'y allais pour voir. Julie : Mais moi particulièrement ce n'est pas ça qui m'a attiré, c'est qu'à la fois elle abordait des problèmes et une vision du monde et qu'elle disait à chacun on va réfléchir ensemble pour voir comment ça peut bouger. Je ne rentrais pas dans une organisation qui était vieille, qui était déjà installée et qui avait déjà une ligne de conduite très précise, je rentrais dans une association qui faisait appel à chacun et qui devait se construire donc c'est une expérience. Il y a des choses qui vont, qui évoluent, il y a des conflits, les choses qui marchent bien, des choses intéressantes mais aussi des confrontations, mais aussi des choses avec lesquelles on n'est pas d'accord et il faut voir si on est capable de faire bouger aussi à l'intérieur même d'Attac les choses avec lesquelles on n'est pas d'accord. Comment peuvent se négocier des avis différents ? Comment peut-on arriver à produire quelque chose ensemble ? Car je me dis si on arrive à le faire dans Attac, il n'y a aucune raison pour qu'on puisse pas le faire ailleurs c'est-à-dire dans d'autres groupes et pourquoi pas au niveau d'une communauté beaucoup plus grande, une communauté de pays... C'est peut-être complètement utopique mais je me dis que l'avantage d'Attac c'est que c'est quelque chose qui débute et qui se construit au jour le jour [...] Alors je me dis que c'est intéressant car c'est encore à ma mesure au niveau des rouages, autant au niveau du pouvoir financier il y a quelque chose de très compliqué et il y a des choses qui nous échappent, l'association Attac est encore à une échelle qui permet de comprendre ce qui se passe et ça m'intéresse beaucoup de voir comment elle évolue et de voir ce qui se passe, comment elle va évoluer et comment chacun des militants qui sont à Attac et qui sont venus Attac parce que c'était justement l'aboutissement d'un appel à réveiller le citoyen qui est en chacun de nous, comment il va se débrouiller et comment va faire vivre sa au sein de l'association qui se réclame de cet objectif [...] C'est vrai que pour moi c'est une expérience ce qui se passe là, c'est une expérience de voir une mobilisation importante qui peut changer quelque chose si on a effectivement cette possibilité de faire pression pour changer ce qui ne me plaît pas [...] Est-ce qu'on est encore capable de se mobiliser et de bouger pour que vraiment on se fasse entendre en tant qu'hommes et femmes de ce monde ? Moi c'est ce qui m'intéresse.
* 183 On peut observer que les dirigeants décrivent Attac comme une structure souple. En effet, l'autonomie des comités locaux est souvent mis en avant au sein des brochures officielles ou encore dans la presse. « Ce foisonnement, cette diversité provient aussi de la structure même de l'association. Un mot le résume : souplesse. Les comités travaillent en toute autonomie ce qui facilite la prise en charge d'initiatives les plus originales les unes que les autres ». « Attac, une idée qui marche », L'Humanité hebdo, 23-24/10/1999, p. 12. |
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