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UN RENOUVEAU DE LA PARTICIPATION ASSOCIATIVE ? L'engagement et le militantisme au sein du comité Attac Isère


par Eric Farges
Université Pierre Mendès France - IEP Grenoble -   2002
  

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2.1.2 Le respect du pluralisme

2.1.2.1 Le refus du conformisme

Les organisations traditionnelles sont également perçues comme étant une limite à la liberté d'opinion. Cette critique est beaucoup plus fréquente à propos des partis que des syndicats. Selon les adhérents, les partis occupent dans la vie politique un rôle de mouvement d'idées qui n'est plus rempli actuellement. C'est ainsi que Fabien qualifie la vie politique française de « platitude ». Il exprime également son inquiétude vis-à-vis du rapport qu'entretiennent les jeunes avec la politique. Il considère qu'il n'y a plus suffisamment d' « effervescence au niveau des idées » pour que les jeunes puisent s'engager politiquement. Laurent affirme, à plusieurs reprises, qu'il se sent interpellé par « la politique ». Toutefois, les partis ne correspondent pas, selon lui, à des « mouvements d'idées » mais à des « écuries ».

Fabien : Ce n'est pas au niveau des partis politiques que l'on peut trouver de l'effervescence au niveau des idées. Ils sont un peu, je n'ose pas dire sclérosés, mais enfermés dans un certain confort intellectuel. Moi ce qui me paraît grave, c'est que la vie politique à l'heure actuelle doit avoir énormément de mal à intéresser les jeunes [...] Ce qui m'énerve, c'est que dans les partis politiques, quels qu'ils soient, il y a beaucoup de platitude, il n'y a rien de moins enthousiasmant. Et si j'ai une inquiétude à manifester, c'est que je ne vois pas comment les jeunes peuvent véritablement être motivés par des intérêts d'ordre politique.

Laurent : C'est une question de personnes car la politique en général ça m'interpelle et jusqu'à maintenant je n'avais jamais franchi le pas d'adhérer à un mouvement. Les mouvements politiques sont pour moi un peu trop des écuries, il ne me semble pas que ce soient des mouvements d'idées. En tout cas je ne retrouverais pas à militer vraiment pour un parti.

Cette dévalorisation des organisations syndicales et politiques s'assortit d'une critique de l'engagement militant. Fabien estime que l'engagement syndical est « borné ». Il regrette que les prises de position de la direction soient suivies de façon stricte sans regard critique. Il existe, selon lui, un conformisme intellectuel au sein de ces structures. Il explique, d'ailleurs, qu'à l'occasion des mouvements de grève de 1995, il avait participé à une réunion syndicale au cours de laquelle il avait soutenu le plan Juppé sous les critiques des syndicalistes présents. Peu de temps après, des membres de F.O (Force ouvrière) lui avaient avoué que malgré leur accord, ils étaient contraints par leur syndicat à afficher leur désapprobation. Fabien considère que ses collègues syndicalistes étaient « affligeants ». A l'inverse, il se décrit comme étant quelqu'un d' « indiscipliné » et d' « indépendant ». Il justifie, par ailleurs, le fait qu'il soit professeur d'université par l'autonomie que lui confère son travail. Laurent dévalorise également le militantisme syndical ou politique qui suppose, selon lui, de « mettre des oeillères ». L'adhésion a un parti lui semble « étrangère » car cela suppose d'adhérer totalement à une « idéologie » ou une « doctrine ». L'engagement politique relève, selon lui, de la même croyance que l'engagement religieux; le militant se situe dans des « chapelles » trop contraignantes. On pourrait s'attendre à ce que cette représentation ne soit pas partagée par ceux qui militent dans des organisations politiques. Toutefois Cécile, qui milite à la LCR, partage une conception similaire. Elle avoue avoir peur d'être sujette, au sein de son organisation, à un « endoctrinement ». C'est pour éviter « d'arrêter de réfléchir », qu'elle souhaite militer dans une autre organisation. Elle privilégie pour ce second choix, une association puisqu'elle militait auparavant à Ras l'Front de 1996 à 1999 et qu'elle a adhéré à Attac en janvier 2000. Ce second engagement lui permet de ne pas militer « en vase clos » dans la LCR et de garder un « esprit critique ».

Fabien : Je ne sais pas si vous vous rappelez de toutes ces manifestations qui ont eu lieu au moment du plan Juppé [...] J'y voyais toute une série d'aspects positifs. Je trouvais que ce plan allait plutôt dans le bon sens. J'ai été le dire assez librement et les gens qui étaient là, notamment du syndicat Force Ouvrière, étaient farouchement contre le plan Juppé et je me suis trouvé très fortement contesté. C'était une assemblée générale qui avait eu lieu à la faculté de sciences économiques. L'amphithéâtre était plein et on était plusieurs à s'exprimer. On m'a beaucoup critiqué et deux jours plus tard je rencontre des gens du brain trust de Force Ouvrière à Paris, et ils me disent « Dans le fond ce plan Juppé, il n'est pas si mal que ça mais on ne peut pas se permettre de le dire. Dans le fond on le trouve pas mal. Mais sur la place publique on est obligé de dire qu'on le trouve mauvais ». De même que quand la CSG avait été mise en place, j'avais un collègue qui était au service économique de la CGT, la CGT était partie complètement en guerre contre la contribution sociale généralisée, qui au fond n'était pas si mal que ça. Et ce collègue me dit « Au fond, on est pas si contre mais il faut qu'on dise qu'on est contre car la direction l'a dit ». Et ça je ne comprends pas [...] Dans les syndicats il y a beaucoup de sclérose. J'aime bien les syndicats [...] mais il y a des formes de militantisme qui sont un peu bornées et ce sont souvent celles-là qui tiennent un peu le haut du pavé.

Fabien : J'ai appartenu à un syndicat d'enseignants, le Syndicat National d'Enseignement Supérieur, le SNESUP. J'y ai adhéré mes premières années d'enseignement à l'université. J'ai commencé en 1970 et j'ai y été pendant près de dix ans. J'ai adhéré d'abord au SNESUP, puis j'étais agacé. Il y a un corporatisme excessif, un manque de raisonnement. C'est un peu le propre d'un syndicat, mais il y a plusieurs degrés. Là c'était vraiment du corporatisme, le nez sur le guidon. Je me suis rapidement lassé, et puis mes collègues étaient très bornés. Il y en avait qui étaient affligeant. Participer aux réunions était devenu pour moi un calvaire. Quand la littérature syndicale vous paraît répétitive et très automatique dans ces réactions...

Fabien : Je suis quelqu'un d'assez indépendant j'ai du mal à me canaliser dans un parti, la discipline de parti est quelque chose qui m'est insupportable. Je suis quelqu'un de très indiscipliné et ça me pèse d'être encadré par un parti. C'est un certain nombre de choses qui font que je n'aurai plus l'impression de me sentir suffisamment libre, si j'étais adhérent à un parti politique. Je n'arrive pas à prendre position d'un côté ou de l'autre. On aboutit à des absurdités totales, aussi bien au sein des partis que des syndicats [...] Et souvent quand on est encadré par des partis politiques, on est obligé de faire des concessions. Si je suis universitaire, c'est parce que c'est un des métiers qui permet une des plus grandes libertés de penser. C'est pourquoi je n'ai pas envie d'aller militer dans des structures où j'ai peur d'être trop canalisé.

Laurent : Ça a longtemps été une source de velléité, je m'intéresse à la politique mais en même temps j'ai une sorte de conscience cette lucidité, pour s'engager dans un mouvement je pense que quelque part il faut être un peu con dans le sens où il faut être un peu borné. Dans tout ce qui est politique il n'y a pas de vérité absolue et c'est tout le temps une question de perspectives. Et choisir une perspective c'est quand même se mettre des oeillères, même si on le fait lucidement, il n'y a pas de vérité. Pour s'engager quelque part il faut être un peu con, les militants purs et durs je ne les aime pas bien [...] Du coup tout en ayant une sorte de volonté de m'impliquer en tant que citoyen, je ne l'ai jamais vraiment fait car je n'ai pas envie de m'enfermer [...] Quand j'étais étudiant j'avais rencontré des gens qui étaient adhérents aux jeunesses communistes et je les regardais comme des gens étranges, ils m'interpellaient car je me demandais qui ils sont. Pour moi ce sont des gens différents et je les sens très loin de moi, je ne comprenais pas comment on pouvait adhérer au Parti communiste. Ça me semblait étrange parce qu'ils sont dans une chapelle avec une idéologie, une religion. De même titre que les gens qui croient en dieu, en tant que personne ils m'interrogent car je me dis comment ils font, c'est un peu la même chose au fond. En tout cas il y a des points communs entre la doctrine qu'elle soit religieuse ou laïque, moins maintenant.

Cécile : Moi j'ai toujours eu très peur par rapport à la Ligue d'arrêter de réfléchir, c'est-à-dire que c'est un parti qui a une énorme tradition politique et il y a un certain nombre de gens qui ont un positionnement politique très clair vis-à-vis des choses et ils sont capables de t'enfoncer. Le fait que je voie d'autres choses par ailleurs et que j'ai d'autres réflexions ça m'empêche de rester dans la ligne. J'ai une certaine méfiance par rapport à ça, par rapport à l'endoctrinement. Je ne vais pas militer qu'en vase clos à la Ligue parce que c'est vrai que si je me fichais complètement de ce qui se fait au niveau du monde militant et je ne pourrais plus avoir un esprit critique vis-à-vis de la Ligue. Militer ailleurs ça me permet d'avoir un positionnement critique vis-à-vis de mon propre parti. J'ai quand même les idées de la Ligue par ailleurs que j'ai envie de d'y diffuser ailleurs dans le monde associatif et donc aller militer ailleurs.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard