La règlementation des contenus illicites circulant sur le reseau internet en droit comparépar Caroline Vallet Université Laval de Québec - 2005 |
2) Le relativisme européen : une solution plus mitigéeIl faut rappeler que la « liberté d'expression est la règle et elle jouit d'une protection légale du plus haut niveau tant au niveau national qu'international »478(*). En Europe, cette liberté constitue également un principe fondamental pour une société démocratique479(*). Les restrictions exercées sur ce droit doivent respecter les critères de l'article 10 de la Convention européenne des Droits de l'Homme. Ces mesures doivent être prévues par la loi480(*). En outre, ce texte confère à la liberté d'expression un caractère transfrontalier. En effet, les États membres ne peuvent s'opposer à la libre circulation des informations que dans le respect du paragraphe 2 de cet article481(*). Ce dernier permet ainsi l'émergence de standards communs européens. Récemment, l'Europe a connu une vague de lutte contre le racisme et la xénophobie. En effet, des décisions françaises importantes sont intervenues telles que l'affaire Yahoo482(*) et l'affaire J'Accuse483(*). Elles montrent l'engouement de la France pour la lutte contre le racisme, négationnisme et le révisionniste sur Internet. D'ailleurs, certains ont considéré ces décisions comme une menace pour la liberté d'expression « voire comme un chef d'oeuvre de futilité, en raison du caractère transnational d'Internet »484(*). Les juges, grâce à ces dernières, veulent interdire toutes formes de racisme sur le territoire français et même l'imposer aux autres pays, comme aux États-Unis par exemple485(*). Or, ces derniers refusent cette conception contraire à leur Premier Amendement. La France a instauré de nombreuses limitations à ce droit, prévues par de multiples lois. Cette liberté est donc très encadrée. Cette conception témoigne du « goût français pour tout légiférer, parfois jusqu'à nos consciences, comme on l'a encore vu avec la loi sur les sectes »486(*). Tout ne peut donc pas se dire en France. Cette tendance à tout légiférer amène une certaine inquiétude puisque désormais, une parole déplacée peut entraîner des poursuites. Il en va de même pour la pédophilie qui connaît de nombreuses interventions législatives. En effet, les pays européens veulent endiguer cette activité qui utilise les enfants. La liberté d'expression ne peut pas être revendiquée dans ce cas de figure car la protection des enfants est plus grande, même si l'enfant est touché indirectement. Par exemple, en Espagne un mineur s'est fait arrêté pour avoir diffusé du matériel pédophile487(*) et au Royaume-Uni, cinq arrestations ont eu lieu dans le cadre d'opérations anti-pédophilie sur Internet488(*). Il existe plusieurs cas semblables qui augmentent au fil du temps sur le réseau. D'ailleurs, les policiers sont débordés par le nombre croissant de sites pédophiles489(*). La France possède une réglementation très répréhensive pour ce genre de faits, comme nous avons pu déjà l'exposer. Une seule image mettant en scène un mineur est punissable par la loi490(*). De plus, l'échange de photos est devenu quelque chose de banal et très répandu sur le réseau notamment sur Internet Relay Chat (IRC). Toutefois, une vraie « chasse » aux pédophiles s'est mise en place même s'il est encore difficile de les attraper car la plupart se trouve à l'étranger. Il ne faut pas oublier qu'Internet est un moyen fabuleux pour se faire entendre sur tous les sujets au détriment des pouvoirs publics ou de l'autorité du pays, qui voient d'un mauvais oeil que certaines idées s'y propagent. En effet, « pour la première fois, chacun peut, grâce à Internet, s'adresser au reste de la planète, sans avoir à demander d'autorisation à personne. De quoi effrayer tous ceux qui veulent contrôler l'information, surveiller ce qui se dit, filtrer ce que leurs citoyens peuvent apprendre de leurs turpitudes et de leurs exactions »491(*). Les pays anti-démocratiques sont les premiers à empêcher la circulation des informations sur le réseau. Ils préfèrent bloquer, voire supprimer les contenus accessibles sur Internet. Par conséquent, il est préférable de mieux contrôler Internet pour éviter les débordements que de procéder automatiquement à la censure. Cette dernière est pourtant exercée concrètement, notamment par Douanes Canada492(*). Ne faut-il alors pas exercer le même contrôle sur Internet ? Bien sûr, la masse d'informations n'est pas la même ce qui pose un véritable problème. En résumé, la liberté d'expression amène un débat assez paradoxal puisque d'une part, les principes fondamentaux d'une démocratie veulent que nous acceptions toutes sortes de discours et d'autre part, il est impossible d'autoriser certains agissements sous le couvert de cette fameuse liberté d'expression. En effet, tout ne doit pas être permis sur le réseau. La liberté de chacun finit où commence celle des autres. Chacun de nous s'épanouit et pense différemment ce qui rentre nécessairement en conflit avec la liberté d'expression. C'est pour cette raison qu'il semble difficile de trancher sur les questions suivantes : pour ou contre la liberté d'expression sur le réseau ? Faut-il la censurer ? La question est surtout de savoir s'il n'existe pas d'autres moyens moins draconiens que la censure. Pour l'instant, les législations ont trouvé un moyen de vérifier les contenus regardés par les jeunes en essayant de rendre le réseau plus transparent grâce à l'identification. * 478 P. MACKAY, loc. cit. note 27. * 479 Thoma c. Luxembourg et Lingens c. Autriche, précité, note 438. * 480 Il s'agit de la loi au sens large puisqu'elle comprend le droit écrit mais également la jurisprudence : Cour eur. d. h., Sunday Times (n°1), 26 avr.1979, § 47. * 481 P-F. DOCQUIR, loc. cit., note 293, §24. * 482 UEJF et Licra c. Yahoo ! Inc. et Yahoo France, précité, note 25. * 483 J'accuse c. AFA et autres, précité, note 47. * 484 J. R. REIDENBERG, loc. cit., note 170. * 485 Yahoo! Inc. v. La ligue Contre Le racisme et l'Antisemitisme, 169 F. Supp. 2d 1181 (N.D. Cal. 2001); US DISTRICT COURT, précitée, note 49. * 486 E. DUVERGER et R. MÉNARD, op. cit., note 119, p.38. * 487 Detenido un menor por difundir pornografía infantil en Internet, Noticias, 08-09-02, en ligne sur: delitosinformaticos.com < http://delitosinformaticos.com/noticias/103150194256030.shtml> (site visité le 11 février 2004). * 488 Five arrested in internet child porn raids at dawn, 10th september 2002, en ligne sur: this is local london < http://www.thisislocallondon.co.uk/news/headlines/display.var.623747.Headlines.0.html> (site visité le 11 février 2004). * 489 David BATTY, Police action against net paedophiles 'completely inadequate', 10 février 2004, en ligne sur: Guardian Unlimited < http://society.guardian.co.uk/children/story/0,1074,1144895,00.html> (site visité le 11 février 2004). * 490 Voir Code pénal français, art. 227-24. * 491 E. DUVERGER et R. MÉNARD, op. cit., note 119, p.152. * 492 N. COLLARD et P. NAVARRO, op. cit., note 396, p. 36 et suiv. |
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