La règlementation des contenus illicites circulant sur le reseau internet en droit comparépar Caroline Vallet Université Laval de Québec - 2005 |
Paragraphe 2 : Les exonérations ou limitations de responsabilitéLes exonérations ou limitations de responsabilité dégagées pour limiter les contenus illicites sur le réseau Internet ont été déterminées selon les différentes activités des PSI (A). Ces derniers vont être responsables dès qu'ils ont connaissance de faits illicites sur leurs serveurs, sans pour autant avoir une obligation générale de surveillance (B). A) L'absence d'obligation générale de surveillanceLes PSI ne sont pas soumis à une obligation générale de surveillance des informations ni à celle « de rechercher activement des faits ou des circonstances révélant des activités illicites »321(*). Cette obligation marque une rupture avec la jurisprudence française qui allait dans le sens inverse puisqu'elle imposait « une véritable obligation de surveillance et de censure préventive à la charge des prestataires »322(*). Cet article a été mis en place pour limiter la responsabilité des prestataires qui seraient tentés d'exercer un contrôle préalable quant à la licéité d'un contenu et ainsi porter atteinte à la liberté d'expression323(*). Selon le rapport de Madame TABAROT du 11 février 2003 sur le Projet LEN, cette disposition pose « un principe de non responsabilité générale et a priori des intermédiaires techniques du fait des contenus qu'ils hébergent ou diffusent ». En d'autres termes, ils ne sont pas responsables s'ils ne surveillent pas activement les contenus qu'ils stockent ou diffusent324(*). Par contre, ils sont libres de le faire. Cette exemption cesse dès lors qu'ils décident de se mettre à jouer un rôle actif dans la transmission ou la diffusion de documents, notamment lorsqu'ils décident par exemple de s'interposer entre les forces de l'ordre et les documents325(*). Il n'existe donc pas d'obligation générale de surveillance pour les PSI ce qui est logique en raison du volume exorbitant d'informations véhiculées sur le réseau. Néanmoins, ils sont responsables, dans certains cas précis, et selon l'activité qu'ils exercent. B) La détermination des responsabilités selon les diverses activitésLes PSI sont très nombreux et exercent des fonctions floues et imprécises326(*). En effet, la détermination de leurs rôles respectifs est un vrai problème. Cela s'explique par le fait qu'ils ont tendance à se qualifier eux-mêmes pour échapper à leur responsabilité. Il ne faut donc pas se cantonner à la qualification donnée par ces derniers, mais plutôt s'intéresser à l'activité qu'ils exercent réellement. Une autre difficulté est que la plupart des professionnels d'Internet cumulent les rôles techniques sous des dénominations diverses327(*). C'est la raison pour laquelle les tribunaux font face à certains obstacles quant à la séparation des multiples fonctions. Cette confusion peut parfois se retrouver dans les textes et les décisions judiciaires. Néanmoins, les textes juridiques ont réussi à dégager des activités telles que le simple transport (1), l'accès au réseau (2), les formes de stockage ou l'activité dite de « caching » (3), l'hébergement (4) et enfin, les services de référence (5). 1) Le simple transportL'activité de simple transport est soumise à une absence totale de responsabilité328(*). Toutefois, ces prestataires doivent respecter le principe de l'obligation de neutralité329(*), puisqu'il leur est impossible de connaître le contenu des informations transmises. Ils ne peuvent en aucun cas intervenir dans la transmission des messages véhiculés330(*). Ils ont un rôle passif et doivent le garder331(*). S'ils ne le font pas, ils engagent leur responsabilité en raison d'une extension de leur activité. Par conséquent, ils ne doivent pas être à l'origine de la transmission, ni intervenir dans sa destination et son contenu et enfin, la durée de stockage des informations ne doit pas excéder le temps raisonnablement nécessaire à la transmission332(*). En cas contraire, ils engagent leur responsabilité puisqu'ils ne seront plus de simples opérateurs de transmission. Le critère de la connaissance ne s'applique pas pour ces prestataires car ils n'ont, en principe, aucun contrôle sur l'information transmise333(*). * 321 LCJTI, précitée, note 252, art. 27; Projet LEN, précité, note 17, art. 43-11 et Directive sur le commerce électronique, précitée, note 176, art. 15 : ce texte doit être lu également avec le considérant 47 qui énonce que cette absence d'obligation de surveillance générale n'empêche pas que les États mettent en place des obligation spécifiques de surveillance et le considérant 48 qui permet d'imposer une obligation de surveillance à la charge des prestataires de services si elle est définie par la loi. * 322 M. CAHEN, loc. cit., note 185. * 323 A. STROWEL, N. IDE, et F. VERHOESTRAETE, loc. cit., note 207, 142 : C'est par souci de sauvegarder la liberté d'expression et d'éviter la censure préalable. * 324 Voir les explications note 242 : l'Assemblée Nationale impose une certaine surveillance de la part des PSI. Cette disposition va-t-elle être ou non supprimée par le Sénat en deuxième lecture ? * 325 P. TRUDEL, La responsabilité sur Internet, loc. cit., note 255, p.19. * 326 M. et a., SANTIAGO CAVANILLAS, op. cit., note 214, p.37. * 327 Les entreprises peuvent faire appel à un prestataire unique appelé l'ASP (traduit « la fourniture d'applications hébergées ») dont l'activité consiste à proposer des services applicatifs en ligne en mode locatif : Janice DERVAUX et Thibault VERBIEST, L'ASP se développe : tour d'horizon des obligations du prestataire, mars 2003, en ligne sur : Droit et Nouvelles technologies < http://www.droit-technologie.org/1_2_1.asp?actu_id=723> (site visité le 13 mars 2004). * 328 Directive sur le commerce électronique, précitée, note 176, art. 12 (1) et LCJTI, précitée, note 252, art. 36 al 1. * 329 Ce principe de neutralité impose aux opérateurs de télécommunication de transposer tout message sans discrimination : art. L.32.1 du Code des postes et télécommunications et art. 31 et 36 de la Loi sur les télécommunications (L.C. 1993, c.38) ; Chastain c. British Columbia Hydro & Power Authority, [1973] 2 W.W.R. 481 : ils ont l'obligation de transporter tout message sans discrimination quant au contenu ni quant à la personne qui l'expédie. * 330 S. MARCELLIN et L. COSTES (dir.), op. cit., note 161, n°2817 et s., p.1590. * 331 Ces PSI ont une obligation d'abstention: A. STROWEL, N. IDE, et F. VERHOESTRAETE, loc. cit., note 207, p.143. * 332 Directive sur le commerce électronique, précitée, note 176, art. 12 et LCJTI, précitée, note 252, art. 36 al 2 ; Voir pour plus d'informations : P. TRUDEL, La responsabilité sur Internet, loc. cit., note 255, p.27. * 333 Id. ; SANTIAGO CAVANILLAS, op. cit., note 214, p.39. |
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