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Les Etats face aux Drogues


par Eric Farges
Université Pierre Mendès France - IEP Grenoble 2002
  

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2.2.2 Les Services spécialisés italiens, les Sert : une abscence de culture thérapeutique homogène 

2.2.2.1 Un système de soin spécialisé trop inégal

Les premiers centres de soins nés sous initiative étatique furent créés en 19781012(*). Ils se développent progressivement jusqu'à former un réseau national en 1984. Le système des Sert était toutefois, comme le rappelle Piccone Stella, nettement désorganisé et sous-équipé. Le législateur italien a procédé à un renouveau du système de traitement de la toxicomanie au début des années quatre-vingt-dix. Les Sert, institués officiellement par la loi 162 de 1990 représentent le principal système mis en place par l'Etat afin de prévenir et traiter la toxicomanie. Il s'agit de services de toxicomanie dépendant directement du ministère de la Santé. Ils sont par conséquents publics et gratuits. Le réseau est réparti sur le territoire de façon relativement homogène. On dénombrait en fin 1997, 552 Serts en activité1013(*). Ils sont presque les seuls établissements à distribuer la méthadone comme substitut à l'héroïne. En effet, bien que la loi autorise également les médecins privés à prescrire la méthadone, ils n'y ont que très rarement recours. Le nombre de toxicomanes en traitement auprès des Sert est resté faible jusqu'au début des années quatre-vingt-dix, période à laquelle il connu une forte augmentation au détriment des communautés thérapeutiques. Le nombre de toxicomanes pris en charge au sein des structures publiques est ainsi passé de 20 747 en 1984 (soit 82% de l'ensemble national, chiffre qui est descendu à 50% à la fin des années quatre-vingt) à 73 866 en 1991 (soit 66,7%), 95 674 en 1994 (soit 76,6%) pour atteindre 116 131 patients en 1997 (soit 81,7%)1014(*).

Les Sert disposent par rapport à l'ensemble du système sanitaire italien d'une très forte autonomie ce qui n'est pas sans poser des problèmes d'homogénéisation des procédures1015(*). Riccardo Gatti regrette par exemple que les règles du service public ne soient pas égales pour toutes les unités de service1016(*). Chaque Sert a ses principes et les applique au moment de l'acceptation et durant les premiers entretiens. Ces règles sont présentées au toxicomane comme la « procédure » de prise en charge. Cette diversification reflète les différences de potentialité ou de configuration des centres. Après acceptation au sein d'un Sert, il est alors possible de proposer au toxicomane un choix entre trois options : un simple traitement médical de désaccoutumance et une vérification de l'état de santé, un traitement médical accompagné d'un soutien psychologique ou social, ou enfin une consultation plus approfondie d'un médecin, d'un psychologue et d'un assistant social. Cette approche présente l'avantage de responsabiliser le toxicomane et de développer une relation moins hostile et plus basée sur la confiance. La composition des équipes est également inégale en fonction des Serts. Elles sont ainsi diversement composées de psychologues, d'éducateurs, d'assistants sociaux et de médecins qui sont généralement plus nombreux et qui sont souvent en charge de la direction du Sert. Riccardo Gatti recommande que l'évaluation du toxicomane se fasse par une équipe multiple composée par exemple d'un médecin, d'un psychologue et d'un assistant social1017(*).

Gatti critique, en outre, le manque de formation des opérateurs travaillant sur le thème de la toxicomanie1018(*). Quand bien même ceux-ci ont reçu une formation théorique suffisante, ils présentent un réel manque d'expérience qui les amène à utiliser un schéma de travail du type « expérimentation, erreur, correction de l'erreur » qui peut avoir des conséquences dramatiques sur les toxicomanes. De plus, de nombreux opérateurs des Sert travaillent dans le domaine de la toxicomanie non par choix mais par contrainte professionnelle. Enfin, la dernière carence des intervenants des centres spécialisés italiens reste l'incapacité à travailler en équipe. Ainsi, même un bon opérateur individuel peut être un mauvais thérapeute s'il n'agit pas de concert avec ses collègues ce qui requiert de fortes capacités de communication et de mise en relation1019(*). Cette incapacité est en relation étroite avec l'absence d'une culture professionnelle et d'intervention qui soit commune aux opérateurs publics de la toxicomanie. Les services spécialisés italiens présentent ainsi de fortes disparités selon les équipes spécialisées qui y opèrent. La capacité des Sert à prendre en charge de façon personnalisée les toxicomanes est très variable suivant la répartition géographique. Riccardo Gatti regrette que l'attribution des toxicomanes était effectuée pendant longtemps selon un découpage géographique et qu'il n'était possible de s'adresser qu'à son Sert de référence. L'idée d'un libre choix du centre thérapeutique a été pendant longtemps repoussée.

« Un Sert peut donner la même impression qu'une entreprise privée : il peut être un lieu vaste, ouvert, accueillant : une structure qui propose des objectifs à atteindre, contrôle le rendement de ses propres opérateurs, s'enrichit de collaborations extérieures (en travaillant avec les familles, en s'occupant de la réinsertion des patients, en suivant les cas les plus difficiles) et conduire ainsi d'excellentes recherches. Ou alors un Sert peut également adopter une conduite bureaucratique, travaillant dans un esprit paternaliste et d'assistanat [...] on ne peut nier que les Sert du premier type se rencontre plus fréquemment dans le Nord, et dans le Centre, plutôt que dans le Sud »1020(*)

Les Sert n'on pas réussi à obtenir une reconnaissance suffisante au niveau national et leur dotation budgétaire reste faible1021(*). Enfin, le système italien n'est pas doté d'une stratégie à long terme qui empêche un véritable changement de mentalité. Les services spécialisés italiens ont cependant fait l'objet d'une forte priorité au cours des années quatre-vingt dix de la part des pouvoirs publics. Ceux-ci, encouragés par un certains nombre d'acteurs professionnels ou associatifs, ont réintroduit les programmes de substitution par méthadone qui avaient été introduits dès 1975 mais qui avaient été progressivement écartés du dispositif de prise en charge des toxicomanes en faveur d'une approche « psychosociale ». Les contraintes liées à l'épidémie de VIH/Sida vont réactualiser l'utilisation de la méthadone. Celle-ci va toutefois faire l'objet d'un débat entre les partisans d'une approche strictement médicale et ceux qui soutiennent l'idée d'une prise en charge globale.

* 1012 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.

* 1013 Marco Orsenigo, Tra clinica e controllo sociale. Il lavoro psicologico nei servizi per tossicodipendenti, op.cit., p.158

* 1014 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.33.

* 1015 Cf. G. Abbatecola, « La lettura della tossicodipendenza e i sui problemi », in Marginalità e società, n.21, 1993.

* 1016 Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio pubblico, op.cit., p.25.

* 1017 Ibid., p.26.

* 1018 Ibid., p.12.

* 1019 Ibid., p.14.

* 1020 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.90.

* 1021 Gatti R.C., Lavorare con i tossicodipendenti. Manuale per gli operatori del servizio pubblico, op.cit., p.175

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