Les Etats face aux Droguespar Eric Farges Université Pierre Mendès France - IEP Grenoble 2002 |
2.1.1.2 Un essor inégal entre la France et l'ItalieLes communautés thérapeutiques ne se sont presque pas développées en France. Les intervenants de la toxicomanie étaient très réfractaires à l'approche béhavioriste, c'est à dire à l'idée d'une éducation (souvent coercitive) du comportement. Ainsi, comme le rappelle Farges et Patel, « les communautés thérapeutiques ont, en France, mauvaise presse. Elles évoquent les institutions coercitives américaines et leurs dérives sectaires ainsi que l'association Le Patriarche, si controversée »937(*). Le Patriarche est la plus importante communauté implantée en France, elle fut considérée par beaucoup d'intervenants comme un anti-modèle de soin en matière de toxicomanie. L'association du Patriarche, dont le premier centre, La Boère, en Haute-Garonne, a ouvert en 1971, s'est considérablement développée en marge des instances officielles, et a implanté ses différentes structures dans de nombreux pays. En Europe, notamment en Espagne (72 centres), au Portugal (17 centres), en Italie, mais aussi en Amérique : Nicaragua (12 centres), Mexique, U.S.A. et Canada938(*). Avec 67 centres permettant d'accueillir 2 500 pensionnaires Le Patriarche constitue la plus grande institution d'accueil de toxicomanes du territoire français (en comparaison le nombre de places spécialisées, en post cure, agréées par l'Etat français était de 1057 en 1995)939(*). L'association s'efforce de vivre sur un mode autarcique, en auto-gestion. Le Patriarche promeut une prise en charge fondée exclusivement sur d'anciens toxicomanes. Dans ses fondements, ce modèle intègre l'ex-toxicomane comme le seul personnel d'encadrement, tant en ce qui concerne le sevrage que l'organisation de la vie quotidienne du groupe. Le Patriarche est dominé par la figure de son fondateur et actuel dirigeant, Lucien J Engelmajer. Véritable leader charismatique de la communauté, il est vénéré par les membres. Il est par ailleurs un opposant farouche aux programmes méthadone, à la légalisation des drogues et aux échanges de seringues. Il est demandé lors de l'entrée en communauté une séparation physique et affective radicale du toxicomane avec ses attaches antérieures pendant plusieurs semaines. Le protocole est alors expliqué au sujet. On lui demande de signer un contrat qui lie son admission à la durée du traitement (plusieurs semaines). Le sujet n'a plus de possibilités de quitter le centre où il est affecté en cours de sevrage, et il y est maintenu, si besoin est, par la force. La cure consiste à découvrir un nouveau rythme de vie et à se couler dans un système de normes imposées et contrôlées par la communauté. L'un des sujets sur lequel l'action du Patriarche est la plus controversée est la question de la réinsertion de ses membres. En effet, à long terme, l'objectif n'est pas la réinsertion sociale dans la société, mais l'intégration à l'intérieur même de l'association. Un sujet peut passer sa vie au Patriarche s'il le désire. Aucun objectif ultime n'est fixé à la cure, et aucune date limite de séjour dans les centres. Il existe même une certaine pression morale de la part de la communauté : tout départ est considéré comme un lâchage. Le développement du Patriarche est considéré comme une illustration de ce à quoi peut conduire l'exception au droit commun. L'association a bénéficié jusqu'en 1996 de subventions de l'État et d'une absence totale de contrôle, malgré de graves dérives connues depuis longtemps. Le Patriarche a été caractérisé comme secte par le rapport de la commission d'enquête parlementaire sur le phénomène des sectes (rapport Guyard publié en 1995). Un mandat international a été lancé en 1998 contre son ancien « guide », accusé de détournements de fonds et de viol sur mineures. Il est toujours en fuite. R. Castel, dans une étude réalisée pour le compte du ministère des Affaires Sociales sur les « sorties de la toxicomanie », critiquait le laxisme des pouvoirs publics face aux abus du Patriarche. « Tout se passe comme si, sans qu'on le reconnaisse explicitement, l'existence du Patriarche permettait de résoudre à un moindre coût - social, politique et économique - les problèmes d'un certain nombre de laissés-pour-compte dont la prise en charge par le système médical classique exigerait des ressources considérables : toxicomanes graves, malades du Sida, fins de droits, étrangers, etc. »940(*) La France a développé une modalité de prise en charge particulière très proche des communautés thérapeutiques. Il s'agit des structures de post-cure, appelés aussi centres thérapeutiques résidentiels. Ce dispositif est apparu au cours des années soixante, alors même que la toxicomanie était considérée comme l'expression d'un malaise général. Ces centres reposaient sur une idéologie très novatrice qui visait à mettre fin au rapport thérapeutique entre le toxicomane et le soignant. Ces lieux furent cependant remis en cause au cours des années soixante-dix sous le poids d'une spécialisation croissante du dispositif de traitement de la toxicomanie. Les centres de post-cure ont alors subsisté comme une étape secondaire de la chaîne thérapeutique. Les centres de post-cure interviennent dans un second temps après la première phase de sevrage941(*). Ils ont pour finalité d'apporter un soutien social, psychologique et médical afin que l'usager de drogues puisse retrouver son autonomie. Les toxicomanes volontaires sont hébergés et nourris pour une durée variable entre 3 mois et un an. Ils se fondent sur une thérapie de rupture (changement radical du mode de vie) et d'occupation (travail, loisirs) et une thérapie de communauté. Il n'existe pas de programme thérapeutique mais il s'agit de couper le toxicomane de son environnement quotidien afin de lui permettre de renouer avec d'autres valeurs (échange, solidarité). Ces centres sont dépourvus d'une hiérarchie entre thérapeutes et « accueillis » et tous se soumettent aux règles de vie communes. Les centres de post-cure constituent une adaptation française de la CT. Ils demeurent cependant assez marginaux d'une part en raison de la place qu'ils occupent au sein de la chaîne thérapeutique, et d'autre part du fait de leur faible présence puisqu'ils sont aujourd'hui au nombre de 46 pour 569 places. Les communautés thérapeutiques n'ont jamais connu en France un véritable essor. Le Patriarche a constitué un contre-modèle de communauté et à pendant longtemps confirmé la méfiance des intervenants de la toxicomanie942(*). Certaines personnalités telles que Olievenstein et G. Nahas regrettent cependant leur absence en France943(*). Le rapport Henrion publié en mars 1995 recommande « qu'une place plus grande soit faite à cette modalité thérapeutique dans le dispositif de soins aux toxicomanes ». Enfin, une circulaire du ministère de la Santé (11 janvier 1995) encourage la création de centres de soins avec hébergement collectif axés sur la prise en charge par le groupe et la recherche d'autonomie sociale. Les communautés thérapeutiques ont en revanche bénéficié en Italie d'une très forte promotion. Elles représentent encore aujourd'hui la seconde famille thérapeutique dans la prise en charge de la toxicomanie. Pour comprendre les raisons de cet essor, il est nécessaire, comme le rappelle Paolo Stocco de replacer la naissance des communautés italiennes dans leur cadre historique944(*). Les premières expériences réalisées aux Etats-Unis au cours des années quarante ont marqué le passage d'une prise en charge médicale et psychiatrique à la sphère sociale. Avec l'élargissement du phénomène de la toxicomanie à l'ensemble de la société au cours des années soixante-dix, l'opinion publique fut soudain confrontée au problème de la toxicomanie alors que les problèmes liés à l'usage de drogue devenaient considérables. Le système socio-sanitaire italien paru désorganisé face à l'explosion de la toxicomanie. Les professionnels italiens furent alors confrontés à « un manque de préparation du à une insuffisance de références théoriques et cliniques pour la prévention et le traitement des toxicomanies, tout comme à un sentiment diffus d'inéluctabilité et d'irrésolvabilité exprimé par les opérateurs socio-sanitaires eux-mêmes ». C'est dans ce contexte que se développèrent les communautés thérapeutiques. « En quelques années deux grandes lignes d'intervention apparurent en Italie : d'une part les services publics, qui peu à peu se constituaient dans l'ensemble du pays à partir de figures professionnelles diverses mais suivant la configuration médicale classique de l'ambulatoire ; de l'autre les structures résidentielles gérées par des volontaires, des coopératives sociales et des associations à but non lucratif se développèrent énormément »945(*) Les communautés apparurent comme une solution possible face à l'incapacité des pouvoirs publics à résoudre le problème de la toxicomanie. Cette solution fut d'ailleurs largement soutenue par les autorités religieuses, hostiles à tout médicalisation de la prise en charge des toxicomanes. En 1976, le Centro Italiano di Solidarietà (C.E.I.S), organisme religieux dépendant du Vatican visita Emilihoeve, puis Daytop à New-York946(*). Le CEIS est à l'origine de l'ampleur considérable qu'ont prise les C.T. en Italie. Celles-ci reposent sur un modèle largement imprégné d'une dimension religieuse, tant par la prise en compte d'une demande spirituelle dans la cure, que par les personnels d'encadrement qui sont souvent des membres du clergé (prêtres, religieuses) ou des fidèles formés par la communauté religieuse (composée essentiellement de parents d'ex-usagers assurant des fonctions d'encadrement à titre bénévole, ainsi que d'anciens toxicomanes convertis). Les structures italiennes reposent sur le modèle du self-help et l'encadrement par d'anciens toxicomanes comme dans le modèle américain. Elles s'en distinguent néanmoins par l'importante implication de la structure familiale et de l'église. Les communautés italiennes doivent par exemple leur développement au soutien du Vatican qui a cédé des propriétés de ses diocèses pour leur installation et qui, de plus, a largement contribué à leur financement. Le modèle italien s'est implanté dans plusieurs continents comme l'Amérique du Sud (Argentine, Colombie, Equateur, Bolivie) et dans le Sud-Est Asiatique. Les communautés différent néanmoins les unes des autres par leur statut (public ou privé), par les idéologies présidant à leur création (religieuse ou non) ou encore par leur fonctionnement (plus ou moins bénévole). Les communautés ont connu une très forte augmentation durant les années quatre-vingt, qui s'est prolongée au début des années quatre-vingt-dix. Les structures privées résidentielles et semi-résidentielles avaient augmenté de 119,3% entre 1984 et 1988. On en compte 361 à la fin des années quatre-vingt, dont les deux tiers étaient liées aux organisations catholiques947(*). On dénombrait en 1993, 649 communautés, et 822 en 1997. La communauté thérapeutique est le second outil de prise en charge des toxicomanes, comprenant 20 000 lits sur tout le territoire italien. La population de toxicomanes pris en charge par les CT a connu une forte augmentation au cours des années quatre-vingt, parallèlement au retrait des structures publiques. Le nombre de patient a quadruplé (+400%) de 1985 à 1993, en passant de 4 476 à 17 148948(*). Les communautés thérapeutiques ont cependant été remises en cause au cours des années quatre-vingt-dix, simultanément à la reconnaissance du rôle joué par les Sert. Le nombre de toxicomanes sous traitement a ainsi stagné : il était de 24 561 en 1991 (soit 37,6% de l'ensemble des prises en charge), de 22 339 en 1994 (soit 23,3%) et de 22 176 (soit 19%)949(*). La plus importante communauté italienne reste celle de San Patrignano qui symbolise l'idéal type de la communauté résidentielle socio-réhabilitative950(*). La communauté naît le 31 octobre 1979 par la constitution d'une coopérative de la part de personnes qui n'avaient jamais eu de rapports avec la drogue. Elle fut liée au leader charismatique de Vincenzo Muccioli951(*). La communauté de San Patrignano s'apparente désormais à une ville, voire une micro-société. Elle s'étend sur une superficie de 220 hectares sur laquelle se trouvent de nombreux édifices destinés aussi bien à l'habitation qu'au travail. On y trouve des espaces consacrés aux loisirs, aux concerts, au théâtre et aux projections de films ainsi qu'un espace de repas (pouvant accueillir 1 000 personnes). Le programme de chaque journée s'effectue de manière régulière avec les activités de travail le matin qui s'achèvent entre 12h00 et 13h00. Les activités reprennent durant l'après midi de 15h00 à 18h00, suivi du souper. La communauté héberge plus de 2 000 personnes (2 100 en 1995). Elle comprend 57 espaces de travail divisés entre les bureaux dédiés aux activités administratives et commerciales, l'élevage de chevaux, de bovins, d'ovins et de caprins, la viticulture, le textile ou encore la jardinerie, la menuiserie, la boulangerie, les électriciens, les étudiants, la rédaction du périodique « San Patrignano », etc. Le programme thérapeutique mis en place à San Patrignano s'appuie sur une « philosophie » (entendue comme un ensemble de représentations axiologiques) de la place de l'homme et du rôle de la société dont est à l'origine Vincenzo Muccioli952(*). La toxicomanie est perçue comme un malaise vécu par l'homme953(*). La société est un élément corrupteur tourné vers la satisfaction illimitée des plaisirs. L'homme qui est un être avant tout moral, perd dans cette environnement néfaste sa « dignité » et les repères moraux qui guidaient sa vie auparavant. Muccioli condamne « une société fondée sur la jouissance des droits, où les individus ne possèdent pas le sens du devoir, une société qui se corrompt, où chacun pense seulement à soi même et poursuit le mirage d'une impossible satisfaction. Dans une telle société certains utiliseraient la drogue pour diminuer leurs peurs et exalter la jouissance, d'autres utiliseront des systèmes différents, mais tous sont affectés du même mal »954(*). La cause du mal-être vécu par les toxicomanes est résumée par « l'absence d'une culture de la responsabilité, le manque d'une habitude à considérer ses propres devoirs comme plus urgents et plus précieux que ses propres droits et [par] l'ignorance de la nécessité de défendre sa propre dignité. Et sans la dignité l'homme se vide de son bien le plus précieux. Il reste seul avec son propre ego et sa propre fierté et il se corrompt »955(*). De cette « philosophie » de vie générale, Muccioli en déduit une thérapie pour sortir de la toxicomanie. Il s'agit de recréer les éléments d'une société morale (la communauté) qui faisaient auparavant défaut au toxicomane. Les règles respectées à San Patrignano sont celles de la communauté et celles de la religion chrétienne. Il s'agit donc d'une approche comportementaliste qui vise à modifier à long terme l'être du toxicomane par une modification de son environnement extérieur. « Dans une communauté comme la nôtre, il est nécessaire de recréer ces éléments de base [famille, école, etc.], sur lesquels réédifier l'homme et avec lesquels l'accompagner dans son parcours. C'est pourquoi la drogue ne doit pas être vue comme l'unique problème à résoudre [...] C'est pour cela que nous considérons la communauté comme une salle d'entraînement dans laquelle nous nous aidons tous en échange selon les principes de notre Constitution et les principes chrétiens »956(*) La thérapie part du présupposé que le caractère de chaque homme peut être consolidé par l'acquisition d'un ensemble de valeurs. Cette acquisition s'effectue au terme d'un parcours de formation portant à la responsabilisation de l'individu. « Chaque homme naît avec un caractère potentiellement plus ou moins fort, mais ce caractère ne peut se consolider positivement qu'à travers un parcours de formation centré sur les responsabilités individuelles et sociales. Au cours de ce processus de formation les valeurs qui constituent, en chacun, un point de référence pour ne pas se perdre face aux difficultés de la vie, doivent être acquises afin d'accomplir une analyse de soi même, de chaque action, afin de réaliser les projets qu'il s'est attribués, avec raison et équilibre intérieur »957(*). Guidicini Paolo et Pieretti Giovanni ont réalisé une étude très détaillée sur le fonctionnement et les principes de San Patrignano. Ils concluent dans leur ouvrage « San Patrignano, tra Communità e Società » (« San Patrignano, entre communauté et société »), que San Patrignano exerce non seulement un « effet communauté » alternatif mais surtout un « effet de société » qui vise à apporter de nouvelles valeurs au toxicomane. La communauté transmet à ses hôtes un schéma de références958(*), c'est à dire un ensemble de valeurs, qui oriente la vie de la communauté et de chacun de ses membres. La CT offre au toxicomane une représentation sociale qui lui faisait défaut. Celle-ci est entendue comme « un ensemble de valeurs, de connaissances, de pratiques ayant une double fonction : orienter les sujets dans l'environnement dans lequel ils doivent vivre et former un tissu de communication commun à tous les membres de la communauté »959(*). La communauté de San Patrignano se fonde sur un ensemble de principes moraux dualistes (bien/mal) qui serviront au toxicomane pour orienter dorénavant sa vie. « Une telle représentation sociale est constituée avant tout d'une vision positivement orientée de la réalité, de la croyance dans le respect d'autrui, de la conviction que, en dernière instance, l'honnêteté « paye », tandis que la déloyauté ne l'est jamais, et enfin la prise de responsabilité comme « principe premier » de la vie. La valeur centrale profonde, mais jamais explicitée, sur laquelle se construit cette représentation sociale est justement le respect de la vie en soi » 960(*) L'entrée en communauté se précède d'une longue attente afin de faire réaliser au toxicomane sa position de demandeur d'aide et de tester ainsi sa motivation. San Patrignano impose, à l'image de nombreuses communautés, comme condition d'intégration dans la communauté le fait de reconnaître son propre échec personnel et sa propre responsabilité961(*). La thérapie repose sur le travail qui est considéré comme « un instrument par lequel l'individu se garantit une identité et un statut à travers la contribution qu'il donne à la société, indépendamment de ce qu'il fait »962(*). Les « événements » autour desquels a lieu le parcours thérapeutique sont les nombreux rites religieux (Noël, baptêmes, eucharistie) célébrés par le prêtre de la communauté ou les événements liés aux saison (récolte des vendanges, du foin). Le sport occupe également une place centrale dans la vie de la communauté de San Patrignano puisque des tournois sont fréquemment organisés. La première phase de la thérapie est caractérisée par la prise en charge du toxicomane par un ancien du groupe après quoi le toxicomane prend lui-même en charge une personne. Tandis que la première phase vise à faire assimiler au nouvel arrivant les règles qui gèrent le lieu (le sapere essere, savoir être) il s'agit ensuite pour le toxicomane d'acquérir un ensemble de compétences qui pourront lui permettre d'assurer sa réinsertion sociale (le sapere fare, savoir faire)963(*). Cette seconde phase ouvre également la possibilité de recevoir des contacts extérieurs tandis que la première phase ne laisse place qu'aux contacts épistolaires. Enfin la troisième phase se caractérise par le retour progressif du patient dans son environnement d'origine. Le parcours thérapeutique repose aussi bien sur la logique de solidarité et d'aide réciproque (dimension sociale du sens de communauté) que sur les valeurs (voire l'idéologie) qui y sont diffusées (dimension culturelle du sens de communauté). L'évaluation de la thérapie est effectuée par les opérateurs selon une opinion personnelle et sans aucun recours à des outils de vérification (contrôle des urines, etc.). Cela pose évidemment le problème d'une éventuelle réintégration sociale et d'une confrontation avec le milieu d'origine du toxicomane. « Les procédures et les instruments d'évaluation de l'hôte ne sont que très peu développés. L'évaluation se fonde sur des éléments fortement subjectifs et justifiés à partir de la conviction que la cohabitation communautaire permettrait, à ce moment, d'observer l'hôte et son niveau de maturité [...] il est néanmoins certain que la possibilité d'évaluer correctement l'efficacité d'un processus de formation doit passer à travers la rencontre/affrontement avec la réalité extérieure, très distincte du climat solidaire et non compétitif qui caractérise la Communauté »964(*). La communauté se caractérise par un faible degré d'articulation hiérarchique du système décisionnel965(*). Il n'existe ainsi pas de figures intermédiaires entre Muccioli et les toxicomanes. San Patrignano renverrait, en tant que configuration organisationnelle, au modèle « missionnaire » décrit par Mintzberg966(*) qui se caractérise par une standardisation des normes, un endoctrinement et une idéologie. Ce type de structure se caractérise par le regroupement d'individus autour d'un leader charismatique dont le but «n'est pas tant d'imposer des règles rigides que la défense et le renforcement de l'idéologie commune»967(*). San Patrignano représente un exemple de communauté qui est d'une part représentatif des principes qui sont communs aux CT, mais qui est aussi spécifique d'un certain modèle de communauté. Le refus des traitements de substitution, une non-professionalisation des équipes thérapeutiques sont autant de règles qui caractérisaient auparavant les communautés. L'urgence sanitaire et la réduction des risques ont cependant incité certaines CT à adopter de nouveaux principes. C'est le cas de villa Maraini à Rome. * 937 Farges F., Patel. P., Les communautés thérapeutiques pour toxicomanes, op.cit., 22p. * 938 Castel R.(dir.), Les sorties de la toxicomanie. Types, trajectoires, tonalités, GRASS, MIRE, Paris, 303 p. * 939 Farges F., Patel. P., Les communautés thérapeutiques pour toxicomanes, op.cit. * 940 Castel R.(dir.), Les sorties de la toxicomanie. Types, trajectoires, tonalités, op.cit. * 941 Farges F., « Chaîne thérapeutique », in Angel P., Richard D., Valleur., Toxicomanies, op.cit, pp.175-178 * 942 Les résistances des professionnels de la toxicomanie à l'introduction des communautés thérapeutiques en France s'expliquent également par les principes même de la CT. Celle-ci repose en effet, comme il a été établi, sur une déprofessionnalisation du personnel. Chaque toxicomane est considéré comme un potentiel thérapeute. Les professionnels sont dès lors délégitimés de leur monopole thérapeutique. * 943 Farges F., Patel. P., Les communautés thérapeutiques pour toxicomanes, op.cit. * 944 Stocco Paolo « La persona tossicodipendente e sieropositiva in comunità terapeutica », La cura delle persone con Aids. Interventi e contesti culturali , Nizzoli Umberto, Oberto Bosi (dir.), op.cit, p.231 * 945 Ibid., p.232 * 946 Farges F., Patel. P., Les communautés thérapeutiques pour toxicomanes, op.cit. * 947 Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.80. * 948 Osservatorio permanente sul fenomeno droga, 1993, cité in Agnoli Maria Stella, « Il programma delle ricerche sull'efficacia delle strategie di communità », art.cit., p.14. * 949 Ces chiffres sont tous datés du 31 décembre de chaque année. Piccone Stella S., Droghe e tossicodipendenza, op.cit., p.33. * 950 Parmi les études de San Patrignano on peut citer celle de Paolo Guidicini et Giovanni Pieretti qui reste la plus connue, mais surtout la recherche effectuée par le Département de Sociologie de Bologne. Cf., Guidicini Paolo, Pieretti Giovanni, San Patrignano. Terapia ambientale ed effetto città. Studi sui percorsi di vita degli ospiti della comunità, FrancoAngeli, Milano, 1996, p.790. Bruni Carmelo, «Struttura socio organizzativa, «filosofia» e strategia d'intervento della comunità San Patrignano», in «Strategie di comunità per tossicodipendenti, il caso di San Patrignano», Sociologia e ricerca sociale, Anno XV, n°45, 1994, pp.52-95. * 951 Bruni Carmelo, «Struttura socio organizzativa, «filosofia» e strategia d'intervento della comunità San Patrignano», art.cit., p.53. * 952 Vincenzo Muccioli a «théorisé» sa conception de l'existence, du monde et de la communauté thérapeutique dans l'ouvrage suivant : Muccioli, Vincenzo, La mia battaglia contro la droga, l'emarginazione e l'egoismo. * 953 Bruni Carmelo, «Struttura socio organizzativa, «filosofia» e strategia d'intervento della comunità San Patrignano», art.cit, p.53. * 954 Ibid., p.27. * 955 Muccioli, Vincenzo, La mia battaglia contro la droga, l'emarginazione e l'egoismo, op.cit, p.27, cité in Bruni Carmelo, ibid., art.cit, p.65. * 956 Muccioli, Vincenzo, ibid., pp.106-107, cité in Bruni Carmelo, ibid., p.67. * 957 Muccioli, Vincenzo, ibid., pp.104-105, cité in Bruni Carmelo, ibid., p.66. * 958 Un schéma de références, c'est « un ensemble de notions et de valeurs qui servent initialement à s'orienter dans la vie communautaire, jour après jour, et qui participe profondément de la personnalité de chaque sujet ». Bruni Carmelo, «Struttura socio organizzativa, «filosofia» e strategia d'intervento della comunità San Patrignano», art.cit, p.53. * 959 Ibid. * 960 Guidicini Paolo, Pieretti Giovanni, San Patrignano. Terapia ambientale ed effetto città, op.cit, p.39 * 961 Fasanella Antonio, « Esperienza di communità ed efficacia in trattamento del processo riabilitativo », in «Strategie di comunità per tossicodipendenti, il caso di San Patrignano», Sociologia e ricerca sociale, Anno XV, n°45, 1994, p.174 * 962 Bruni Carmelo, «Struttura socio organizzativa, «filosofia» e strategia d'intervento della comunità San Patrignano», art.cit, p.71. * 963 Bruni Carmelo, ibid., p.80. * 964 Bruni Carmelo, «Struttura socio organizzativa, «filosofia» e strategia d'intervento della comunità San Patrignano», art.cit, p.91. * 965 San Patrignano présente la particularité, comme le précisent Guidicini et Pieretti, de ne pas posséder un programme thérapeutique établit à l'avance, ni une hiérarchie stricte. « Un tel manque apparaît, au premier regard, en contradiction totale avec le climat d'efficience et de précision présente dans la Communauté, surtout en face de situations et d'expériences d'autres communautés, italiennes et étrangères, dans lesquelles il existe des programmes thérapeutiques écrits extrêmement détaillés (parfois presque militaires) qui prévoient des phases, des temps, des situations et, surtout, qui décrivent des étapes thérapeutiques comme des pré-requis pour le passages à des niveaux successifs de l'expérience communautaire ». Guidicini Paolo, Pieretti Giovanni, San Patrignano. Terapia ambientale ed effetto città, op.cit, p.26 * 966 Mintzberg, La progettazione dell'organizzazione aziendale, 1983, p.431, * 967 Mintzberg, Management : mito e realtà, 1989, p.289, cité in Bruni Carmelo, «Struttura socio organizzativa, «filosofia» e strategia d'intervento della comunità San Patrignano», art.cit, p.93. |
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