b. La contestation de la vulnérabilité
comme fondement de la protection des contractants
En ce qui concerne la vulnérabilité
économique de l'une des parties au contrat, le professeur Jacques
GHESTIN estime avec pertinence que « le droit positif ne peut tenir compte
de toutes les contraintes sociales et économiques qui s'exercent sur la
volonté »73. En effet, c'est nécessairement un
état de nécessité qui force les individus à
développer des rapports de droit entre eux, en conséquence cet
état de nécessité ne saurait servir à annuler ce
qu'il a lui-même engendré.
Aussi, certains auteurs vont plus loin en déclarant
qu'« on ne voit pas pourquoi une catégorie de citoyens
bénéficierait seule des règles de protection exorbitante
du droit commun par le fait qu'elle se situe au bout de la chaîne de
distribution »74. Si l'on constate ici un véritable
refus de l'idée d'une prise en compte de la vulnérabilité
des consommateurs, ce refus est dû à la surprotection d'un seul
contractant. En effet, les auteurs semblent contester un certain
déséquilibre juridique provoqué par le législateur
et le juge solidaristes dans les contrats conclus entre profanes et
professionnels, un déséquilibre au détriment desdits
professionnels.
D'autres auteurs reprochent au législateur de vouloir
infantiliser les consommateurs. D'ailleurs pour Monsieur Pascal BRUCKNER «
l'infantilisme combine une demande de
71 G. Ripert, Aspects juridiques du capitalisme
moderne, LGDJ, coll. Reprint, Paris, éd. 2e, 1951, p. 40.
72 CA Bourges, 5 oct. 2008, JCP E 1999, p. 1417 ;
JurisData n° 043611.
73 J. Ghestin, Traité de droit civil-
la formation du contrat, LGDJ, 3e éd., Paris, 1993, n° 582, in
fine, p. 565.
74 J. Mazeaud et F. Chabas, Leçons de droit
civil, T.2, 1er vol., Théorie Générale,
2éd., 1998, n°32-3.
sécurité avec une avidité sans borne,
manifeste le souhait d'être pris en charge sans se voir soumis à
la moindre obligation »75. En effet, la Cour d'appel de Bourges
avait jugé que « le consommateur moyen (...) ne peut plus
être considéré comme l'homme actif, instruit, diligent et
avisé qu'était le bon père de famille, dans le Code
Napoléon »76. Le consommateur moyen est alors comparable
à un enfant.
Néanmoins, en dehors de tout état de
nécessité, s'il est vrai que le principe veut que «
l'acheteur [doive] être curieux »77 et que l'on ne
saurait dispenser le consommateur ou la caution de faire usage de son bon sens,
il convient toutefois de constater que la technicité de certains
contrats de la vie courante demande des aptitudes que le consommateur moyen, en
l'occurrence la caution lambda, ne possède pas.
30
75 P. Bruckner, La tentation de l'innocence,
Grasset 1995, p.15.
76 CA Bourges, 5 oct. 2008, préc.
77 P. Jourdain, Le devoir de se renseigner,
D. 1983, D. 1983. 139.
Chapitre 2 : les obligations d'information au
profit de la caution : Du droit français au droit de l'Afrique
francophone
Une analyse comparative et chronologique entre les
dispositions du droit de l'OHADA et les dispositions françaises en la
matière fera l'objet de la première partie de ce deuxième
chapitre (Section 1). La seconde partie du chapitre sera
consacrée aux modalités d'application des obligations
d'information au profit de la caution (Section 2).
Section 1 : Analyse chronologique et comparative de
l'information obligatoire de la caution en France et en droit de l'OHADA
Le droit de l'OHADA s'inspire fortement du droit
français, voilà pourquoi une comparaison entre les dispositions
du droit français et celles du droit de l'OHADA s'impose. Ainsi, nous
parlerons des obligations d'information dans leur contexte originel
(Paragraphe 1), puis dans leur contexte secondaire
(Paragraphe 2).
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