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L'obligation d'informer la caution durant l'exécution du contrat de cautionnement en droit de l'OHADA


par Fabrice Essone Zang
Université Africaine des Sciences de Libreville (UAS) - Master en droit des affaires 2017
  

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Paragraphe 2 : le fondement lié au déséquilibre entre la caution et le créancier

La recherche d'égalité entre les cocontractants trouve sa raison dans le constat de déséquilibre entre les parties à un contrat. Tantôt, ledit déséquilibre est causé par le droit lui-même (A), tantôt le manque d'équilibre est plutôt dû à des inégalités socioéconomiques (B).

A- Le déséquilibre psychologique et juridique : le caractère unilatéral de l'engagement et l'oubli de l'engagement

Le plus curieux c'est lorsque le droit provoque lui-même des déséquilibres entre les parties à un contrat spécifique (1) et que ce déséquilibre entraîne des désagréments tels que l'oubli (2).

1) Le caractère unilatéral du cautionnement

La spécificité du contrat de cautionnement oblige le législateur français (puis le législateur OHADA) à imposer des règles supplémentaires à l'une des parties.

En effet, les professeurs Séverine CABRILLAC et Philippe PETEL observent qu'« en règle général, le cautionnement ne fait naître d'obligation qu'à la charge de la caution ; il est pour cela unilatéral. Le fait que la caution n'ait guère de possibilités de défendre elle-même ses

54 Ibid.

55 Ph. Malaurie (dir.), L. Aynès, P. Crocq, Les sûretés, la publicité foncière, 7e éd., coll. Droit privé, Defrénois, 2013, n° 297, p. 136-137.

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intérêts, en raison de son absence de contribution à la dette, entraîne pour le créancier un devoir original : prendre en charge, pour partie, la protection des intérêts de la caution »56.

Aussi, le professeur Stéphane PIEDELIEVRE explique que « les obligations d'information ont pour but de contrebalancer le caractère unilatéral du contrat de cautionnement qui peut n'être établi qu'en un seul exemplaire, même si cela devient rare en pratique »57.

En effet, comme en dispose l'article 1326 de l'ancien Code civil français, « l'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres (...) ». L'instrumentum constatant le cautionnement peut donc légalement n'être tiré qu'en un seul exemplaire souvent gardé par le créancier.

Toutefois, en dépit de la dangerosité des contrats unilatéraux, certains auteurs contestent le comportement protecteur du législateur français. Ainsi, le professeur Manuela BOURASSIN s'insurge en rappelant que « le solidarisme contractuel dans les contrats unilatéraux n'a pas de sens. (...) Dans la mesure où ces contrats ont pour fonction de protéger les intérêts d'une seule partie »58. Mais, l'on constate que ces auteurs ne s'appuient que sur des arguments purement juridiques sans tenir compte de la réalité.

Les informations obligatoires dans le contrat de cautionnement qui est un engagement unilatéral servent alors de contrepoids et tiennent leur essence dudit caractère unilatéral du cautionnement qui nuit à la caution qui oublie souvent son engagement...

2) La possibilité d'oubli de l'engagement par la caution

Le doyen SIMLER regrette d'une part que « Le formalisme du contrat de cautionnement en un seul original, conséquence de son caractère unilatéral, [ne soit] pas sans inconvénient. L'acte ainsi dressé est destiné au créancier, seul censé en avoir besoin en tant qu'instrument

56 M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac, Ph. Pétel, Op. cit., 10e éd., 2015, LexisNexis, n° 78, p.65.

57 S. Piedelièvre, obs. sous Cass. Civ.1re, 9 nov. 2004, n° 01-03-772, Bull.I n° 252, p. 210.

58 M. Bourassin, L'efficacité des garanties personnelles, préf. V. Brémont et M-N. Jobard-Bachellier, coll. Bibliothèque de droit privé, Paris, LGDJ, 2006, n° 156, p.77.

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de preuve. Il se peut donc que la caution n'en conserve aucune trace. Or, le contentieux révèle une singulière faculté d'oubli de la part des cautions ».59

Pourtant, d'autre part, le professeur note que dans la pratique les établissements de crédit suppléent alors la loi en remettant un exemplaire du contrat de cautionnement à la caution60.

À l'instar des professeurs PIEDELIEVRE et SIMLER, le juriste NKOU MWONDO Prosper constate les mêmes inconvénients en droit de l'OHADA qu'en France ; « dans la pratique, on a observé que généralement, la caution s'engage en signant simplement un document que conserve seul le créancier. Pourtant, la caution qui n'a pas un exemplaire du contrat dans ses propres archives peut oublier qu'elle s'est engagée quelque part »61.

Le juriste déplore également que « le législateur africain (OHADA) n'[ait] pas profité des nouveaux textes pour imposer la rédaction du contrat de cautionnement en double exemplaire, dont un sera détenu par la caution »62.

L'oubli de l'engagement provoqué par le caractère unilatéral du cautionnement peut être un fondement ou du moins l'une des raisons d'être de l'obligation d'information de la caution surtout dans le cas d'un cautionnement de longue durée ou à durée indéterminée. L'information obligatoire tient alors le rôle de sonnette d'alarme contre l'oubli de l'engagement souscrit par la caution. Toutefois, au-delà de l'oubli et du caractère unilatéral de certains engagements un état de fait est pris en considération pour imposer des obligations aux contractants dominants.

B- Le déséquilibre de fait : La vulnérabilité de la caution au fondement de l'obligation d'information

Avec la montée des mouvements solidariste et consumériste marquant la France en ce XXIe siècle, nous pouvons relever comme dernier fondement de l'obligation d'information de la caution, la vulnérabilité de la partie la plus faible au contrat, en l'occurrence la caution qui est alors assimilée à un consommateur.

La vulnérabilité d'une partie au contrat renvoie en pratique à la relation entre profane et professionnel, voilà pourquoi, les auteurs J. CALAIS-AULOY et F. STEINMETZ estiment

59 Ph. Simler, Op. cit., n° 57, p.69.

60 Ibid.

61 NKOU MVONDO P., Op. cit., n ° 47, p. 20.

62 Ibid.

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que « les consommateurs sont naturellement en position de faiblesse vis-à-vis des professionnels »63. Or, pour les auteurs, « la loi a pour fonction de protéger les faibles contre les forts »64.

Pour mener à bien notre travail, il convient d'expliciter non seulement le terme vulnérabilité, mais aussi les notions de consommateurs et de professionnels au sens juridique (1). Aussi nous ferons mention d'une certaine animosité de la part de certains auteurs au sujet de la notion de vulnérabilité (2).

1) Définitions et notions

Tout d'abord, il n'existe aucune définition particulière du terme vulnérabilité en droit, ce mot est donc employé au sens courant. Ainsi, selon le dictionnaire Larousse, la vulnérabilité signifie le caractère de ce qui est vulnérable et le mot « vulnérable » désigne celui ou celle qui est susceptible d'être attaqué.

Ensuite, le lexique des termes juridiques du Raymond GUILLIEN indique que le consommateur est « une personne qui conclut avec un professionnel un contrat lui conférant la propriété ou la jouissance d'un bien ou d'un service destiné à un usage personnel ou familial, à l'exclusion de toute finalité professionnelle »65, aussi la définition ajoute que « la jurisprudence assimile parfois au consommateur le professionnel qui conclut un contrat sans lien direct avec son activité »66.

Enfin, le professionnel est une « personne physique ou morale qui, dans le cadre de sa profession, exerce une activité de fabrication, de distribution ou de prestation de service », le lexique des termes juridique ajoute que le professionnel est réputé compétent et avisé voilà pourquoi il est soumis à des règles dérogatoires protectrices du consommateur profane67.

Mais, si cette présomption de vulnérabilité du consommateur est tolérée par certains auteurs, elle est également largement critiquée en doctrine en dépit de la justesse de ce principe.

63 J. Calais-Auloy et F. Steinmetz, Droit de la consommation, Précis Dalloz, 1996, 4e éd., n° 18.

64 Ibid.

65 Raymon Guillien et al., Op.cit., p. 221.

66 Idem.

67 Ibid., p.691

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2) La critique de la notion de vulnérabilité des contractants en tant que fondement de la protection exorbitant du droit commun

La vulnérabilité comme fondement de la protection du contractant ne fait pas l'unanimité. En effet, en dépit de l'état de dépendance économique de l'une des parties (a), certains auteurs ne trouvent guère ce fondement pertinent (b).

a. La violence économique et la vulnérabilité du consommateur

Pour les partisans de la vulnérabilité comme fondement de la protection du contractant, la situation de fait du débiteur justifie les obligations pesant sur la partie la plus forte au contrat. Toutefois, comment se manifeste concrètement cette vulnérabilité du contractant ?

Dans le milieu du crédit par exemple, Mademoiselle Audrey HUYGENS constate une certaine violence économique exercée par les créanciers sur les débiteurs et cautions. Il faut signaler que la violence économique n'est pas une notion nouvelle, car il s'agit tout simplement du vice de consentement qu'est la violence à laquelle l'on a rajouté le terme « économique » afin d'identifier la nature de la violence subie par le contractant et distinguer ladite violence économique de la violence physique ou morale.

Ainsi, tout d'abord, dans le contrat de prêt, la juriste fait remarquer que « l'établissement de banque dispose d'un pouvoir déséquilibrant dont il peut faire usage lorsqu'il affronte un emprunteur économiquement fragile »68, puisque « le prêteur sait que la menace d'un refus de prêt et la position économique embarrassante qui s'en suivrait, exerce une pression que la volonté de l'emprunteur telle qu'il acceptera les termes imposés (sic) »69.

Ensuite, dans la relation triangulaire du cautionnement, Mademoiselle Audrey HUYGENS explique comment le débiteur est contraint de fournir une caution. En effet, selon la juriste, « Un débiteur en situation d'infériorité, du fait de ses difficultés financières, se voit obliger par [le pouvoir déséquilibrant de l'établissement de banque] d'offrir une garantie personnelle dont l'étendue est déterminée par ce dernier, la caution quant à elle tant à l'égard du débiteur principal que de cette dernière se trouver également en état de dépendance (sic) »70.

La vulnérabilité de la caution et celle du débiteur principal créent alors un déséquilibre considérable entre ceux-ci et le créancier.

68 Audrey Huygens, La violence économique, Mémoire de l'université de Lille II, 2001, n° 68, p. 39.

69 Ibid.

70 Ibid.

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En effet, le professeur Georges RIPERT confirmait une telle pensée lorsqu'il affirmait que « si l'un des contractants peut imposer sa volonté, si l'autre est obligé par la nécessité d'adhérer sans discuter, le contrat n'est que la loi du plus fort »71.

Au vu de la situation précaire des consommateurs par rapport à celle des créanciers professionnels, la jurisprudence a jugé que « le consommateur moyen, au regard notamment du Code de la consommation, ne peut plus être considéré comme l'homme actif, instruit, diligent, avisé qu'était le bon père de famille, dans le Code Napoléon, mais comme un être plus vulnérable auquel doivent être présentés de façon claire tous les termes du marché et tous les risques auxquels il s'expose »72.

Mais, certains auteurs se sont insurgés contre le solidarisme contractuel au profit des consommateurs naturellement vulnérables.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams