L'obligation d'informer la caution durant l'exécution du contrat de cautionnement en droit de l'OHADApar Fabrice Essone Zang Université Africaine des Sciences de Libreville (UAS) - Master en droit des affaires 2017 |
Paragraphe 2 : la contestation de la qualification d'obligationLa question à laquelle nous tentons de répondre dans ce paragraphe est celle de savoir si les obligations d'information au profit de la caution sont réellement des obligations au sens juridique du terme. En effet, d'une part on constate de grandes différences quant au régime propre aux obligations civiles et à celui des obligations dites légales (A). D'autre part, la doctrine conteste la qualification desdites dispositions normatives comme étant des obligations (B). A- L'impossible application du régime des obligations dites civiles aux obligations de source extracontractuelle L'on constate tout d'abord que les obligations d'information imposées au créancier ne prennent pas leur source dans le contrat, mais à l'extérieur. En effet, les obligations d'information au profit de la caution ont leur source dans des textes législatifs (en France) et communautaires (en droit de l'OHADA). Ensuite, les obligations d'information d'origine extracontractuelle ont une sanction totalement différente de celle prévue en cas de manquement à une obligation dite civile, à savoir l'exécution forcée, la résolution du contrat, les dommages-intérêts et l'exception d'inexécution. En effet, en ce qui concerne les dommages et intérêts, l'article 1142 de l'ancien Code civil français disposait que « toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts, en cas d'inexécution de la part du débiteur ». Or, la sanction du défaut d'information est la déchéance des intérêts contractuels échus (information périodique) ou celle des pénalités et intérêts de retard échus (information ponctuelle). Puis, il convient de noter que l'exécution forcée pour manquement à l'obligation légale d'information est hors de propos puisque le contrat de cautionnement est par essence unilatéral, seule la caution s'engage. Ensuite, le contrat de cautionnement ne peut pas être suspendu pour défaut d'information périodique ou ponctuelle. En effet, même en cas de défaut d'information, la caution reste tenue par son engagement239. 239 Cass. Com., 26 oct. 1999, Bull. civ. IV, n° 189 ; JurisData n° 1999-003673 ; JCP G 1999, IV, 3040, préc. 102 En conséquence, arrivés à cette base, nous pouvons à nouveau nous poser la question de savoir si les obligations légales (ou réglementaires dans le cas de l'OHADA) d'information sont de réelles « obligations ». B- La requalification doctrinale des obligations légales et réglementaires d'information Refusant le terme « obligation » employé par le juge de cassation dans l'attendu : « les diverses obligations mises à la charge du créancier professionnel ne sont que des obligations légales sanctionnées par la déchéance du droit aux accessoires de la créance et non la contrepartie de l'obligation de la caution »240, la doctrine française a réagi en proposant sa propre qualification des contraintes pesant sur le créancier garanti. Toutefois, précisons que cette requalification n'est pas nécessairement due à cette décision de la Cour de cassation française. En effet, certains auteurs ont refusé cette qualification bien avant le prononcé de la décision, mais ladite décision datant de 2015 permet de mettre en exergue une banalisation du terme obligation même au sein des juges. Ainsi, le professeur Séverine CABRILLAC qualifie lesdites « obligations » d'information de « devoirs d'information ». La juriste s'explique en affirmant que « ce terme est le seul correct, même si par facilité de langage, par habitude (par faiblesse pour ne pas donner l'impression de manquer de vocabulaire), il nous arrive d'employer celui d'obligation »241. Le professeur Michel SEJEAN parle plutôt de « sujétions » au lieu d'obligations lorsqu'il affirme que « le plus souvent, les sujétions légales mises à la charge du créancier sont qualifiées d'obligations par la loi elle-même, voire d'obligations légales par les auteurs et le juge. Cette qualification d'obligation est regrettable, en ce qu'elle suscite inutilement une ambiguïté sur le caractère unilatéral du cautionnement. Le vrai est qu'il y a tout lieu de penser que ces sujétions n'ont rien de commun avec les obligations civiles »242. Quant au professeur LAFONTAINE, il se réfère au droit allemand et voit plutôt des « incombances » plutôt que des obligations légales243. En effet, le juriste belge remarque que 240 Cass.com., 8 avr. 2015, préc. 241 M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac, Ph. Pétel, Op. cit., n° 318, p. 225. 242 M. Séjean, La bilatéralisation du cautionnement, le caractère unilatéral du cautionnement à l'épreuve des nouvelles contraintes du créancier, LGDJ, 2011, n° 124. 243 M. FONTAINE, « Le droit des contrats à l'écoute du droit comparé », in Liber Amicorum Michel Coipel, Bruxelles, Kluwer, 2004, p. 305. 103 « là où l'incombance suffit à atteindre le résultat souhaité, nul besoin d'imposer une obligation au sens plein »244. Qu'est-ce donc qu'une incombance ? Mademoiselle Fanny LUXEMBOURG, explique que « l'incombance désigne l'exigence de diligence ou de probité imposée pour conserver le bénéfice d'un droit, dont le seul non-respect, bien que ne pouvant faire l'objet d'une exécution forcée ni d'une action en réparation, est toutefois juridiquement sanctionné. Elle se distingue ainsi de l'obligation civile en ce que sa méconnaissance ne peut justifier une action en exécution forcée et ne donne pas lieu, en principe, à réparation »245. Aussi, « de façon schématique, l'incombance prendrait place quelque peu à la croisée de deux notions bien connues de notre droit, bénéficiant d'une force obligatoire plus importante que les obligations naturelles, mais sans être aussi contraignante que l'obligation civile »246. Le professeur FONTAINE indique ainsi que « dans une échelle décroissante quant au caractère contraignant, l'incombance se situe entre l'obligation civile et l'obligation naturelle »247. Enfin et entre autres, TROPLONG désignait les « obligations légales » comme étant des « concessions »248. Ainsi, la cause de la limitation de la sanction d'une obligation dite légale est l'impossible soumission de ladite obligation au régime des obligations dites civiles. On peut donc déduire que la sanction tient sa nature de l'obligation dont elle sanctionne le manquement. En effet, c'est le législateur qui incrimine le manquement à une obligation légale, alors que c'est le contractant à travers le juge qui sanctionne le manquement à une obligation civile. 244 Ibid. 245 F. LUXEMBOURG, La déchéance des droits - Contribution à l'étude des sanctions civiles, Paris, Éditions Panthéon Assas, 2007, n° 1168, p. 430. 246Texte anonyme lu sur https://www.uclouvain.be/cps/ucl/doc/drt/.../Thesed Doctorat-Les incombances.pdf 247 M. FONTAINE, « Obliegenheit, incombance ? »[Obligation, incombance ?], in Liber Amicorum Hubert Claassens, Antwerpen - Bruxelles, Maklu - Académia Bruylant, 1998, pp. 159 et 160. 248 R.T. Troplong, Droit civil expliqué, du cautionnement, 1846. 104 |
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